Billeder på siden
PDF
ePub

dieux, Osiris est le soleil : sous la figure de Râ il brille au ciel pendant les douze heures du jour; sous la forme d'Osiris Ounnowré, il régit la terre. Mais, de même que Râ est chaque soir attaqué et vaincu par la nuit qui semble l'engloutir à jamais, Osiris est trahi par Set qui le met en pièces et disperse ses membres pour l'empêcher de reparaître. Malgré cette éclipse momentanée, ni Osiris ni Râ ne sont morts. Osiris Khent-Ament, Osiris infernal, soleil de nuit, renaît, comme le soleil au matin, sous le nom d'Harpechroud, Hor enfant, l'Harpocrate des Grecs. Harpocrate qui est Osiris, lutte contre Set et le bat comme le soleil levant dissipe les ombres de la nuit; il venge son père, mais sans anéantir son ennemi. Cette lutte qui recommence chaque jour et symbolisait la vie divine servait aussi de symbole à la vie humaine. La vie n'était pas, en effet, confinée à cette terre. L'être qui naissait à notre monde avait déjà vécu et devait vivre ailleurs : les moments de son existence terrestre n'étaient qu'un des stages, un des devenirs (khepraou) d'une existence dont il ne connaissait ni le commencement ni la fin. Chacun des stages de cette existence, et partant la vie humaine, répondait à un jour de la vie du soleil et d'Osiris. La naissance de l'homme était le lever du soleil à l'Orient; sa mort, la disparition du soleil à l'Occident du ciel. Une fois mort, l'homme devenait Osiris et s'enfonçait dans la nuit jusqu'au moment où il renaissait à une autre vie comme Hor-Osiris à une autre journée.

Pendant sa vie terrestre, l'homme se compose surtout d'intelligence (Khou) et de corps : par l'une, il tient à Dieu; par l'autre, il se rattache à la matière et participe de ses vices. Dans le principe, la parcelle d'intelligence qui fait son être revêtue d'une lumière subtile1, est en liberté de parcourir les mondes, d'agir sur les éléments, de les ordonner et de les féconder selon qu'il lui semble expédient. Mais, à l'entrer dans une prison de terre, elle dépouille cet

1. KHOU veut dire briller, resplendir. De là le nom de кнÛ, le brillant, le lumineux, que porte l'intelligence revêtue de lumière

habit de feu dont le seul contact suffirait à détruire les éléments grossiers dont nous sommes pétris, et se glisse dans une substance moins excellente, bien que divine encore. Cette substance qu'on appelle âme (BA), reçoit l'intelligence et la tient couverte comme d'un voile qui en affaiblit l'éclat; mais, trop pure elle-même pour se marier directement avec la matière, elle emploie à la transmission de ses ordres et à l'accomplissement de ses volontés un agent inférieur qui est l'esprit ou le souffle (NIWOU). Seul, en raison de son imperfection, l'esprit peut se répandre dans le corps sans l'anéantir ou le blesser; il pénètre les veines, gonfle les artères, se mêle au sang, remplit et porte pour ainsi dire l'animal entier. L'âme (BA) est l'enveloppe de l'intelligence (KHOU), l'esprit (NIWOU) l'enveloppe de l'âme, le corps (KHAT) l'enveloppe de l'esprit : toutes ces parties, d'origine et de vertus différentes, s'entretiennent par un lien invisible qui dure autant que la vie, et leur assemblage fait l'homme.

Le corps, l'esprit, l'âme lui sont communs avec les bêtes. Mais les bêtes, dénuées de raison, vivent à l'aveugle, bonnes ou mauvaises par instinct ou par aventure, non par règle certaine; leur âme, enfoncée dans la matière, ne voit rien au delà. L'homme a de plus qu'elles l'intelligence dont les directions le maintiennent dans la voie droite et lui apprennent à faire la distinction du bien et du mal. L'intelligence entrée dans une âme humaine essaye de l'arracher à la tyrannie du corps et de l'élever jusqu'à soi; mais, comme elle est dépouillée de son vêtement de feu, elle n'est plus assez forte pour mettre à néant les passions et les désirs grossiers que la chair nous inspire. Le corps, contrarié dans ses inclinations, s'insurge, les mauvais instincts se réveillent, la guerre s'engage et se prolonge avec des chances variées. Souvent l'intelligence, trahie par l'âme qui ne peut pas ou ne veut pas rompre ses attachements au monde, se retire du combat pour n'y plus revenir : l'homme, privé de l'étincelle divine, ne vit plus que par machine et s'abaisse à la brute. Souvent aussi, à force de patience et de courage, elle triomphe : les passions dominées devien

nent vertus, les vertus s'affermissent et s'exaltent; l'âme, dégagée de ses liens, aspire au bien et devine les splendeurs éternelles, à travers le voile de matière qui obscurcit sa vue.

La fin est arrivée, l'homme est mort à la terre. Aussitôt, l'esprit se retire dans l'âme, le sang se coagule, les veines et les artères se vident, le corps laissé à lui-même se résoudrait promptement en molécules informes si les procédés. de l'embaumement ne lui prêtaient un semblant d'éternité. L'intelligence délivrée reprend son enveloppe lumineuse. et devient démon (KHOU). L'âme abandonnée de l'intelligence qui la guidait, allégée en même temps du corps qui l'aggravait, comparaît seule devant le tribunal où Osiris Khent-Ament siége entouré des quarante-deux membres du jury infernal1. Sa conscience, ou, comme disaient les Égyptiens, son cœur, parle contre elle 2; le témoignage de sa vie l'accable ou l'absout; ses actions sont pesées dans la balance infaillible de vérité et de justice, et selon qu'elles sont trouvées lourdes ou légères, le jury infernal porte un jugement que l'intelligence est chargée d'exécuter. Elle rentre dans l'âme impie, non plus nue et sans force, mais armée du feu divin, lui rappelle ses conseils méprisés, ses prières tournées en dérision, la flagelle du fouet de ses péchés et la livre aux tempêtes et aux tourbillons des éléments conjurés. Toujours ballottée entre ciel et terre, sans jamais échapper aux malédictions qui la lient, la damnée cherche un corps humain pour s'y loger, et, dès qu'elle l'a trouvé, elle le torture, l'accable de maladies, le précipite au meurtre et à la folie3. Lorsque après des siècles elle touche enfin au terme de ses souffrances, c'est pour subir la seconde mort et retomber dans le néant. Mais l'âme juste, après avoir passé son jugement, n'est pas ad

1. Todtb., ch. cxxv. 2. Todtb., ch. xxx, l. 1 sqq. : « O cœur, cœur qui me vient de ma mère, mon cœur de quand j'étais sur terre, ne te dresse pas comme témoin; ne lutte pas contre moi en chef divin, ne me charge point devant le Dieu grand. » 3. Les recettes médico-magiques traduites par M. Pleyte (Étude sur le Papyrus, I, 348, de Leyde) sont dirigées contre des esprits possesseurs de cette nature.

mise à contempler les vérités suprêmes : avant de parvenir à la gloire, elle doit encore éprouver plus d'une épreuve et lutter plus d'une lutte. Elle s'élance à travers les espaces inconnus que la mort vient d'ouvrir à son vol, guidée par l'intelligence et soutenue par l'espoir certain d'une prochaine félicité. Sa science s'est accrue, ses pouvoirs se sont agrandis, elle est libre de prendre toutes les formes qu'il lui plaît revêtir1. En vain le mal se dresse contre elle sous mille figures hideuses et tente de l'arrêter par ses menaces et ses épouvantements 2; identifiée avec Osiris3, et partant, victorieuse comme lui, elle parcourt les demeures célestes et accomplit dans les Champs d'Aâlou les cérémonies du labourage mystique. La fin de ses épreuves approche, les ombres se dissipent peu à peu, le jour de la bienheureuse éternité se lève et la pénètre de ses clartés; elle se mêle à la troupe des dieux et marche avec eux dans l'adoration de l'être parfait. Il y a deux chœurs de dieux, les uns errants, les autres fixes; celuici est le dernier degré de l'initiation glorieuse de l'âme”. A ce point, l'âme devient toute intelligence: elle voit Dieu face à face et s'abîme en lui.

Cette félicité parfaite, tout le monde ne l'espérait point: le doute avait envahi certaines âmes à qui la mort apparaissait comme une nécessité terrible, et les régions d'outre-vie comme un pays de silence où tout n'est que deuil et tristesse. « O mon frère, ô mon ami, ô mon mari,

dit une

1. Celles de l'Épervier d'or (Todtb., ch. LXXVII), du Lotus (ch. LXXXI), du Phénix (ch. LXXXII), de la Grue (ch. LXXXIV), de l'Hirondelle (ch. LXXXVI), de la Vipère (ch. LXXXVII). Il ne faut pas oublier que l'assomption de toutes ces formes est purement volontaire et ne marque nullement le passage de l'âme humaine dans un corps de bête. Chacune des figures que revêtait le Khou était une des figures symboliques de la divinité; l'entrée de l'âme dans ces figures ne marquait donc en fait que l'assimilation de l'âme humaine au type divin qu'elle représentait. 2. Dans les vignettes des Papyrus funéraires, le mauvais principe est figuré par le Crocodile (ch. xxxi, xxxII), la Tortue (ch. xxXVI) et diverses espèces de serpents (ch. xxxiii, xxxv, xxxVII, XLI). — 3. Le défunt est toujours nommé l'Osiris N. 4. Todtb., ch.LXXIV-LXXV. 5. Id., ch. cx, CXLVI. -7. Id., ch. c, CIV, CXI-CXVI, CXXIX-CXXX.

- 6. Id., ch. cxxxi.

femme défunte, ne cesse pas de boire, de manger, de vider la coupe de la joie, d'aimer et de célébrer des fêtes; suis toujours ton désir et ne laisse jamais entrer le chagrin en ton cœur, si longtemps que tu es sur la terre! Car l'Ament est le pays du lourd sommeil et des ténèbres, une demeure de deuil pour ceux qui y restent. Ils dorment dans leurs formes incorporelles, ils ne s'éveillent pas pour voir leurs frères, ils ne reconnaissent plus père et mère, leur cœur ne s'émeut plus vers leur femme ni vers leurs enfants. Un chacun se rassasie de l'eau de vie, moi seule ai soif. L'eau vient à qui demeure sur la terre; où je suis, l'eau même me donne soif. Je ne sais plus où je suis depuis que j'entrai dans ce pays; je pleure après l'eau qui a jailli de làhaut. — Je pleure après la brise, au bord du courant (du Nil), afin qu'elle rafraîchisse mon cœur en son chagrin. Car ici demeure le dieu dont le nom est Toute mort. Il appelle tout le monde à lui et tout le monde vient se soumettre, tremblant devant sa colère. Peu lui importent et les dieux et les hommes; grands et petits sont égaux pour lui. - Un chacun tremble de le prier, car il n'écoute pas. Personne ne vient le louer, car il n'est pas bienveillant pour qui l'adore : il ne regarde aucune offrande qu'on lui tend1. >>

Mais ce désespoir, si naturel à l'homme, était sinon rare, du moins rarement exprimé en Égypte. Afin de mériter les hautes destinées que leur promettait la religion et d'éviter la mort d'outre-tombe, les Égyptiens avaient rédigé de bonne heure comme un code de morale pratique dont les articles se retrouvent plus ou moins développés sur les monuments de toutes les époques. Un grand fonctionnaire contemporain des rois de la cinquième dynastie disait déjà: «< Ayant vu les choses, je suis sorti de ce lieu (le monde) où j'ai dit la vérité, où j'ai fait la justice. Soyez bons pour moi, vous qui viendrez après, rendez témoignage à votre ancêtre. » C'est le bien (qu'il a fait) :

1. Lepsius, Auswahl, t. XVII; Brugsch, die Egyptische Græberwelt, p. 39-40.

« ForrigeFortsæt »