LA SUISSE. COUP D'OEIL SUR SON SOL, SES HABITANS, SON HISTOIRE. COMMENT se fait-il que les anciens, surtout les Romains, dont l'empire s'étendait jusqu'en Helvétie, n'aient pas été frappés du spectacle sublime que la nature présente dans ces hautes montagnes couvertes de glaciers et de pâturages; ou s'ils n'ont pas été insensibles à cet aspect imposant, pourquoi ne nous ont-ils pas transmis les expressions de leur admiration et de leur ravissement sur un pays où les peintres et les poëtes vont puiser aujourd'hui des inspirations, où les hommes d'état et les gens TOME I. du monde vont retremper leur âme, les hommes mélancoliques et poursuivis par le sort chercher des consolations et des adoucissemens à leurs douleurs, les naturalistes étudier l'histoire des révolutions du globe et épier lesse-, crets de la nature, les amis de la liberté enfin récréer leur vue à l'aspect de ce régime populaire et de cette vie pastorale qui rappellent les premiers âges du monde et l'état primitif de la société, et dont on est déjà si loin dans d'autres pays de l'Europe? N'avaient-ils donc des yeux que pour voir les peuples qu'ils avaient à subjuguer, pour mesurer le territoire qu'il leur restait à conquérir? On le croirait, si l'on ne jugeait que d'après le silence gardé par leurs auteurs sur les beautés de la nature qui aujourd'hui frappent si vivement l'esprit de tous les hommes et parlent si fortement à leur âme. Eh quel homme resterait froid et in sensible au spectacle magnifique que lui offrent les Alpes de la Suisse, où des montagnes aussi anciennes que le monde sont entassées sur des montagnes, et enfoncent dans les nues leurs cimes plus ou moins élevées; où les pâturages s'élèvent à quelques milliers de pieds audessus des villes, et touchent aux limites de la nature morte; où d'immenses plaines de glaces et de neiges suspendues au-dessus de précipices affreux, alimentent perpétuellement les grands fleuves qui, découlant de ces hauteurs immenses, vont animer le commerce de l'Europe; enfin où des bassins plus ou moins grands, bordés de verdure, de bois ou de rochers, des cascades, et des ruisseaux sans nombre forment avec les teintes brillantes des neiges et des glaciers, avec le vert sombre des sapins et le vert tendre des pâturages, des contrastes si piquans, des sites si variés, si nouveaux; enfin où, dans l'espace de quelques lieues, le voyageur peut contempler les horreurs et les beautés de de la nature, et passer du saisissement à l'admiration, d'un climat affreux dans une contrée charmante? Si ce magnifique spectacle pouvait jamais lasser le voyageur, il lui resterait encore une autre source de sensations, et un nouvel objet d'études : ce sont les hommes qui habitent cette contrée pittoresque. En Suisse tout n'a pas été nivelé sous le sceptre monarchique comme dans le reste de l'Europe; les Suisses ont conservé plus que d'autres peuples l'empreinte des âges écoulés; cette empreinte n'est pas toujours la plus belle, la rouille l'a entachée, mais c'est une empreinte originale. Elle mérite d'être observée. La forme du gouvernement la Suisse s'est donné au moyen âge que est restée, à quelques modifications près, la même; la seule république qui soit encore debout en Europe, c'est l'Helvétie. Partout où la main du monarchisme a pu atteindre, elle a écrasé et détruit les constitutions républicaines; la Suisse seule, protégée par l'intérêt que lui porte l'opinion publique de l'Europe, a pu continuer de se gouverner elle-même; et tandis qu'à l'entour des Alpes, le dogme du pouvoir absolu est prêché aux peuples, l'écho des rochers helvétiques retentit encore, quoique timidement, des accens de la démocratie. Cependant il semble que le républicanisme proscrit sur le reste du continent n'est plus que toléré en Suisse, et cette république faible et pauvre se montre presque honteuse au milieu des trônes resplendissans d'or et hérissés de fer dont elle est entourée. C'est un monument unique resté presque intact au milieu des bouleversemens politiques qui ont eu lieu depuis l'âge de la barbarie. Faut-il s'étonner que sans cesse visi |