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Don Juan. C'est une chose que je ne cache pas, et je le dis à tout le monde.

M. Dim. Si

Don Juan. Voulez-vous que je vous reconduise?

M. Dim. Ah! monsieur, vous vous moquez. Monsieur

Je

Don Juan. Embrassez-moi donc, s'il vous plaît. vous prie encore une fois d'être persuadé que je suis tout à vous, et qu'il n'y a rien au monde que je ne fasse pour votre service. [Il sort.]

Scène du Médecin malgré lui.

MOLIÈRE.

LUCINDE, GERONTE, SGANARELLE devenu Médecin malgré lui, VALÈRE, LUCAS, JAQUELINE.

Sgan. Est-ce là la malade?

Gér. Oui. Je n'ai qu'elle de fille; et j'aurais tous les regrets du monde, si elle venait à mourir.

Sgan. Qu'elle s'en garde bien! il ne faut pas qu'elle meure sans l'ordonnance du médecin.

Gér. Allons, un siége.

Saan. [assis entre Géronte et Lucinde.] Voilà une malade qui est encore bien fraîche, et je tiens qu'un homme de goût s'en accommoderait assez.

Gér. Vous l'avez fait rire, Monsieur.

Sgan. Tant mieux. Lorsque le médecin fait rire le malade, c'est le meilleur signe du monde. [A Lucinde.] Eh bien! de quoi est-il question? qu'avez-vous? quel est le mal que vous sentez?

Luc. [portant sa main à sa bouche, à sa tête et sous son menton.] Han, hi, hon, han.

Sgan. Hé! que dites-vous ?

Luc. [continue les mêmes gestes.] Han, hi, hon, han, han, hi, hon.

Sgan. Quoi?

Luc. Han, hi, hon.

Sgan. Han, hi, hon, ha. Je ne vous entends point. Quel langage est-ce là?

Gér. Monsieur, c'est là sa maladie. Elle est devenue muette, sans que, jusqu'ici, on en ait pu savoir la cause; et c'est un accident qui fait reculer son mariage.

BB

Sgan. Et pourquoi ?

Gér. Celui qu'elle doit épouser veut attendre sa guérison pour conclure les choses.

Sgan. Et qui est ce sot-là qui ne veut pas que sa femme soit muette? Plût à Dieu que la mienne eût cette maladie ! je me garderais bien de la vouloir guérir.

Gér. Enfin, Monsieur, nous vous prions d'employer tous vos soins pour la soulager de son mal.

Sgan. Ah! ne vous mettez pas en peine. Dites-moi un peu; ce mal l'oppresse-t-il beaucoup?

Gér. Oui, Monsieur.

Sgan. Tant mieux.

Gér. Fort grandes.

Sent-elle de grandes douleurs?

Sgan. C'est fort bien fait. [A Lucinde.] Donnez-moi votre bras. [A Géronte.] Voilà un pouls qui marque que

votre fille est muette.

Gér. Eh oui, Monsieur, c'est là son mal. Vous l'avez trouvé tout du premier coup.

Sgan. Ah! ah!

Jay. Voyez comme il a deviné sa maladie.

Sgan. Nous autres grands médecins, nous connaissons d'abord les choses. Un ignorant aurait été embarrassé, et vous eût été dire, c'est ceci, c'est cela; mais moi je touche au but du premier coup, et je vous apprends que votre fille est muette.

Gér. Oui; mais je voudrais bien que vous me pussiez dire d'où cela vient?

Sgan. Il n'est rien de plus aisé. Cela vient de ce qu'elle a perdu la parole.

Gér. Fort bien; mais la cause, s'il vous plaît, qui fait qu'elle a perdu la parole?

Sgan. Tous nos meilleurs auteurs vous diront que c'est l'empêchement de l'action de sa langue.

Gér. Mais encore, vos sentimens sur cet empêchement de l'action de sa langue?

Sgan. Aristote là-dessus dit... de fort belles choses. Gér. Je le crois.

Sgan. Ah! c'était un grand homme.

Gér. Sans doute.

Sgan. Grand homme tout à fait; un homme qui était [levant le bras depuis le coude] plus grand que moi de tout Pour revenir donc à notre raisonnement, je tiens que cet empêchement de l'action de sa langue est causé par

cela.

de certaines humeurs, qu'entre nous autres savans, nous appelons humeurs peccantes; peccantes, c'est-à-dire . . . humeurs peccantes. Or, ces vapeurs venant à passer du côté gauche, où est le foie, au côté droit, où est le cœur, il se trouve que le poumon, que nous nommons en Latin armyan, ayant communication avec le cerveau, que nous nommons en Grec nasmus, par le moyen de la veine cave, que nous appelons en Hébreu cubile, rencontre en son chemin les dites vapeurs, qui remplissent les ventricules de l'omoplate; et parce que les dites vapeurs. . . . comprenez bien ce raisonnement, je vous prie. . . . et parce que les dites vapeurs ont une certaine malignité. . . écoutez bien ceci, je vous conjure▬▬

Gér. Oui.

Sgan. ... ont une certaine malignité qui est causée.... soyez attentif, s'il vous plaît.

Gér. Je le suis.

Sgan. ... qui est causée par l'âcreté des humeurs engendrées dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces vapeurs.....ossabandus, nequeis nequer, potarinum quipsa milus: voilà justement ce qui fait que votre fille est muette. Jaq. Ah! que ça est bien dit, notre homme !

Lucas. Que n'ai-je la langue aussi bien pendue!

Gér. On ne peut pas mieux raisonner, sans doute. II n'y a qu'une seule chose qui m'a choqué; c'est l'endroit du foie et du cœur. Il me semble que vous les placez autrement qu'ils ne sont; que le cœur est du côté gauche et la rate du côté droit.

Sgan. Oui; cela était autrefois ainsi, mais nous avons changé tout cela; et nous faisons maintenant la médecine d'une méthode toute nouvelle.

Gér. C'est ce que je ne savais pas, et je vous demande pardon de mon ignorance.

Sgan. Il n'y a pas de mal; et vous n'êtes pas obligé d'être aussi habile que nous.

Gér. Assurément. Mais, Monsieur, que croyez-vous qu'il faille faire à cette maladie ?

Sgan. Ce que je crois qu'il faille faire?

Gér. Oui.

Sgan. Mon avis est qu'on la remette sur son lit, et qu'on lui fasse prendre pour remède quantité de pain trempé dans

du vin.

Gér. Pourquoi, Monsieur?

Sgan. Parce qu'il y a dans le vin et le pain, mêlés ensemble, une vertu sympathique qui fait parler. Ne voyezvous pas bien qu'on ne donne autre chose aux perroquets, et qu'ils apprennent à parler en mangeant de cela.

Gér. Cela est vrai. Ah! le grand homme! Vite, quantité de pain et de vin.

Sgan. Je reviendrai voir sur le soir en quel état est la malade. MOLIÈRE.

Scène tirée de l'Avare.

HARPAGON, FROSINE, femme d'intrigue.

Harp. [bas.] Tout va comme il faut. [Haut.] Eh bien, qu'est-ce, Frosine?

Fros. Ah! mon Dieu! que vous vous portez bien, et que vous avez là un vrai visage de santé !

Harp. Qui? moi?.

Fros. Jamais je ne vous vis un teint si frais et si gaillard.1

Harp. Tout de bon.

Fros. Comment! vous n'avez de votre vie été si jeune que vous êtes, et je vois des gens de vingt-cinq ans qui sont plus vieux que vous.

Harp. Cependant, Frosine, j'en ai soixante bien comptés. Fros. Eh bien, qu'est-ce que cela? Soixante ans ! voilà bien de quoi! c'est la fleur de l'âge, cela; et vous entrez maintenant dans la belle saison de l'homme.

Harp. Il est vrai; mais vingt années de moins pourtant ne me feraient point de mal, que je crois.

Fros. Vous moquez-vous? vous n'avez pas besoin de cela, et vous êtes d'une pâte3 à vivre jusqu'à cent ans.

Harp. Tu le crois? Comment va notre affaire?

Fros. Faut-il le demander? et me voit-on mêler de rien dont je ne vienne à bout? J'ai surtout pour les mariages un talent merveilleux.

Harp. Mais, Frosine, as-tu entretenu la mère touchant le bien qu'elle peut donner à sa fille? Lui as-tu dit qu'il fallait qu'elle s'aidât un peu, qu'elle fit quelque effort, qu'elle se saignât pour une occasion comme celle-ci. Car encore n'épouse-t-on point une fille sans qu'elle apporte quelque chose.

Fros. Comment! c'est une fille qui vous apportera douze mille livres de rente.

Harp. Douze mille livres de rente ?

Fros. Oui, premièrement elle est nourrie et élevée dans une grande épargne de bouche; c'est une fille accoutumée à vivre de salade, de lait, de fromage et de pommes, et à laquelle, par conséquent, il ne faudra ni table bien servie, ni consommés exquis, ni orges mondés perpétuels, ni les autres délicatesses, qu'il faudrait pour une autre femme; et cela ne va pas à si peu de chose, qu'il ne monte bien tous les ans à trois mille francs pour le moins. Outre cela, elle n'est curieuse que d'une propreté fort simple, et n'aime point les superbes habits, ni les riches bijoux, ni les meubles somptueux, où donnent ses pareilles avec tant de chaleur; et cet article-là vaut plus de quatre mille livres par an. De plus, elle a une aversion horrible pour le jeu; ce qui n'est pas commun aux femmes d'aujourd'hui ; et j'en sais' une de nos quartiers qui a perdu, à trente et quarante, vingt mille francs cette année. Mais n'en prenons que le quart. Cinq mille francs au jeu par an, quatre mille francs en habits et bijoux, cela fait neuf mille livres: et mille écus que nous mettons pour la nourriture: ne voilà-t-il pas par année vos douze mille francs bien comptés ?

Harp. Oui, cela n'est pas mal; mais ce compte-là n'est rien de réel.

Fros. Pardonnez-moi. N'est-ce pas quelque chose de réel que de vous apporter en mariage une grande sobriété, l'héritage d'un grand amour de simplicité de parure, et l'acquisition d'un grand fonds de haine pour le jeu ?

Harp. C'est une raillerie que de vouloir me constituer sa dot de toutes les dépenses qu'elle ne fera point. Je n'irai pas donner quittance de ce que je ne reçois pas.

Fros. Elles m'ont parlé d'un certain pays où elles ont du bien dont vous serez le maître.

Harp. Il faudra voir cela. Mais, Frosine, il y a encore une chose qui m'inquiète. La fille est jeune, comme tu vois; et les jeunes gens d'ordinaire n'aiment que leurs semblables, ne cherchent que leur compagnie. J'ai peur qu'un homme de mon âge ne soit pas de son goût.

Fros. Ah! que vous la connaissez mal! C'est encore une particularité que j'avais à vous dire. Elle a une aversion épouvantable pour tous les jeunes gens, et n'a de l'amour que pour les vieillards.

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