s'effraie pas d'un vain bruit. Son encolure est haute, sa tète effilée, son ventre court, sa croupe arrondie. Ses muscles ressortent sur son poitrail vigoureux. On estime assez le gris et le bai brun, fort peu le blanc et l'alezan clair. Si au loin retentit le bruit des armes, le coursier ne peut tenir en place; il dresse l'oreille; tout son corps s'agite, et, frémissant, il roule dans ses naseaux le feu qui s'en échappe. Son épaisse crinière flotte et retombe sur son épaule droite. Son épine dorsale court double le long de son dos; son pied creuse la terre, qui retentit sous sa corne solide. Tels furent Cyllare que dompta le frein de Pollux; tels les coursiers du dieu Mars et du grand Achille, tant célébrés par les poëtes grecs; tel enfin parut Saturne, lorsqu'à l'arrivée imprévue de son épouse, il s'enfuit agitant une crinière de coursier, et remplit le mont Péiion de hennissements aigus. Lorsqu'il languit appesanti par la maladie, ou affaibli par l'âge, enferme-le, et ménage son honorable vieillesse. Devenu, par le froid des années, inhabile au plaisir, il se consume en efforts stériles; et si parfois il engage le combat, son inutile ardeur s'éteint comme un feu de paille sans aliment. Observe donc principalement sa vigueur et son âge; puis, ses autres quali Nec vanos horret strepitus. Illi ardua cervix, Pelion hinnitu fugiens implevit acuto. Hunc quoque, ubi aut morbo gravis, aut jam segnior annis Frigidus in Venerem senior, frustraque laborem 95 100 tés, sa race, sa douleur dans la défaite, sa joie dans la victoire. Vois-tu ces chars rapides, après s'être élancés de la barrière, se précipiter dans la lice, et dévorer l'espace, lorsque, tressaillant d'espérance et le cœur palpitant de crainte, les jeunes combattants pressent du fouet leurs coursiers, et, penchés en avant, leur lâchent les rênes? L'essieu vole et s'enflamme dans sa rapidité; ils semblent tantôt se baisser, tantôt se dresser dans l'espace et monter dans les airs sur l'aile des vents. Point de repos, point de relâche; cependant un nuage de poussière s'élève autour d'eux. Les vainqueurs sont mouillés du souffle et de l'écume des vaincus qui les pressent: tant ils aiment la gloire, tant pour eux la victoire a de prix ! Érichthon osa, le premier, atteler à un char quatre chevaux de front, et, sur des roues rapides, s'élancer vainqueur. Montés sur ces fiers coursiers, les Lapithes les soumirent au frein, leur apprirent à cadencer leur pas, et à bondir dans la plaine sous un cavalier armé. Pour la course des chars comme pour le manége, les maîtres de l'art veulent un cheval également jeune, ardent et agile, eût-il cent fois poursuivi les ennemis en fuite; eût-il pour patrie l'Épire ou la belliqueuse Mycènes; fit-il remonter son origine jusqu'au trident de Neptune. Et quis cuique dolor victo, quæ gloria palmæ. Quum spes arrectæ juvenum, exsultantiaque haurit 105 Et proni dant lora; volat vi fervidus axis: 110 115 20 Enfin ton choix est fait la saison des amours approche; hâtetoi, redouble de soins pour donner un embonpoint solide et ferme à celui que tu as appelé à guider et à perpétuer le troupeau. On coupe pour lui l'herbe nourrissante, on l'abreuve de l'eau du fleuve, on lui prodigue le grain, de peur qu'il ne puisse résister à ses douces fatigues, et que sa débile postérité ne porte les traces de son épuisement. Pour les mères, il n'en est pas de même on les amaigrit à dessein, et quand la volupté qu'elles ont déjà connue commence à réveiller en elles les désirs amoureux, on leur retranche le feuillage, on les éloigne des fontaines. Souvent même on les fatigue par des courses forcées sous un soleil ardent, alors que l'aire retentit sous le fléau, et que la paille légère s'envole au premier souffle du zéphyr. C'est ainsi qu'on empêche un embonpoint excessif d'engorger le champ de l'amour et d'en obstruer les sillons inertes; de sorte que la femelle saisit avec avidité les germes fécondants, et en est profondément pénétrée. Les soins jusque-là donnés aux pères, les mères les réclament. Quand au bout de quelques mois, chargées de leur fruit, elles prennent une allure plus pesante, ne leur laisse plus traîner de lourds chariots, traverser les routes en sautant, s'enfuir au galop dans les champs ou se jeter à la nage dans les eaux rapides. His animadversis, instant sub tempus, et omnes Sed rapiat sitiens Venerem, interiusque recondat. 125 130 135 Non illas gravibus quisquam juga ducere plaustris, 140 Carpere prata fuga, fluviosque innare rapaces. Saltibus in vacuis pascant, et plena secundum Qu'elles paissent en des bois solitaires, auprès d'un ruisseau qui coule à pleins bords et leur offre une mousse épaisse, des rives couvertes d'un vert gazon, des grottes qui les abritent et des rochers qui les couvrent de leur ombre salutaire. Près des bois de Silare et des vertes forêts de chênes qui couvrent l'Alburne, pullule un insecte que les Romains ont nommé asilo, et que les Grecs appellent œstron dans leur langage insecte toujours furieux, le seul bruit de son aigre bourdonnement met en fuite les troupeaux épouvantés. Le ciel, les forêts, les rives desséchées du Tanagre retentissent de longs mugissements. C'est le monstre que déchaîna l'horrible vengeance de Junon, pour faire périr la fille infortunée d'Inachus. Attentif à garantir les jeunes mères de ce fléau, qui s'attache à elles avec plus de violence pendant les feux du midi, tu les conduiras au pâturage, quand le soleil commence à paraître, ou lorsque les astres ramènent la nuit. Une fois nés, leurs petits appellent tous tes soins. Que d'abord un fer brûlant imprime sa marque sur leur corps, pour distinguer leur race et l'usage auquel on les destine. Les uns repeuple ront le troupeau; les autres, victimes sacrées, seront réservés aux autels; ceux-ci ouvriront le sein de la terre, et briseront les glèbes dont elle est hérissée. Tout le reste ira en liberté paître l'herbe des prairies. Ceux que tu veux dresser aux habitudes et aux travaux cham pêtres, commence de bonne heure à les façonner, å les plier au joug, tandis que leur jeunesse est docile, et leur âge souple aux impressions. D'abord, attache à leur cou un cercle d'osier qui y flotte librement; ensuite, quand leur fierté sera faite au joug, qu'unis par leurs colliers mêmes, ils marchent de front et du mème pas. Que déjà ils traînent des charriots vides, qui laissent à peine des traces sur la poussière. Plus tard, le hêtre façonné en essieu criera sous une charge pesante, et, attelés à un timon d'airain, ils le traîneront avec de pénibles efforts. Cependant à cette jeunesse indomptée tu donneras pour nourriture, outre le gazon, les feuilles minces du saule, l'herbe des marais et le superflu de tes blés. Ne va pas, comme nos pères, garder pour toi le lait dont tes génisses rempliront les vases; leurs doux nourrissons doivent seuls épuiser leurs mamelles. Aimes-tu mieux la guerre et ses fiers escadrons, les courses des chars rapides près des rives de l'Alphée et des bois sacrés de Jupiter? accoutume le cheval à la vue des armes et des combats, au bruit de la trompette, au roulement des roues qui crient sur le sable, et au cliquetis des freins. Que chaque jour, plus sensible aux caresses d'un maître, il tressaille sous la main qui le Jam vitulos hortare, viamque insiste domandi, 165 170 175 Aut Alphea rotis prælabi flumina Pisa, 180 Et Jovis in luco currus agitare volantes; 185 |