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et en mange les fruits, les fleurs, les feuilles, et jusqu'au jeune bois. A l'égard du sens du toucher, il ne l'a, pour ainsi dire, que dans la trompe; mais il est aussi délicat, aussi distinct dans cette espèce de main, que dans celle de l'homme. Cette trompe composée de membranes, de nerfs, et de muscles, est en même temps un membre capable de mouvement, et un organe de sentiment; l'animal peut non-seulement la remuer, la fléchir, mais il peut la raccourcir, l'allonger, la courber et la tourner en tous sens; l'extrêmité de la trompe est terminée par un rebord, qui s'allonge par les dessus en forme de doigt. C'est par le moyen de ce rebord et de cette espèce de doigt, que l'éléphant fait tout ce que nous faisons avec les doigts: il ramasse à terre les plus petites pièces de monnoie; il cueille les herbes et les fleurs, en les choisissant une à une ; il dénoue les cordes, ouvre et ferme les portes en tournant les clefs et poussant les verrous; il apprend à tracer des caractères réguliers avec un instrument aussi petit qu'une plume. On ne peut disconvenir que cette main de l'éléphant n'ait plusieurs avantages sur la nôtre: elle est d'abord, comme on vient de le voir, également flexible, et tout aussi adroite pour saisir, palper en gros, et toucher en détail. Toutes ces opérations se font par le moyen de l'appendice, en manière de doigt, situé à la partie supérieure du rebord qui environne l'extrémité de la trompe, et laisse, dans le milieu, une concavité faite en forme de tasse, au fond de laquelle se trouvent les deux orifices des conduits communs de l'odorat et de la respiration. L'éléphant a donc le nez dans la main, et est le maître de joindre la puissance de ses poumons à l'action de ses doigts, et d'attirer, par une forte suction, les liquides, ou d'enlever des corps solides très-pesans, en appliquant à leur surface le bord de sa trompe, et faisant un vide au-dedans par aspiration. De tous les instrumens dont la nature a si libéralement muni ses productions chéries, la trompe est peut-être le plus complet et le plus admirable.

Le Cygne.

DANS toute société, soit des animaux, soit des hommes, la violence fit des tyrans, la douce autorité fait les rois. Le lion et le tigre sur la terre, l'aigle et le vautour dans les

airs ne règnent que par l'abus de la force et par la cruauté, au lieu que le cygne règne sur les eaux à tous les titres qui fondent un empire de paix, la grandeur, la majesté, la douceur, avec des puissances, des forces, du courage et la volonté de n'en pas abuser, et de ne les employer que pour la défense; il sait combattre et vaincre sans jamais attaquer; roi paisible des oiseaux d'eau, il brave les tyrans de l'air; il attend l'aigle sans le provoquer, sans le craindre; il repousse ses assauts en opposant à ses armes la résistance de ses plumes, et les coups précipités d'une aile vigoureuse qui lui sert d'égide, et souvent la victoire couronne ses efforts. Au reste, il n'a que ce fier ennemi, tous les oiseaux de guerre le respectent, et il est en paix avec toute la nature; il vit en ami plutôt qu'en roi, au milieu des nombreuses peuplades des oiseaux aquatiques, qui toutes semblent se ranger sous sa loi, il n'est que le chef, le premier habitant d'une république tranquille, où les citoyens n'ont rien à craindre d'un maître qui ne demande qu'autant qu'il leur accorde, et ne veut que calme et liberté.

Les grâces de la figure, la beauté de la forme répondent, dans le cygne, à la douceur du naturel; il plait à tous les yeux, il décore, embellit tous les lieux qu'il fréquente; on l'aime, on l'applaudit, on l'admire; nulle espèce ne le mérite mieux; la nature en effet n'a répandu sur aucune autant de ces grâces nobles et douces, qui nous rappellent l'idée de ses plus charmans ouvrages: coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur éclatante et pure, mouvemens flexibles et ressentis, attitudes tantôt animées, tantôt laissées dans un mol abandon, tout dans le cygne respire la volupté, l'enchantement que nous font éprouver les grâces et la beauté; tout nous l'annonce, tout le peint comme l'oiseau de l'amour, tout justifie la spirituelle et riante mythologie, d'avoir donné ce charmant oiseau pour père à la plus belle des mortelles.

A la plus noble aisance, à la facilité, la liberté de ses mouvemens sur l'eau, on doit le reconnaître non-seulement comme le premier des navigateurs ailés, mais comme le plus beau modèle que la nature nous ait offert pour l'art de la navigation. Son cou élevé et sa poitrine relevée et arrondie, semblent, en effet, figurer la proue du navire fendant l'onde, son large estomac en représente la carène, son corps penché en avant pour cingler, se redresse à l'arrière et se relève en poupe. La queue est un vrai

gouvernail; les pieds sont de larges rames, et ses grandes ailes demi-ouvertes au vent et doucement enflées, sont les voiles qui poussent le vaisseau vivant, navire et pilote à la fois.

Fier de sa noblesse, jaloux de sa beauté, le cygne semble faire parade de tous ses avantages: il a l'air de chercher à recueillir des suffrages, à captiver les regards, et il les captive en effet, soit que voguant en troupe, on voie de loin, au milieu des grandes eaux, cingler la flotte ailée, soit que s'en détachant et s'approchant du rivage aux signaux qui l'appellent, il vienne se faire admirer de plus près, en étalant ses beautés, et développant ses grâces par mille mouvemens doux, ondulans et suaves.

Aux avantages de la nature, le cygne réunit ceux de la liberté; il n'est pas du nombre de ces esclaves que nous puissions contraindre ou renfermer; libre sur nos eaux, il n'y séjourne, ne s'établit qu'en y jouissant d'assez d'indépendance pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité; il veut à son gré parcourir les eaux, débarquer an rivage, s'éloigner au large ou venir longeant la rive, s'abriter sur les bords, se cacher dans les joncs, s'enfoncer dans les anses les plus écartées, puis quitter sa solitude, revenir à la société, et jouir du plaisir qu'il parait prendre et goûter en s'approchant de l'homme, pourvu qu'il trouve en nous ses hôtes et ses amis, et non ses maîtres et ses tyrans.

Chez nos ancêtres, trop simples ou trop sages, pour remplir leurs jardins des beautés froides de l'art en place des beautés vives de la nature, les cygnes étaient en possession de faire l'ornement de toutes les pièces d'eau: ils animaient, égayaient les tristes fossés des châteaux, ils décoraient la plupart des rivières, et même celle de la capitale, et l'on vit l'un des plus sensibles et des plus aimables de nos princes mettre au nombre de ses plaisirs, celui de peupler de ces beaux oiseaux, les bassins de ses maisons royales; on peut encore jouir aujourd'hui du même spectacle dans les belles eaux de Chantilly où les cygnes font un des ornemens de ce lieu vraiment délicieux, dans lequel tout respire le noble goût du maître.

Les cygnes dans la domesticité sont silencieux, et ce n'est point du tout sur ces cygnes presque muets, que les anciens avaient pu moduler ces cygnes harmonieux qu'ils ont rendus si célèbres. Mais il parait que le cygne sauvage

a mieux conservé ses prérogatives, et qu'avec le sentiment de la pleine liberté, il en a aussi les accens: l'on distingue en effet dans ses cris, ou plutôt dans les éclats de sa voix, une sorte de chant mesuré, modulé, des sons bruyans de clairon, mais dont les tons aigus et peu diversifiés sont néanmoins très-éloignés de la tendre mélodie, et de la variété douce et brillante du ramage de nos oiseaux chanteurs.

Au reste, les anciens ne s'étaient pas contentés de faire du cygne un chantre merveilleux; seul entre tous les êtres qui frémissent à l'aspect de leur destruction, il chantait encore au moment de son agonie, et préludait par des sons harmonieux à son dernier soupir: c'étoit, disaient-ils, près d'expirer, et faisant à la vie un adieu triste et tendre, que le cygne rendait ces accens si doux et si touchans, et qui pareils à un léger et douloureux murmure, d'une voix basse, plaintive et lugubre, formaient son chant funèbre; on entendait ce chant, lorsqu'au lever de l'aurore, les vents et les flots étaient calmés; on avoit même vu des cygnes expirant en musique et chantant leurs hymnes funéraires. Nulle fiction en histoire naturelle, nulle fable chez les anciens n'a été plus célébrée, plus répétée, plus accréditée, elle s'étoit emparée de l'imagination vive et sensible des Grecs; poëtes, orateurs, philosophes même l'ont adoptée, comme une vérité trop agréable pour vouloir en douter. Il faut bien leur pardonner leurs fables, elles étaient aimables et touchantes; elles valaient bien de tristes, d'arides vérités, c'étaient de doux emblèmes pour les âmes sensibles. Les cygnes sans doute ne chantent point leur mort, mais toujours en parlant du dernier essor et des derniers élans d'un beau génie prêt à s'éteindre, on rappellera avec sentiment cette expression touchante: C'est le chant du cygne.

Le Rossignol.

BUFFON.

IL n'est point d'homme bien organisé, à qui ce nom ne rappelle quelqu'une de ces belles nuits de printemps où le ciel étant serein, l'air calme, toute la nature en silence, et, pour ainsi dire attentive, il a écouté avec ravissement le ramage de ce chantre des forêts. On pourrait citer quelques autres oiseaux chanteurs, dont la voix le dispute à certains égards à celle du rossignol; les alouettes, le serin, le pinson,

les fauvettes, la linotte, le chardonneret, le merle commun, le merle solitaire, le moqueur d'Amérique, se font écouter avec plaisir, lorsque le rossignol se tait : les uns ont d'aussi beaux sons, les autres ont le timbre aussi pur et aussi doux, d'autres ont des tours de gosier aussi flatteurs; mais il n'en est pas un seul que le rossignol n'efface par la réunion complète de tous ces talens divers, et par la prodigieuse variété de son ramage; en sorte que la chanson de chacun de ces oiseaux prise dans toute son étendue, n'est qu'un couplet de celle du rossignol. Le rossignol charme toujours, et ne se répète jamais, du moins jamais servilement ; s'il redit quelque passage, ce passage est animé d'un accent nouveau, embelli par de nouveaux agrémens; il réussit dans tous les genres, il rend toutes les expressions; il saisit tous les caractères, et de plus il sait en augmenter l'effet par les contrastes. Ce coryphée du printemps se préparet-il a chanter l'hymne de la nature, il commence par un prélude timide, par des tons faibles, presque indécis, comme s'il voulait essayer son instrument et intéresser ceux qui l'écoutent; mais ensuite prenant de l'assurance, il s'anime par degrés, il s'échauffe, et bientôt il déploie dans leur plénitude toutes les ressources de son incomparable organe: coups de gosier éclatans, batteries vives et légères, fusées de chant, où la netteté est égale à la volubilité; murmure intérieur et sourd qui n'est point appréciable à l'oreille, mais très-propre à augmenter l'éclat des tons appréciables; roulades précipitées, brillantes et rapides, articulées avec force et même avec une dureté de bon goût; accens plaintifs cadencés avec mollesse, sons filés sans art, mais enflés avec âme, sons enchanteurs et pénétrans, vrais soupirs d'amour et de volupté qui semblent sortir du cœur et font palpiter tous les cœurs, qui causent à tout ce qui est sensible une émotion si douce, une langueur si touchante c'est dans ces tons passionnés que l'on reconnait le langage du sentiment qu'un époux heureux adresse à une compagne chérie, et qu'elle seule peut lui inspirer, tandis que dans d'autres phrases plus étonnantes peut-être, on reconnait le simple projet de l'amuser et de lui plaire, ou bien de disputer devant elle le prix du chant à des rivaux jaloux de sa gloire et de son bonheur.

Ces différentes phrases sont entremêlées de silences, de ces silences qui, dans tout genre de mélodies, concourent si puissamment aux grands effets; on jouit des beaux sons

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