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« Nous te prions pour ceux qui nous persécutent; pour <«<le roi, dont la jeunesse est entourée d'ennemis; pour la «reine, et pour les hommes honnêtes de son conseil 1. « Inspire aux grands l'humanité pour les petits; que tous <«< ils t'implorent, te craignent, et espèrent en toi seul; car tu «<es le juge des hommes, et le seul roi des rois! » L'histoire offre peu de traditions d'une aussi sublime simplicité.

LA CHANSON POLITIQUE.

Il y a deux sortes de chansons politiques, celle qu'inspire l'amour du pays, et celle qui a pour objet de se venger par la raillerie des agents d'une autorité injuste ou tyrannique. L'une est à l'usage des nations libres: l'autre est l'expression d'un peuple esclave et spirituel qui joue avec ses fers qu'il n'a pas le courage de briser.

On ne trouve dans les républiques anciennes aucun vestige de cette dernière espèce de chanson.

C'est une bien misérable vengeance que de chansonner ses maîtres. Il est plus beau d'entonner en chœur l'hymne de la délivrance, et de faire retentir la salle du festin de ce chant célèbre d'Harmodius et d'Aristogiton.

«Mon épée est entourée de myrte; elle me rappelle le << souvenir de nos frères qui ont rétabli l'égalité des lois. <«< Harmodius et Aristogiton frappèrent d'un glaive orné

"

« de ces feuilles verdoyantes le tyran qui opprimait la ré«< publique. Mon épée, sois entourée de myrte ; je te consa«cre à leur mémoire.

<< Cher Harmodius, cher Aristogiton, ombres saintes, « vous n'avez point cessé de vivre: invisibles vous présidez << encore à nos destinées; vous êtes au milieu de nous, et

Ce jeune roi, c'était Charles IX, et cette reine était Catherine de Médicis.

« vous souriez à vos amis, alors qu'en votre honneur ils « couronnent leur glaive de myrte vert.

« Mon épée, sois entourée de myrte, et rappelle-moi sans <<< cesse le souvenir de ces deux frères immortels, qui, dans « Athènes, ont rétabli l'égalité des lois.

« C'était aux Panathénées: Harmodius et Aristogiton << s'approchèrent du tyran et le frappèrent de leur glaive « entouré de feuillage! Harmodius! Aristogiton! honneur « éternel à vos noms! soyez à jamais chers aux citoyens d'Athènes, et que le glaive couvert de myrte soit consacré « à la liberté. »

"

Jusqu'à nos jours, Harmodius et Aristogiton étaient restés sans imitateurs: de pareils chants n'auraient rien dit à l'ame dans nos modernes monarchies : c'est par la raillerie que l'on s'y vengeait de l'oppression; c'est par des pasquinades, par des mazarinades, qu'on attaquait les abus du pouvoir; on chansonnait les ministres qui s'en moquaient, pourvu qu'on payát.

Je pourrais citer mille exemples de cette espèce de chanson politique, qui paraît être née en Italie, mais dont la France a fini par se réserver le privilege exclusif.

Cette sensibilité vive et presque enfantine, qui faisait dire à Duclos que nous étions les enfants de l'Europe, s'est de tout temps exhalée en chansons. On chantait quand les Anglais démembraient le royaume; on chantait pendant la guerre civile des Armagnacs; on chantait pendant la ligue ; sous la fronde, sous la régence; et c'est au bruit des chanla monarchie s'est écroulée à la fin du dix-huitième

sons que

siècle.

Il n'est pas un événement de notre histoire qui n'ait été marqué par des chansons; mais dans cette multitude de saillies malignes, gaies, folles, ou furieuses, on chercherait

en vain, jusqu'au moment de la révolution, une seule chanson politique digne de quelque éloge.

Ce qui nous reste des chansons de la ligue abonde en traits aigus de satire personnelle. Mais aucun aperçu philosophique, aucune idée fine, aucune image gracieuse, ne percent à travers la rouille grossière qui recouvre ces informes productions. Pour le prouver, il me suffira de citer les moins mauvaises chansons que l'esprit de la ligue ait produites.

Réduit à fuir après la bataille d'Yvri, le duc d'Aumale fut chansonné dans tous les carrefours de Paris.

A chacun nature donne

Des pieds pour le secourir;

Les pieds sauvent la personne :

Il n'est que de bien courir.

Ce vaillant prince d'Aumale,
Pour avoir si bien couru,
Quoiqu'il ait perdu sa malle,
N'a pas la mort encouru.

Ceux qui étaient à sa suite
Ne s'y endormirent point;
Sauvant par heureuse fuite
Le moule de leur pourpoint.

Quand ouverte est la barrière,
De peur de blâme encourir,
Ne demeurez point derrière :
Il n'est que de bien courir.

Courir vaut un diadème :
Les coureurs sont gens de bien.
Frémont et Balagny même
Et Congy le savent bien.

Bien courir n'est jamais vice;
On court pour gagner le prix.
C'est un honnête exercice;
Bon coureur n'est jamais pris.

La mort de ce même duc d'Aumale, qui fut tué d'un coup d'arquebuse, à la prise de Saint-Denis, près des tombeaux des rois dont il osait combattre les descendants, devint encore le sujet d'une chanson populaire :

De la fureur qui vous conduit

Vous vouliez Saint-Denis surprendre ;
Si, vous a pris le voulant prendre
Dessus la glace d'une nuit.

De glace sont tous vos desseins;
Ils sont fondus à la même heure;
Qui dessus la glace s'asseure
Bien souvent tombe sur les reins.

Saint-Denis tient comme en dépôt
De nos roys les corps vénérables;
Honte à vous, ligueurs misérables,
Qui voulez troublez leur repos.

Il y a du moins une sorte de naïveté gracieuse dans ce petit couplet sur le prince de Condé, bossu, petit, et toujours amoureux.

Ce petit homme tant joli,

Qui toujours cause et toujours rit,
Et toujours baise sa mignonne,
Dieu gard' de mal le petit homme.

Laissons ces essais barbares, et tâchons de découvrir ailleurs quelque chant national plus honorable pour les peuples modernes. C'est à l'Écosse qu'était réservé l'honneur de produire un des plus beaux chants nationaux dont la poésie et l'histoire puissent garder le souvenir.

Bruce, en menant ses Écossais au combat contre la perfide Angleterre, chantait les paroles suivantes, sur un de ces airs consacrés par les échos de la Calédonie :

« Écossais! dont le sang coula jadis avec celui de Wal

lace; Écossais! souvent menés par Bruce à la victoire; saluez le champ de la gloire, ou saluez votre lit de mort!

« Voici le jour, voici l'heure, voici l'instant des braves. Ce nuage qui s'avance porte la mort : c'est l'armée des tyrans; c'est Édouard, c'est l'oppression, l'orgueil et l'esclavage!

« Où est-il le traître? où est-il le lâche qui veut être esclave? qui veut que sur sa tombe on lise: Il fut un perfide! Que le traître! que le lâche sorte des rangs, qu'il fuie !

« Mais qui veut défendre son roi? Qui veut se battre pour la loi sacrée? Debout ou accablé par la fortune, qui veut marcher libre et tomber libre? Calédoniens! en avant!

«Par les malheurs et les peines de l'esclavage; par vos fils enchaînés, je vous adjure! amis, nous verserons le plus pur sang de nos veines, mais nos fils seront libres!

« Qu'ils tombent les fils d'Albion! Sous chaque blessure qu'un tyran périsse! Que la liberté brille avec le glaive! En avant! et vive la mort, au défaut de la victoire ! »

Ce noble enthousiasme n'échauffe aucune des chansons conservées par nos compilateurs, comme souvenirs de nos petites passions politiques; jusqu'en 1774, je ne trouve à citer que ce vaudeville, à l'occasion de l'avènement de Louis XVI, et que l'on a, je crois, faussement attribué à Collé.

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Cette faute de rime suffirait pour prouver que cette chanson n'est point

de Collé.

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