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Toutes les sciences sont les rameaux d'une même tige.

BACON.

« L'art n'est autre chose que le contrôle et le registre des meilleures productions... A contrôler les productions (et les actious) d'un chacun, il s'engendre envie des bonnes et mépris des mauvaises.

MONTAIGNE.

« Les belles-lettres et les sciences, bien étudiées et bien comprises, sont des instrumens universels de raison, de vertu, de bonheur.

ENCYCLOPÉDique,

OU

ANALYSES ET ANNONCES RAISONNÉES

DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES

DANS LA LITTÉRATURE, LES SCIENCES ET LES arts.

I. MÉMOIRES, NOTICES,
LETTRES ET MÉLANGES.

CONSIDÉRATIONS

SUR LES SOCIÉTÉS POUR LA PROPAGATION DES CONNAIS

SANCES USUELLES.

La REVUE ENCYCLOPÉDIQUE a déjà exposé quelques vues générales sur les moyens de hâter les progrès de l'instruction, non-seulement en France, mais dans tous les pays conquis par la civilisation européenne (1). Le tems de méditer sur ce grand objet est arrivé pour tous les peuples; ceux mêmes qui sont les plus avancés dans la carrière pourraient faire un plus heureux emploi de leurs forces, aller plus vite, avec plus d'ordre, et sans laisser en arrière un aussi grand nombre de traîneurs : les méthodes et les instrumens dont on fait encore usage

(1) Voyez Rev. Enc., t. xxxvII, pag. 5, le Mémoire intitulé : Considérations générales sur la republique des lettres en 1827.

pour opérer sur l'intelligence humaine sont demeurés presque stationnaires, tandis que ceux de l'industrie appliquée à la matière recevaient d'immenses perfectionnemens. On dirait que l'industrie enseignante redoute pour elle-même un danger qui peut menacer les fabriques, la surabondance des produits : qu'elle se rassure, et se repose avec confiance sur les deux mines inépuisables qu'elle exploite, la nature qu'il s'agit de connaître sous tous les aspects, et la curiosité de l'esprit humain.

La politique redoute aussi que les peuples ne s'instruisent trop, et qu'à force de lumières universellement répandues, les gouvernemens ne trouvent plus d'obéissance nulle part: la politique peut avoir tort ou raison, selon le sens qu'elle attache au mot gouvernement. S'il est question de l'autorité despotique et de l'obéissance machinale, l'ignorance des peuples est le premier besoin du pouvoir qui les exploite à son profit; mais dans un état où il y a des citoyens, des lois, des institutions, il est indispensable que la nation soit éclairée, et l'instruction qui lui convient ne reconnaît point de limites. Le despote même laisse échapper quelques rayons de lumière; il faut que ses sujets, ou, pour mieux dire, ses serfs acquièrent les connaissances dont un ouvrier habile ne peut se passer mais comme ces faibles lueurs pourraient faire entrevoir des objets dont la vue est interdite, on a soin de détourner l'attention; on occupe la pensée de fantômes qui lui ferment les voies où l'on craint de la voir entrer la superstition, les pratiques minutieuses, tous les moyens d'affaiblir le raisonnement et de le courber sous le joug de l'imagination, sont mis en usage avec persévérance, et le plus souvent avec succès, lorsque la nation n'a pas contracté l'habitude et le besoin d'exercer son intelligence. Si les lumières abondent dans la classe

moyenne, quand même la masse de la nation serait encore dans l'obscurité, le retour à l'ignorance est impossible; les efforts pour la ramener sont aussi dangereux qu'inutiles, au lieu que tout favorise la tendance générale vers l'instruction; que les gouvernemens y trouvent le secret de leur force, des leviers qui ne rompent point entre leurs mains. L'impulsion communiquée aux esprits est tellement irrésistible qu'elle entraîne tout ce qui lui est opposé. C'est ainsi que la Société des bonnes lettres a changé sa direction, et peut actuellement contribuer à la gloire de notre littérature. On ignore ce qu'est devenue l'obscure Société des bonnes études, malheureuse conception d'esprits faux et de caractères moroses, auxquels le bon sens du public a rendu justice en les laissant dans l'oubli. Si le pouvoir ne s'était pas armé contre l'enseignement mutuel, il n'aurait point redouté les attaques des partisans de l'ignorance : il a fallu des coups d'autorité pour l'empêcher de répandre les bienfaits de l'instruction. Enfin quelques heureux présages, quelques pressentimens consolateurs font entrevoir dans un avenir assez prochain l'époque où, relativement à l'instruction, le mal sera plus difficile à faire que le bien. Ainsi, que l'espérance vienne redoubler le zèle des amis de l'humanité! Il ne s'agit plus de savoir comment on repoussera les partisans des ténèbres, mais de rechercher par quels moyens on répandra le plus de connaissances dans les lieux et dans les classes qui en ont le plus manqué jusqu'à présent. La tâche qui reste à remplir n'a plus rien de pénible; mais elle n'a rien perdu de son importance. Le tems n'est pas loin où l'on se fût contenté de faire un peu de bien maintenant on devient plus exigeant envers soi-même, on s'impose des obligations plus étendues: ce n'est pas de repos que l'on a besoin,

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mais de cette activité qui est la vie de l'ame, qui entretient par un salutaire exercice la vigueur des plus nobles facultés de l'homme. L'esprit d'association n'a pas encore opéré tous les prodiges dont il est capable; s'il entreprend d'exploiter au profit du genre humain toute la portion d'intelligence que chaque homme a reçue de son créateur, pourquoi ne réussirait-il pas aussi bien que dans ces travaux gigantesques où il dompte et dirige à son gré les forces de la nature ?

Il n'existe encore aucune Société dont l'objet soit l'instruction considérée dans son ensemble relativement à tout ce qu'elle peut embrasser, et à toutes les applications dont elle est susceptible. Une grande partie du savoir humain est étrangère aux Universités et même aux Académies; la classification des connaissances, essayée à différentes époques avec plus ou moins de succès, n'a peut-être servi qu'à faire morceler et isoler les divers travaux intellectuels, sans leur laisser, comme aux travaux mécaniques, un point de réunion où ils puissent se coordonner et prendre une direction commune. Parmi les Sociétés qui se sont chargées spécialement de quelques divisions des sciences, des lettres et de l'enseignement, il en est peu qui aient accordé à la recherche des méthodes le tems, les soins et la diligence qu'elles méritent. Il serait injuste de leur faire aucun reproche sur cette prétendue négligence : la découverte des méthodes ne peut être le résultat d'une coopération de plusieurs intelligences; on ne les doit qu'à l'esprit d'invention, secondé par des circonstances favorables. Tout ce que les associations peuvent faire, c'est de provoquer les recherches, d'exciter le génie et d'aider ses efforts, lorsque la fortune met des obstacles à son développement et à son action. Moins exigeantes et plus utiles que les Mécènes

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