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s'écoutaient sérieusement, c'est qu'elles avaient leur effet. Parmi les Thébains, c'est-à-dire dans la dynastie principale, celle où les lois étaient en vigueur, et qui devint à la fin la maîtresse de toutes les autres, les plus grands hommes ont été les rois. Les deux Mercures, auteurs des sciences et de toutes les institutions des Egyptiens, l'un voisin des temps du déluge, et l'autre qu'ils ont appelé le Trismegiste ou le trois fois grand, contemporain de Moïse, ont été tous deux rois de Thèbes. Toute l'Egypte a profité de leurs lumières, et Thèbes doit à leurs instructions d'avoir eu peu de mauvais princes.. Ceux-ci étaient épargnés pendant leur vie, le repos public le voulait ainsi : mais ils n'étaient pas exempts du jugement qu'il fallait subir après la mort. Quelques-uns ont été privés de la sépulture, mais on en voit peu d'exemples; et au contraire, la plupart des rois ont été si chéris des peuples, que chacun pleurait leur mort autant que celle de son père ou de ses enfans.

Cette coutume de juger les rois après leur mort, parut si sainte au peuple de Dieu, qu'il l'a toujours pratiquée. Nous voyons dans l'écriture, que les méchans rois étaient privés de la sépulture de leurs ancêtres, et nous apprenons de Joseph que cette coutume durait encore du temps des Asmonéens. Elle faisait entendre aux rois, que si leur majesté les met au-dessus des jugemens humains pendant leur vie, ils y reviennent enfin, quand la mort les a égalés aux autres hommes.

Les Egyptiens avaient l'esprit inventif, mais ils le tournaient aux choses utilės. Leurs Mercures ont rempli l'Egypte d'inventions merveilleuses, et ne lui avaient presque rien laissé ignorer de ce qui pouvait rendre la vie commode et tranquille. Je ne puis laisser aux Egyptiens la gloire qu'ils ont donnée à leur Osiris, d'avoir inventé le labourage, car on le trouve de tout temps dans les pays voisins de la terre d'où le genre humain s'est répandu, et on ne peut douter qu'il ne fût connu dès l'origine du monde. Aussi les Egyptiens donnent-ils eux-mêmes une si grande antiquité à Osiris, qu'on voit bien qu'ils ont confondu son temps avec celui des commencemens de l'univers, et qu'ils ont voulu lui attribuer les choses dont l'origine passait de bien loin tous les temps connus dans leur histoire. Mais si les Egyptiens n'ont pas inventé l'agriculture, ni les autres arts que nous voyons avant le déluge, ils les ont tellement perfectionnés, et ont pris un si grand soin de les rétablir

parmi les peuples où la barbarie les avait fait oublier, que leur gloire n'est guère moins grande que s'ils en avaient été les inventeurs.

Il y en a même de très importans dont on ne peut leur disputer l'invention. Comme leur pays était uni, et leur ciel toujours pur et sans nuage, ils ont été les premiers à observer le cours des astres; ils ont aussi les premiers réglé l'année. Ces observations les ont jetés naturellement dans l'arithmétique; et s'il est vrai, comme le dit Platon, que le soleil et la lune aient enseigné aux hommes la science des nombres, c'est-à-dire, qu'on ait commencé les comptes réglés par celui des jours, des mois et des ans, les Egyptiens sont les premiers qui aient écouté ces merveilleux maîtres. Les planètes et les autres astres ne leur ont pas été moins connus, et ils ont trouvé cette grande année qui ramène le ciel à son premier point. Pour reconnoître leurs terres, tous les ans couvertes par le débordement du Nil, ils ont été obligés de recourir à l'arpentage, qui leur a bientôt appris la géométrie. Ils étaient grands observateurs de la nature, qui dans un air si serein et sous un soleil si ardent, était forte et féconde parmi eux. C'est aussi ce qui leur a fait inventer ou perfectionner la médecine. Ainsi, toutes les sciences ont été en grand honneur parmi eux. Les inventeurs des choses utiles recevaient, et de leur vivant, et après leur mort, de dignes récompenses de leurs travaux.

C'est ce qui a consacré les livres de leurs deux Mercures, et qui les a fait regarder comme des livres divins. Le premier de tous les peuples où l'on voit des bibliothèques, est celui d'Egypte. Le titre qu'on leur donnait, inspirait l'envie d'y entrer, et d'en pénétrer les secrets: on les appelait, le trésor des remèdes de l'âme. Elle s'y guérissait de l'ignorance, la plus dangereuse de ses maladies, et la source de toutes les autres.

Une des choses qu'on imprimait le plus fortement dans l'esprit des Egyptiens, était l'estime et l'amour de leur patrie. Elle était, disaient-ils, le séjour des dieux: ils y avaient régné durant des milliers infinis d'années. Elle était la mère des hommes et des animaux, que la terre d'Egypte, arrosée du Nil, avait enfantés pendant que le reste de la nature était stérile. Les prêtres qui composaient l'histoire d'Egypte de cette suite immense de siècles, qu'ils ne remplissaient que de fables et des généalogies de leurs dieux, le faisaient pour imprimer dans l'esprit des

peuples, l'antiquité et la noblesse de leur pays. Au reste, leur vraie histoire était renfermée dans des bornes raisonnables; mais ils trouvaient beau de se perdre dans un abîme infini de temps qui semblait les approcher de l'éternité. BOSSUET.

Assyriens, Mèdes et Perses.

BABYLONE Semblait être née pour commander à toute la terre. Ses peuples étaient pleins d'esprit et de courage. De tout temps la philosophie régnait parmi eux avec les beaux arts, et l'orient n'avait guère de meilleurs soldats que les Chaldéens. L'antiquité admire les riches moissons d'un pays que la négligence de ses habitans laisse maintenant sans culture; et son abondance le fit regarder sous les anciens rois de Perse, comme la troisième partie d'un si grand empire. Ainsi les rois d'Assyrie enflés d'un acroissement qui ajoutait à leur monarchie une ville si opulente, concurent de nouveaux desseins. Nabuchodonosor I crut son empire indigne de lui, s'il n'y joignait tout l'univers. Nabuchodonosor II, superbe plus que tous les rois ses prédécesseurs, après des succès inouïs et des conquêtes surprenantes, voulut plutôt se faire adorer comme un dieu, que commander comme un roi. Quels ouvrages n'entreprit-il point dans Babylone! Quelles murailles, quelles tours, quelles portes, et quelle enceinte y vit-on paraître ! Il semblait que l'ancienne tour de Babel allât être renouvelée dans la hauteur prodigieuse du temple de Bel, et que Nabuchodonosor voulût de nouveau menacer le ciel. Son orgueil, quoique abattu par la main de Dieu, ne laissa pas de revivre dans ses successeurs. Ils ne pouvaient souffrir autour d'eux aucune domination; et voulant tout mettre sous le joug, ils devinrent insupportables aux peuples voisins. Cette jalousie réunit contre eux, avec les rois de Médie et les rois de Perse, une grande partie des peuples d'orient. L'orgueil se tourne aisément en cruauté. Comme les rois de Babylone traitaient inhumainement leurs sujets, des peuples entiers aussi-bien que de principaux seigneurs de leur empire se joignirent à Cyrus et aux Mèdes. Babylone trop accoutumée à commander et à vaincre, pour craindre tant d'ennemis ligués contre elle, pendant qu'elle se croyait eille, devint captive des Mèdes qu'elle prétendait sub

erit enfin par son orgueil.

La destinée de cette ville fut étrange, puisqu'elle périt par ses propres inventions. L'Euphrate faisait à peu près dans ses vastes plaines le même effet que le Nil dans celles d'Egypte mais pour le rendre commode, il fallait encore plus d'art et plus de travail que l'Egypte n'en employait pour le Nil. L'Euphrate était droit dans son cours, et jamais ne se débordait. Il lui fallut faire dans tout le pays un nombre infini de canaux, afin qu'il en pût arroser les terres dont la fertilité devenait incomparable par ce secours. Pour rompre la violence de ses eaux trop impétueuses, il fallut le faire couler par mille détours, et lui creuser de grands lacs qu'une sage reine revêtit avec une magnificence incroyable. Nitocris, mère de Labynithe, autrement nommé Nabonide, ou Baltasar, dernier roi de Babylone, fit ces grands ouvrages. Mais cette reine entreprit un travail bien plus merveilleux : ce fut d'élever sur l'Euphrate un pont de pierre, afin que les deux côtés de la ville que l'immense largeur de ce fleuve séparait trop, pussent communiquer ensemble. Il fallut donc mettre à sec une rivière si rapide et si profonde, en détournant ses eaux dans un lac immense que la reine avait fait creuser. En même temps on bâtit le pont, dont les solides matériaux étaient préparés, et on revêtit de briques les deux bords du fleuve jusqu'à une hauteur étonnante, en y laissant des descentes revêtues de même, et d'un aussi bel ouvrage que les murailles de la ville. La diligence du travail en égala la grandeur. Mais une reine si prévoyante ne songea pas qu'elle apprenait à ses ennemis à prendre sa ville. Ce fut dans le même lac qu'elle avait creusé, que Cyrus détourna l'Euphrate, quand désespérant de réduire Babylone par force, ou par famine, il s'y ouvrit des deux côtés de la ville le passage qui a été tant marqué par les prophètes.

Si Babylone eût pu croire qu'elle eût été périssable comme toutes les choses humaines, et qu'une confiance insensée ne l'eût pas jetée dans l'aveuglement: non-seulement elle eût pu prévoir ce que fit Cyrus, puisque la mémoire d'un travail semblable était récente; mais encore, en gardant toutes les descentes, elle eût accablé les Perses dans le lit de la rivière où ils passaient. Mais on ne songeait qu'aux plaisirs et aux festins: il n'y avait ni ordre, ni commandement réglé. Ainsi périssent non-seulement les plus fortes places, mais encore les plus grands empires. L'épouvante se mit partout le roi impie fut tué; et Xénophon qui

donne ce titre au dernier roi de Babylone, semble désigner par ce mot les sacriléges de Baltasar, que Daniel nous fait voir punis par une chute si surprenante.

Les Mèdes qui avaient détruit le premier empire des Assyriens, détruisirent encore le second, comme si cette nation eût dû être toujours fatale à la grandeur Assyrienne. Mais à cette dernière fois la valeur et le grand nom de Cyrus fit que les Perses ses sujets eurent la gloire de cette conquête.

En effet, elle est due entièrement à ce héros, qui ayant été élevé sous une discipline sévère et régulière, selon la coutume des Perses, peuples alors aussi modérés, que depuis ils ont été voluptueux, fut accoutumé dès son enfance à une vie sobre et militaire. Les Mèdes autrefois si laborieux et si guerriers, mais à la fin ramollis par leur abondance, comme il arrive toujours, avaient besoin d'un tel général. Cyrus se servit de leurs richesses et de leur nom toujours respecté en orient; mais il mettait l'espérance du succès dans les troupes qu'il avait amenés de Perse. Dès la première bataille le roi de Babylone fut tué, et les Assyriens mis en déroute. Le vainqueur offrit le duel au nouveau roi; et en montrant son courage, il se donna la réputation d'un prince clément qui épargne le sang des sujets. Il joignit la politique à la valeur. De peur de ruiner un si beau pays, qu'il regardait déjà comme sa conquête, il fit résoudre que les laboureurs seraient épargnés de part et d'autre. Il sut réveiller la jalousie des peuples voisins contre l'orgueilleuse puissance de Babylone qui allait tout envahir; et enfin la gloire qu'il s'était acquise autant par sa générosité et par sa justice que par le bonheur de ses armes les ayant tous réunis sous ses étendards, avec de si grands secours il soumit cette vaste étendue de terre dont il composa son empire.

C'est par là que s'éleva cette monarchie. Cyrus la rendit si puissante, qu'elle ne pouvait guère manquer de s'accroître sous ses successeurs.

Mais Cambyse, fils de Cyrus, corrompit les mœurs des Perses. Son père, si bien élevé parmi les soins de la guerre, n'en prit pas assez de donner au successeur d'un si grand empire une éducation semblable à la sienne; et par le sort ordinaire des choses humaines, trop de grandeur nuisit à la vertu. Darius, fils d'Hystaspe, qui, d'une vie privée, fut élevé sur le trône, apporta de meilleures dispositions à la

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