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CHAPITRE IX.

LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN

JUSQU'A L'AVÉNEMENT DE SARYOUKIN.

Assour-nazir-habal et Salmanasar III; les rois de Damas et la maison d'Omri. Décadence momentanée de l'empire Assyrien; les prophètes d'Israël : Jéroboam II; Touklat-habal-azar II; chute de Damas. La vingt-deuxième et la vingt-troisième dynastie; les Éthiopiens en Égypte : Plânkhi et Shabak; chute du royaume d'Israël.

Assour-nazir-habal et Salmanasar III; les rois
de Damas et la maison d'Omri.

Les années qui suivirent la défaite d'Assour-rab-amar furent pour l'Assyrie des années de misère. Non-seulement elle perdit les conquêtes de Touklat-habal-asar en Syrie, mais les pays du Nord et du Sud échappèrent à sa domination. La Babylonie toujours impatiente rejeta le joug; les peuplades de l'Arménie et de la Cappadoce recouvrèrent leur indépendance; la Mésopotamie elle-même se sépara: c'est à peine si les monarques assyriens conservèrent les districts qui environnaient leur capitale. La vieille dynastie, abreuvée d'humiliations, ne survécut pas longtemps à son désastre. Quelque temps après la mort d'Assour-rab-amar un roi nouveau, Bel-kat-irassou, s'éleva et « fut l'origine de la royauté» (vers 1020): ses descendants Salmanasar II. Irib-bin, Assour-idin-akhé, Assour-dan-il Ier, Bin-nirari II, travaillèrent pendant près d'un siècle et demi à relever la grandeur de la monarchie. Ils réparèrent les villes et les temples, creusèrent et nettoyèrent les canaux d'irrigation, firent consolider les grandes digues qui protégeaient la plaine contre les invasions du Tigre. Touklat-Adar II (880-883), fils de Bin-nirari, reprit enfin l'œuvre de conquête si longtemps interrompue et se rendit célèbre par son courage et par sa férocité: «< il exposa sur des pals les corps

des vaincus. » Les rois d'Assyrie passaient à fortifier patiemment leur empire, le temps que les rois d'Israël et de Damas avaient usé dans des luttes stériles1.

A mesure que leur autorité s'étendait vers le Nord, ElAssour perdait peu à peu l'importance qu'elle avait eue dans les premiers temps de la monarchie: elle cessait d'être le point central de l'empire et ne gardait son rang de capitale que par respect pour la tradition. Assour-nazir-habal, successeur de Touklat-Adar, lui porta un coup mortel en se choisissant une autre résidence. Près de cinq siècles auparavant, un des vieux rois d'Assyrie, Salmanasar Ier avait construit à Kalakh, sur la rive gauche du Tigre et au confluent de ce fleuve avec le grand Zab, une ville à laquelle le hasard des révolutions ne permit pas de se développer. La. quatrième année de son règne, Assour-nazir-habal fit raser ce qui restait des constructions de son antique prédécesseur et jeta les fondements d'une cité nouvelle. Dès lors et pendant un siècle au moins, tous les rois d'Assyrie, Salmanasar III, Samsi-Bin, Bin-nirari, ne cessèrent de l'embellir et vinrent l'habiter dans les rares instants de répit que leur laissa la guerre. « Palais après palais s'éleva sur la riche plate-forme qui soutenait la ville, chacun richement orné de bois taillé, d'or, de peinture, de sculpture et d'émail, chacun rivalisant de splendeur avec les premiers construits: des lions de pierre, des sphinx, des obélisques, des sanctuaires, des tours sacrées, embellissaient la scène et en rompaient la monotonie par leur diversité. La haute mide à degré (ziggourat) attachée au temple d'Adar dominait tout et ralliait autour d'elle cet amas de palais et d'édifices. Le Tigre, qui baignait à l'ouest le pied de la plate-forme, reflétait la ville dans ses eaux et, doublant la hauteur apparente des édifices, dissimulait un peu l'écrasement des masses, qui est le point faible de l'architecture assyrienne. Quand le soleil couchant plaquait sur cette vue

pyra

1. Oppert, Histoire des empires de Chaldée et d'Assyrie, p. 61-69; G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II, 80-83; Fr. Lenormant, Histoire d'Orient, t. II, p. 64-65; J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, p. 59-64.

ces teintes éclatantes qu'on ne voit qu'au ciel d'Orient, Kalakh devait sembler comme une vision du pays des fées au voyageur qui l'apercevait pour la première fois. »

C'est de là que les monarques d'Assyrie partaient presque chaque année pour leurs guerres. Adossés au plateau de Médie, bornés par les massifs de l'Arménie, ils ne devaient guère être tentés de s'étendre vers le nord et vers l'est: ils auraient trouvé dans ces régions beaucoup de peine et peu de profit. Tout au plus cherchèrent-ils à maintenir sous le joug les tribus remuantes qui habitaient l'extrême frontière de la vallée du Tigre et les montagnes du Kourdistan : s'ils dépassaient parfois ces limites, ce fut pour entreprendre quelques razzias vers la mer Noire et la mer Caspienne ou pour pousser des pointes hardies à travers la Médie jusque sur l'Indos. Leurs grands champs de bataille n'étaient pas dans cette direction : ils se trouvaient au sud à Babylone et dans l'Élam, à l'ouest et au sud-ouest en Syrie. Pendant deux siècles, les armées assyriennes refirent chaque année, mais en sens inverse, tout ou partie du chemin parcouru huit siècles auparavant par les armées de Thotmès III et d'Amenhotep II. Ils attaquèrent la Syrie et l'enlevèrent pièce à pièce malgre sa résistance obstinée, prenant d'abord Karkémish, puis la Phénicie et Damas, puis Israël et Gaza; abattant l'une après l'autre chacune des barrières qui les séparaient de l'Égypte, jusqu'au jour où les deux grands empires du monde oriental se trouvèrent de nouveau face à face comme au temps des Pharaons de la XVIIIe dynastie. Cette fois les rôles étaient changés. Alors c'était l'Égypte qui venait au-devant de sa rivale et traversait l'Asie antérieure pour arriver sous les murs de Ninive: maintenant, au contraire, l'Assyrie attaque et l'Égypte se défend à grand'peine. Memphis reçut une garnison étrangère, et les généraux d'Assour-ban-habal pillèrent les temples de Thèbes.

Assour-nazir-habal commença cette marche en avant. Grace à lui l'empire assyrien s'éleva tout à coup et se dé

1. G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II, p. 98-99.

veloppa sur toutes ses frontières à la fois. Ce fut d'abord une expédition dans le Kourdistan et dans les régions. occidentales de l'Arménie. Les indigènes, incapables de tenir en bataille rangée, « se retirèrent sur les montagnes inaccessibles et se retranchèrent sur les sommets, afin que je ne pusse les atteindre; car ces pics majestueux s'élèvent comme la pointe d'un glaive, et les oiseaux du ciel dans leur vol peuvent seuls y parvenir... En trois jours je gravis la montagne, je portai la terreur dans leurs retraites... leurs cadavres jonchèrent les pentes comme les feuilles des arbres, et le surplus chercha un refuge dans les rochers. >> Après avoir incendié les villages de ces malheureux, le conquérant s'abattit sur le district de Karkhi1; «j'y passai par les armes deux cent soixante combattants, je leur coupai la tête et j'en construisis des pyramides. » Après Karkhi, ce fut le tour du pays de Koummoukh. Il avait déjà reçu le tribut des Mouskaï et se préparait à pousser plus loin vers le nord, quand la révolte d'une ville de Mésopotamie le contraignit à revenir sur ses pas. Les révoltés jetèrent les armes à son approche et implorèrent le pardon de leur faute il fut impitoyable. « J'en tuai, dit-il, un sur deux... Je construisis un mur devant les grandes portes de la ville; je fis écorcher les chefs de la révolte et je recouvris ce mur avec leur peau. Quelques-uns furent murés vifs dans la maçonnerie, quelques autres crucifiés ou empalés au long du mur; j'en fis écorcher un grand nombre en ma présence et revêtir le mur de leur peau. Je fis assembler leurs têtes en forme de couronnes et leurs cadavres transpercés en forme de guirlandes. » Le chef de la révolte fut emmené à Ninive, écorché et sa peau clouée à la muraille. Après cela, on ne peut trop s'étonner, si les chefs du pays de Laki se soumirent sans lutte. D'autres révoltes qui éclatèrent dans des recoins de l'Arménie furent étouffées avec non moins de promptitude et de cruauté: en rentrant à Kalakh vers la fin de cette première année, Assour-nazir-habal pouvait se vanter d'avoir fait sentir la

1. Aujourd'hui Kourkh.

force de son bras dans toute l'étendue de son territoire et sur tous les points de sa frontière.

Les années qui suivirent ne démentirent pas les promesses de ces heureux débuts. En 881, guerre contre les peuples situés dans la région du Zagros; en 880, guerre contre l'Arménie; en 879, guerre contre le Koummoukh, le Naïri et la plupart des tribus du Haut-Tigre. Ce sont toujours les mêmes récits de victoires et les mêmes cruautés contre les vaincus. En 879, les habitants de Karkhi, attaqués une seconde fois, « abandonnèrent leurs places fortes et leurs châteaux; pour sauver leur vie, ils s'enfuirent vers Matni, un pays puissant. Je me mis à leur poursuite: je semai mille cadavres de leurs guerriers dans la montagne, je jonchai la montagne de leurs cadavres, j'en remplis les ravins. Deux cents prisonniers étaient tombés vivants entre mes mains je leur tranchai les poignets. » Il restait encore au milieu de la Mésopotamie un certain nombre de villes et de tribus indépendantes : une campagne suffit à les réduire. Assour-nazil-habal descendit le Kharmis et le Khabour jusqu'à l'Euphrate, puis l'Euphrate depuis le confluent du Khabour jusqu'à Anat. Ce fut une promenade militaire plutôt qu'une guerre: toutes les villes riveraines, Sadikanni1, Bit-Khaloupiê, Sirki', Anat, payèrent le tribut sans se faire prier. Le prince de Tsoukhi, qui osa résister, fut vaincu dans une bataille de deux jours et s'enfuit par delà l'Euphrate au désert d'Arabie. Il avait avec lui quelques troupes chaldéennes commandées par un général du nom de Bel-bal-idin et par Zabdan, frère de Nabou-balidin, roi de Babylone. Ces deux personnages tombèrent aux mains du vainqueur, et Assour-nazir-habal en profita pour déclarer qu'il avait triomphé de la Chaldée. « La crainte de ma puissance s'étendit sur le pays de Kar-Dounias; la terreur de mes armes entraîna le pays de Kaldou. » C'était bien des mots pour un fait insignifiant. Nabou-bal-idin ne s'inquiéta pas autrement de ces fanfaronnades, et le roi d'Assyrie, satisfait de sa victoire, jugea qu'il serait prudent

1. Aujourd'hui Arban. 2. Circésium, au confluent du Khabour et de l'Euphrate. Cf. Fox Talbot, Assyrian Texts, p. 30-31.

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