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Et, saluant le roi, il fit un pas en arrière.

Ah! ah! fier comme un Castillan! murmura Henri. M. de Montgomery, prenez ce sac, et faites, par les fenêtres, largesse de l'or qu'il renferme.

Montgomery prit le sac, ouvrit la fenêtre, et jeta l'or aux laquais qui encombraient les cours, et qui le reçurent avec des hourras de joie.

--

Messieurs, continua Henri en se levant, il y a d'habitude fête chez le roi de France quand un roi son voisin lui déclare la guerre; il y aura double fête ce soir, puisque nous avons reçu à la fois la déclaration d'un roi et celle d'une reine. Puis, se retournant vers les deux hérauts, qui se tenaient, l'un à gauche, l'autre à droite :

Sir Guillaume Norry, don Guzman d'Avila, dit le roi, attendu que c'est vous qui êtes les causes de la fête, vous y êtes, comme représentants de la reine Marie, ma sœur, et du roi Philippe, mon frère, invités de droit.

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Sire, dit tout bas le connétable au roi Henri, vous plairait-il d'entendre des nouvelles fraiches de Picardie que m'envoie mon neveu, par un lieutenant de la compagnie du dauphin nommé Théligny?

Oui-da! dit le roi, amenez-moi cet officier, mon cousin, et il sera le bienvenu.

Cinq minutes après, le jeune homme, conduit dans le cabinet des armes, s'inclinait devant le roi, et attendait ensuite respectueusement que celui-ci lui adressât la parole.

Eh bien, monsieur, lui demanda le roi, quelles nouvelles apportez-vous de la santé de M. l'amiral?

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· De ce côté, sire, d'excellentes, et jamais M. l'amiral ne s'est mieux porté.

Alors, que Dieu lui garde cette bonne santé, et tout ira bien! Où l'avez-vous quitté ?

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Et quelles nouvelles vous a-t-il chargé de me transmettre?

Sire, il m'a chargé de dire à Votre Majesté de se préparer à une rude guerre. L'ennemi a rassemblé plus de cinquante mille hommes, et M. l'amiral croit que tout ce qu'il a tenté jusqu'à présent n'est qu'une fausse démonstration pour cacher ses véritables projets.

Et qu'a fait l'ennemi jusqu'à présent? demanda le roi.

Le duc de Savoie, qui commande en chef, répondit le jeune lieutenant, s'est avancé, accompagné du duc d'Aerschott, du comte de Mansfeld, du comte d'Egmont et des principaux officiers de son armée jusqu'à Givet, où était le rendez-vous général des troupes ennemies.

J'ai su cela par le duc de Nevers, gouverneur de la Champagne, dit le roi ; il ajoutait même, dans la dépêche qu'il m'a écrite à ce sujet, qu'il croyait qu'Emmanuel-Philibert en voulait principalement à Rocroy ou à Mézières, et, sur ce que j'avais cru Rocroy, nouvellement fortifiée, mal en éta de soutenir un long siége, j'ai recommandé au duc de Nevers de voir s'il ne fallait point l'abandonner. Depuis ce temps, je n'ai pas eu de ses nouvelles.

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J'en apporte à Votre Majesté, dit Théligny. Sûr de la force de la place, M. de Nevers s'y est enfermé, et, à l'abri derrière ses murailles, il a si bien reçu l'ennemi, qu'après plusieurs escarmouches où il a perdu quelques centaines d'hommes, celui-ci a été forcé de se retirer par le gué de Houssu, entre le village de Nismes et Hauteroche; de là, il a pris sa route par Chimay, Glayon et Montreuil-aux-Dames; il a passé ensuite près de la Chapelle, qu'il a pillée, et près de Vervins, qu'il a réduite en cendres; enfin, il s'est avancé jusqu'à Guise, et M. l'amiral ne doute pas que son dessein ne soit d'assiéger cette place, où M. de Vassé s'est enfermé.

Quelles troupes commande M. le duc de Savoie? demanda le roi.

- Des troupes flamandes, espagnoles et allemandes, sire:quarante mille hommes d'infanterie et quinze mille chevaux à peu près.

Et de combien d'hommes peuvent disposer M. de Châtillon et M. de Nevers?

Sire, en réunissant tout leur monde, à peine s'ils disposeront de dix-huit mille fantassins et de cinq à six mille chevaux; sans compter, sire, qu'il y a, parmi ces derniers, quinze cents ou deux mille Anglais dont il faudrait se défier, en cas de guerre avec la reine Marie.

· C'est donc, y compris la garnison que l'on sera forcé de laisser dans les villes, douze ou quatorze mille hommes à

peine que nous pouvons vous donner, mon cher connétable, dit Henri se tournant vers Montmorency.

Que voulez-vous, sire! avec le peu que vous me donnerez, je ferai de mon mieux. J'ai entendu dire qu'un fameux général de l'antiquité, nommé Xénophon, n'avait que dix mille soldats sous ses ordres lorsqu'il accomplit, pendant l'espace de près de cent cinquante lieues, une magnitique retraite, et que Léonidas, roi de Sparte, commandait un millier d'hommes tout au plus, lorsqu'il arrêta pendant huit jours, aux Thermopyles, l'armée du roi Xerxès, qui était bien autrement nombreuse que celle du duc de Savoie!

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Ainsi, vous ne vous découragez pas, mon bon connétable? dit le roi.

Tout au contraire, sire! Et, mordieu! je n'ai jamais élé si joyeux et si plein de bon espoir! Je voudrais seulement avoir un homme qui pût me donner des renseignements sur l'état de la ville de Saint-Quentin.

-

Pourquoi cela, connétable? demanda le roi.

Parce que, avec les clefs de Saint-Quentin, on ouvre les portes de Paris, sire; c'est un proverbe de vieux routier. Connaissez-vous Saint-Quentin, monsieur de Théligny? - Non, monseigneur; mais, si j'osais...

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Osez, mordieu! osez! le roi le permet.

Eh bien, monsieur le connétable, je vous dirai que j'ai avec moi une espèce d'écuyer que m'a donné M. l'amiral, et qui pourrait fort bien renseigner, s'il le veut, Votre Seigneurie sur l'état de la ville.

Comment, s'il le veut? s'écria le connétable. Il faudra bien qu'il veuille!

Sans doute, dit Théligny, il n'osera pas refuser de répondre aux questions de M. le connétable; seulement, comme c'est un gaillard fort habile, il y répondra à sa guise.

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- A sa guise? c'est-à-dire à la mienne, monsieur le lieutenant!

-Ah! voilà justement le point sur lequel je prierais Votre Seigneurie de ne pas s'abuser. Il répondra à sa guise, et non point à la vôtre, vu que, ne connaissant point Saint-Quentin, monseigneur ne pourra pas savoir s'il dit ou non la vérité. - S'il n'a pas dit la vérité, je le ferai pendre!

-Oui, c'est un moyen de le punir, mais ce n'est pas un moyen de l'utiliser. Croyez-moi, monsieur le connétable, c'est un garçon fin, adroit, très-brave quand il veut...

--

Comment, quand il veut? Il n'est donc pas brave toujours? interrompit le connétable.

Il est brave quand on le regarde, monseigneur, ou quand on ne le regarde pas, et qu'il est de son intérêt de se battre. Il ne faut pas exiger autre chose d'un aventurier. Mon bon connétable, dit le roi, qui veut la fin veut les moyens. Cet homme peut nous rendre des services; M. de Théligny le connaît; laissez M. de Théligny conduire l'interrogatoire.

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-Soit, dit le connétable; mais je vous réponds, sire, que j'ai une manière de parler aux gens...

· Oui, monseigneur, répondit en souriant Théligny, nous connaissons cette manière-là: elle a son bon côté; mais, avec maître Yvonnet, elle aurait pour résultat de le faire passer, à la première occasion, du côté de l'ennemi, auquel il rendrait contre nous tous les services qu'il peut nous rendre contre lui.

- A l'ennemi, morbleu? à l'ennemi, sacrebleu? cria le connétable. Mais, alors, il faut le pendre tout de suite! C'est donc un maroufle, c'est donc un bandit, c'est donc un traître, que cet écuyer, monsieur de Théligny?

C'est un aventurier tout simplement, monseigneur.
Oh! oh! et mon neveu se sert de ces drôles-là?

- A la guerre comme à la guerre, monseigneur, répondit en riant Théligny.

Puis, se tournant vers le roi :

Je mets mon pauvre Yvonnet sous la sauvegarde de Votre Majesté, et je demande, quelque chose qu'il dise ou fasse, à l'emmener sain et sauf, comme je l'ai amené.

- Vous avez ma parole, monsieur, dit le roi. Allez chercher votre écuyer.

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Si le roi permet, reprit Théligny, je me contenterai de lui faire un signe, et il montera.

Faites.

Théligny s'approcha de la fenêtre qui donnait sur la pelouse du parc, l'ouvrit et fit un signe d'appel.

Cinq minutes après, maître Yvonnet parut sur le seuil de

la porte, vêtu de sa même cuirasse de buffle, de son même justaucorps de velours marron, de ses mêmes bottes de peau, sous lesquels nous l'avons présenté au lecteur.

Il tenait à la main la même toque, ornée de la même plume.

Seulement, le tout avait vieilli de deux ans.

Une chaîne de cuivre qui avait été dorée autrefois pendait à son cou, et se jouait galamment sur sa poitrine.

Le jeune homme n'eut besoin que d'un coup d'œil pour juger à qui il avait affaire, et sans doute reconnut-il ou le roi ou M. le connétable, peut-être même tous les deux, car il se tint respectueusement près de la porte.

- Avancez, Yvonnet! avancez, mon ami, dit le Heutenant, et sachez que vous êtes en présence de Sa Majesté Henri Il et de M. le connétable, lesquels, sur l'éloge que je leur ai fait de vos mérites, ont désiré vous voir.

Au grand ébahissement du connétable, maître Yvonnet ne parut pas le moins du monde étonné que ses mérites lui eussent valu une pareille faveur.

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Je vous remercie, mon lieutenant, dit Yvonnet en faisant trois pas, et en s'arrêtant moitié par défiance, moitié par respect; mes mérites, si petits qu'ils soient, sont aux pieds de Sa Majesté et au service de M. le connétable.

Le roi remarqua la différence que le jeune homme avait su mettre entre l'hommage rendu à la majesté royale, et l'obéissance offerte à M. de Montmorency.

Sans doute cette différence frappa-t-elle aussi le connétable.

- C'est bien, c'est bien, dit-il, pas de phrases, mon beau muguet! et répondez-moi carrément, ou sinon...

Yvonnet lança de côté à M. de Théligny un regard qui voulait dire : « Est-ce un danger que je cours? est-ce un honneur que l'on me fait? >>

Mais, fort de la promesse du roi, Théligny s'empara de l'interrogatoire.

Mon cher Yvonnet, dit-il, le roi sait que vous êtes un galant cavalier, fort aimé des belles, et qui consacrez à votre toilette tous les revenus que peuvent vous procurer votre intelligence et votre courage. Or, comme le roi veut mettre à l'épreuve votre intelligence tout de suite, votre courage

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