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dres, mais des plus grands et des plus nobles, au contraire, tant elle est noble et grande en tout! »

Elle eut le royaume promis, et, avec lui, le malheur et la mort.

Hélas! un sort meilleur n'attendait pas cette belle Marie qui marchait à la gauche du dauphin, son fiancé!

Il y a des infortunes qui ont eu un tel retentissement, qu'elles ont éveillé un écho par tout le monde, et qu'après avoir attiré sur ceux qui en étaient l'objet les regards de leurs contemporains, elles attirent encore sur eux, à travers les siècles, chaque fois qu'un nom prononcé les rappelle, les yeux de la postérité.

Ainsi sont les malheurs un peu mérités de la belle Marie, malheurs qui ont tellement dépassé la mesure ordinaire, que les fautes, que les crimes même de la coupable ont disparu devant l'exagération du châtiment.

Mais, alors, nous l'avons dit, la petite reine d'Écosse poursuivait joyeusement sa route dans une vie attristée au début par la mort de son père, le chevaleresque Jacques V : sa mère portait pour elle cette couronne d'Écosse pleine d'épines qui, selon la dernière parole de son père, « par fille était venue, et par fille s'en devait aller! » Le 20 août 1548, elle était arrivée à Morlaix, et, pour la première fois, avait touché la terre de France, où se passèrent ses seuls beaux jours. Elle apportait avec elle cette guirlande de roses écossaises que l'on appelait les quatre Marie, qui étaient da même âge, de la même année, du même mois qu'elle, et qui avaient nom Marie Fleming, Marie Seaton, Marie Livingston et Marie Beaton. C'était, à cette époque, une adorable enfant, et, peu à peu, en grandissant, elle était devenue une adorable jeune fille. Ses oncles, les Guise, qui croyaient voir en elle la réalisation de leurs vastes projets ambitieux, et qui, non contents d'étendre leur domination sur la France, l'étendaient, par Marie, sur l'Écosse, peut-être même sur l'Angleterre, l'entouraient d'un véritable culte. Ainsi le cardinal de Lorraine écrivait à sa sœur Marie de Guise :

« Votre fille est crue et croît tous les jours en bonté, beauté et vertu; le roi passe son temps à deviser avec elle, et elle le sait aussi bien entretenir de bons et sages propos, comme ferait une femme de vingt-cinq ans. >>

Au reste, c'était bien le bouton de cette rose ardente qui devait s'ouvrir à l'amour et à la volupté. Ne sachant rien faire de ce qui ne lui plaisait pas, elle faisait, au contraire, avec passion tout ce qui lui plaisait : dansait-elle, c'était jusqu'à ce qu'elle tombat épuisée; chevauchait-elle, c'était au galop, et jusqu'à ce que le meilleur coursier fût rendu; assistait-elle à quelque concert, la musique lui causait des frémissements électriques. Étincelante de pierreries, caressée, adulée, adorée, elle était, à l'âge de treize ans, une des merveilles de cette cour des Valois, si pleine de merveilles. Catherine de Médicis, qui n'aimait pas grand'chose à part son fils Henri, disait : « Notre petite reinette écossaise n'a qu'à sourire pour faire tourner toutes les têtes françaises! >> Ronsard disait :

Au milieu du printemps, entre le lis naquit

Son corps, qui de blancheur les lis même vainquit;
Et les roses, qui sont du sang d'Adonis teintes,
Furent, par sa couleur, de leur vermeil dépeintes ;
Amour de ses beaux traits lui composa les yeux,
Et les Grâces, qui sont les trois filles des cieux,
De leurs dons les plus beaux cette princesse ornèrent,
Et, pour la mieux servir, les cieux abandonnèrent.

Et, toutes ces charmantes louanges, elle pouvait, la royale enfant, en comprendre les finesses: prose et vers n'avaient point de secrets pour elle; elle parlait le grec, le latin, l'italien, l'anglais, l'espagnol et le français; de même que la poésie et la science lui faisaient une couronne, les autres arts réclamaient son encouragement. Dans ses voyages de cour, qui la promenaient de résidence en résidence, elle allait de Saint-Germain à Chambord, de Chambord à Fontainebleau, de Fontainebleau au Louvre; là, elle fleurissait au milieu des plafonds du Primatice, des toiles du Titien, des fresques du Rosso, des chefs-d'œuvre de Léonard de Vinci, des statues de Germain Pilon, des sculptures de Jean Goujon, des monuments, des portiques, des chapelles de Philibert Delorme; si bien qu'on était tenté de croire, la voyant si poétique, si charmante, si parfaite, au milieu de toutes ces merveilles du génie, que c'était, non pas une création appar

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tenant à l'espèce humaine, mais quelque métamorphose pareille à celle de Galatée, quelque Vénus détachée de sa toile, quelque Hébé descendue de son piédestal.

Et, maintenant, nous à qui manque le pinceau du peintre, essayons de donner, avec la plume du romancier, une idée de cette enivrante beauté.

Elle allait avoir quatorze ans, comme nous l'avons dit. Son teint tenait du lis, de la pêche et de la rose, un peu plus du lis peut-être que de tout le reste. Son front haut, bombé dans la partie supérieure, semblait le siége d'une dignité fière, à la fois mélange singulier! pleine de douceur, d'intelligence et d'audace. On sentait que la volonté, comprimée par ce front, tendue vers l'amour et le plaisir, bondirait au delà des passions ordinaires, et, s'il le fallait pour contenter ses instincts voluptueux et despotiques, irait jusqu'au crime. Son nez, fin, délicat, mais cependant ferme, était aquilin ainsi que ceux des Guise. Son oreille se dessinait petite et enroulée comme une coquille de nacre irisée de rose, sous sa tempe palpitante. Ses yeux bruns, de cette teinte qui flotte entre le marron et le violet, étaient d'une transparence humide et pourtant pleine de flamme, sous leurs cils châtains, sous leurs sourcils dessinés avec une pureté antique. Enfin, deux plis charmants achevaient, à ses deux angles, une bouche aux lèvres pourpres, frémissantes,· entr'ouvertes, qui, en souriant, semblait répandre la joie autour d'elle, et qui surmontait un menton frais, blanc, arrondi et perdu dans des contours dont l'imperceptible rebondissement se rattachait à un cou onduleux et velouté comme celui du cygne.

Telle était celle que Ronsard et du Bellay nommaient leur dixième muse; telle était la tête qui devait, trent et un ans plus tard, se poser sur le billot de Fortheringay, et que devait séparer du corps la hache du bourreau d'Élisabeth.

Hélas! si un magicien fût venu dire à toute cette foule qui regardait la brillante cavalcade s'enfoncer sous les grands arbres du parc de Saint-Germain le sort qui attendait ces rois, ces princes, ces princesses, ces grands seigneurs, ces grandes dames, est-il une veste de toile ou une robe de bure qui eût voulu échanger sa destinée contre celle de ces beaux gentilshommes à pourpoint de soie et de velours,

ou de ces belles dames à corsage brodé de perles et à jupe de brocart d'or?

Laissons-les se perdre sous les voûtes sombres des marronniers et des hêtres, et revenons au château de Saint-Germain, où nous avons dit que Catherine de Médicis était restée, sous le prétexte d'une légère indisposition.

II

LA CHASSE DU ROI.

A peine les pages et les écuyers, formant les derniers rangs du cortége, eurent-ils disparu dans l'épaisseur des taillis qui succèdent aux grands arbres, et qui, à cette époque, faisaient comme une ceinture au parc de Saint-Germain, que Catherine se retira du balcon, tirant à elle Charles et Henri, et, renvoyant l'aîné à son professeur et le cadet à ses femmes, elle resta avec la petite Marguerite, trop jeune encore pour que l'on s'inquiétât de ce qu'elle pouvait voir et entendre.

Elle venait d'éloigner ses deux fils, lorsque son valet de chambre de confiance entra, lui annonçant que les deux personnes attendues par elle étaient à ses ordres dans son cabinet.

Elle se leva aussitôt, hésita un instant pour savoir si elle ne renverrait pas la princesse comme elle avait renvoyé les petits princes; mais, jugeant sans doute sa présence peu dangereuse, elle la prit par la main, et s'avança vers son cabinet.

Catherine de Médicis était, alors, une femme de trentehuit ans, de belle et riche taille et de grande majesté. Elle avait le visage agréable, le cou très-beau, les mains magnifiques. Ses yeux noirs étaient presque toujours à demi

voilés, excepté lorsqu'elle avait besoin de lire au fond du cœur de ses adversaires : alors, leur regard avait le double brillant et la double acuité de deux glaives tirés du fourreau et plongés en même temps dans la même poitrine, où ils restaient en quelque sorte ensevelis jusqu'à ce qu'ils en eussent exploré les dernières profondeurs.

Elle avait beaucoup souffert et beaucoup souri pour cacher ses souffrances. D'abord, pendant les dix premières années de son mariage, qui furent stériles, et où vingt

fois il fut question de la répudier et de donner au dauphin une autre épouse, l'amour de celui-ci la protégea seul, et lutta obstinément contre la plus terrible et la plus inexorable de toutes les raisons, contre la raison d'État. Enfin, en 1544, au bout de onze ans de mariage, elle mit au monde le prince François.

Mais déjà, depuis neuf ans, son mari était l'amant de Diane de Poitiers.

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Peut-être, si, dès le commencement de son mariage, elle eût été heureuse mère, épouse féconde, peut-être eût-elle lutté, comme femme et comme reine, contre la belle duchesse; mais sa stérilité l'abaissait au-dessous du rang d'une maîtresse au lieu de lutter, elle se courba, et, par son humilité, acheta la protection de sa rivale.

De plus, toute cette belle seigneurie d'épée, tous ces brillants hommes de guerre qui n'estimaient la noblesse que lorsque c'était une fleur poussée dans le sang, et cueillie sur un champ de bataille, faisaient peu de cas de la race commerçante des Médicis. On jouait sur le nom et sur les armes leurs ancêtres étaient des médecins, medici; leurs armes étaient, non pas des boulets de canon, comme ils disaient, mais des pilules. Marie Stuart elle-même, qui caressait de sa jolie main d'enfant la duchesse de Valentinois, en faisait parfois une griffe pour égratigner Catherine.

Venez-vous avec nous chez la marchande florentine ? disait-elle au connétable de Montmorency.

Catherine dévorait tous ces outrages: elle attendait. Qu'attendait-elle? Elle n'en savait certes rien elle même. Henri II, son royal époux, était du même âge qu'elle, et d'une santé qui lui promettait de longs jours. N'importe, elle attendait avec l'entêtement du génie qui, sentant et appré

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