Depuis long-temps on m'apostrophe; Je suis fou, léger, indiscret.
Non, messieurs; je suis philosophe, Et je le prouve, qui plus est. Attaqué par le pédantisme, Ne répondons pas au hasard; Et, suivant les règles de l'art, Présentons notre syllogisme. Pour argumenter savamment, Recherchons l'étymologie De ce grand mot philosophie. Philos, en grec, veut dire amant; La sagesse se dit Sophie:
Il s'ensuit nécessairement
Que, Sophie étant ma maîtresse,
Je suis l'amant de la
Philosophe conséquemment.
Séduite par l'appât à ses desirs offert,
Dans un vase de miel couvert
Une mouche allait s'introduire : -Ne vois-tu pas, sot animal, Lui crie un homme, en quel piège fatal L'imprudence va te conduire? Dans ce vase lorsque tu voi Périr par milliers tes semblables, De tant d'exemples redoutables Sache au moins profiter pour toi. L'avis est salutaire,
Répond l'insecte bourdonnant;
Mais ce reproche impertinent
L'homme a-t-il droit de me le faire?
En censeur tu veux t'ériger,
Et toi-même, qui me méprises,
Par les fautes d'autrui loin de te corriger, Tu ne profites pas de tes propres sottises. Si par hasard vingt fois j'échappe à ce danger, Et que j'y tombe encor par imprudence extrême, Le rapport entre nous deviendra plus égal, Et j'aurai peine alors à prononcer moi-même Quel est entre nous deux le plus sot animal.
« De mon bonheur, ma bonne amie,
« Pourras-tu concevoir l'excès?
« Avoir vu semblable succès.
« De tous côtés à mon oreille « J'entendais dire: Il est charmant, « Mis avec goût, simple, élégant; « D'honneur, il est fait à merveille. « Je puis t'avouer, entre nous, «Que j'en eus une joie extrême; «Lucile, c'est qu'il est si doux << D'entendre louer ce qu'on aime! » Ainsi parlait, au retour d'un concert, L'aimable Laure à la jeune Lucile. Maintenant je donne entre mille A deviner au plus expert
L'objet d'un intérêt si tendre:
Chacun me répond, sans attendre,
Que c'est un jeune et tendre amant. Non.- Un bon frère, un ami?— Bagatelle!
Il faut une cause plus belle
Pour un si noble sentiment.
Ce chef-d'œuvre de la nature,
Qu'on estime avant tout, qu'on chérit sans mesure, De tant d'amour l'heureux objet,
Ce n'est pas un amant, messieurs.... c'est un bonnet.
Dupe et victime de l'erreur
Qui séduit la folle jeunesse,
J'ai long-temps pris pour le bonheur Du plaisir la flatteuse ivresse. Honteux de son égarement,
Et recouvrant son innocence, Mon cœur demande au sentiment Compte des jours de l'inconstance.
Esprit, talents, graces, candeur, Beauté, douceur, et modestie, Tel est le portrait enchanteur De l'épouse que j'ai choisie.
Tremblez, téméraires époux, Dit la raison qu'amour entraîne; Ces nœuds qui vous semblent si doux N'en forment pas moins une chaîne. Nous adoptons sans examen Cette idée à nos cœurs si chère, Et nous inventerions l'hymen S'il n'existait pas sur la terre.
A ton amant accorde, ma Délie, Un seul baiser pour la dernière fois : Rien qu'un baiser, ô ma plus douce amie! Mais que ce soit le baiser de mon choix.
De mes desirs le rapide incendie En traits de feu sillonne tes appas; Amour se plaint que ces baisers sans vie Viennent du cœur, et n'y retournent pas.
Baisez la bouche: elle répond à l'ame, Donne un plaisir, le reçoit à son tour, Confond enfin les deux cœurs qu'elle enflamme, Et leur transmet les soupirs de l'amour:
Livre-moi donc cette bouche envieuse !.... Entr'ouvre un peu ces lèvres de corail!.... Ah! je les presse,.... et ma langue amoureuse Frémit d'amour entre tes dents d'émail.
Douce fureur! aimable frénésie!
A son bonheur mon cœur ne suffit pas: Dieu! quel baiser!.... encore un, ma Délie, Fût-il pour nous le signal du trépas.
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