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Grace sur-tout à la boussole,

Nous atteignons ce cap jadis si redouté, Dont Gama découvrit le dangereux passage le Camoens dans ses vers a chanté.

Et

que

Deux peuples différents habitent ce rivage :

L'un a des lois, des chefs, des habits, des vaisseaux; L'autre, dans les forêts errant à l'aventure,

Sans maîtres et sans lois,

ne suit que la nature,

Et ne connaît de soins que ceux de ses troupeaux,

Quel contraste étrange et bizarre!

Ici le Hollandais avare,

Riche en ducats, pauvre en vertus,
Dans ses desirs insatiable,

Dans ses travaux infatigable,

Assiège jour et nuit le temple de Plutus.
Là, dans une heureuse indolence,
Je vois le sale Hottentot

Préférant son indépendance

Au luxe, à la magnificence,

Et riche du peu qu'il lui faut,

Plus content sur son chariot

Que l'avide Batave au sein de l'opulence.

J'avais lu dans un grave auteur

Que dans ce pays la nature

Avait fait don à la pudeur

D'une assez gênante ceinture.
Observateur judicieux,

Je veux pénéter cette affaire,
Scruter d'un regard curieux

Ce sombre et féminin mystère;

Mais quand j'ai le fait sous les yeux,
Je n'y vois rien que d'ordinaire.

Point de voile envieux, point d'obstacle au bonheur,
Mêmes traits et même enveloppe

En Afrique ainsi qu'en Europe;
La nature uniforme est par-tout sans pudeur.

Enfin de la brûlante Afrique

Nous quittons les bords dangereux,

Et sur l'océan pacifique,

Par-delà le brûlant tropique,

Nous cherchons un ciel plus heureux.

Du sein des mers qui baignent du brachmane
Le rivage antique et lointain,

Je vois sortir la verte taprobane,

Où dom Calmet, rêveur bénédictin,

Met le berceau du triste genre humain.
Sans entamer une docte querelle,

Et sans chercher s'il est bien vrai qu'Adam,
Son paradis, sa gourmande femelle,
Furent placés dans l'île de Ceylan,
Les Hollandais en tirent la cannelle,
Et moi, ravi d'un spectacle si beau,
Je quitte l'aimable Isabelle',
Et je prends terre à Colombo.

Mais quel appareil formidable
D'armes, de vaisseaux, de soldats?

› Nom du vaisseau sur lequel j'étais embarqué.

Quelle fureur inconcevable
Ensanglante ces beaux climats?
De la Tamise et de la Seine
Le démon de la guerre amène
Les implacables habitants;
A sa voix soumis et docile,
Par-tout l'Indien imbécile
Sert la cause de ses tyrans;
Anglais, Français, Maure, Marate,
Des rives du Gange à Surate,
On s'égorge pendant quatre ans
Pour des mouchoirs de palliacate:
Et puis vient enfin le grand jour
Où, dans les plaines de Gondlour,
Malgré d'Ophlise1, Austrasie et la gloire,
L'Anglais remporte la victoire;

Et, bornant son ambition,

Fier d'un triomphe qui l'effraie,
Rentre aux murs où La Bourdonnaie,
Vainqueur des enfants d'Albion,

Sut, immortalisant son nom,

Faire triompher sa patrie

Sans désarmer la jalousie

Qui le fit mourir en prison.

Nous arrivons pleins d'espérance:
Rassemblés au cap Comorin,
Déja nous rêvions la vengeance,
Quand la Paix, l'olive à la main,

Le comte d'Ophlise, colonel du régiment d'Austrasie, qui se couvrit de gloire à la bataille de Gondlour.

Reparut sur ce bord lointain.
Après une aventure étrange
(Je veux vous la conter un jour),
Me voilà changeant de séjour.
Sans savoir si cela m'arrange,
Loin de Ceylan, un beau matin,
On m'expédie en palanquin
Pour aller servir sur le Gange.

C'est là que j'ai vu, mes amis,
Ces bûchers qu'on ne peut éteindre,
Bûchers que l'on ne doit pas craindre
De voir s'allumer à Paris,

Où l'on sait fort bien que nos dames
Ne se jettent pas dans les flammes
Pour courir après leurs maris.

Ah! si de ces belles contrées
Par tant de siècles consacrées
J'ose vous tracer le tableau,
Il faut que du même pinceau
Avec effroi je vous décrive
Les forfaits dont l'Européen
Du Gange épouvanta la rive;
Les atrocités d'un lord Clive,
Les brigandages d'un Hasting;
Dans ces champs qu'une main divine
De ses dons richement dota,
Que je vous montre la famine

Que la politique enfanta,
S'applaudissant à Calcutta

D'un peuple entier qu'elle extermine;
Tandis que l'Anglais examine

De combien ce fléau pourra

Faire baisser la mousseline.

Mais, sans rimer la prose de Raynal,
C'est assez d'indiquer cet horrible contraste.
Je détourne les yeux d'un monde qu'on dévaste,
Et je m'éloigne du Bengal.

Il est temps de rentrer en France,
Dans mes foyers, et dans mon cœur;
J'ai fait la dure expérience

Que sur les pas de l'inconstance

En vain on cherche le bonheur.

A mes dépens devenu sage,

Et sûr qu'on n'est bien que chez soi,
Je ne ferai plus qu'un voyage,

Encor sera-ce malgré moi.

FRAGMENT D'UNE ÉPITRE

A SOPHIE.

1793.

Du fond de la retraite obscure

Où j'ensevelis ma douleur,
Où je puis braver la fureur,
La trahison, et l'imposture;
Où, seul avec mes souvenirs,

mn

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