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IV

PRÉFACE.

des circonstances et des impressions qui m'ont été particulières, et auxquelles se rattache la publication des chansons qu'il a accueillies si favorablement. C'est une sorte de narration familière où il reconnaîtra du moins tout le prix que j'ai attaché à ses suffrages.

Je dois parler d'abord de ce dernier volume. Chacune de mes publications a été pour moi le résultat d'un pénible effort. Celle-ci m'aura causé à elle seule plus de malaise que toutes les autres ensemble. Elle est la dernière ; malheureusement elle vient trop tard. C'est immédiatement après la révolution de Juillet que ce volume eût dû paraître : ma modeste mission était alors terminée. Mes éditeurs savent pourquoi il ne m'a pas été permis d'achever plus tôt un rôle privé désormais de l'intérêt qu'il pouvait avoir sous le règne de la légitimité. Beaucoup de chansons de ce nouveau recueil appartiennent à ce temps déjà loin de nous, et plusieurs même auront besoin de

notes.

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pro

Mes chansons, c'est moi. Aussi le triste grès des années s'y fait sentir au fur et à mesure que les volumes s'accumulent, ce qui me fait craindre que celui-ci ne paraisse bien sérieux. Si beaucoup de personnes m'en font un reproche, quelques-unes m'en sauront gré, je l'espère; elles reconnaîtront que l'esprit de l'époque actuelle a dù contribuer, non moins que mon âge, à rendre le choix de mes sujets plus grave et plus philosophique.

que

Les chansons, nées depuis 1830, semblent en effet se rattacher plutôt aux questions d'intérêt social qu'aux discussions purement politiques. En doit-on être étonné? Une fois qu'on suppose reconquis le principe gouvernemental pour lequel on a combattu, il est naturel l'intelligence éprouve le besoin d'en faire l'application au profit du plus grand nombre. Le bonheur de l'humanité a été le songe de ma vie. J'en ai l'obligation, sans doute, à la classe dans laquelle je suis né, et à l'éducation pratique que j'y ai reçue. Mais il a fallu bien des

TAYLOR

FOR

VI

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circonstances extraordinaires pour qu'il fût permis à un chansonnier de s'immiscer dans les hautes questions d'améliorations sociales. Heureusement une foule d'hommes, jeunes et courageux, éclairés et ardents, ont donné, depuis peu, un grand développement à ces questions, et sont parvenus à les rendre presque vulgaires. Je souhaite que quelques-unes de mes compositions prouvent à ces esprits élevés ma sympathie pour leur généreuse entreprise.

Je n'ai rien à dire des chansons qui appartiennent au temps de la Restauration, si ce n'est qu'elles sont sorties toutes faites de la prison de la Force. J'aurais peu tenu à les imprimer, si elles ne complétaient ces espèces de mémoires chantants que je publie depuis 1815. Je n'ai pas, au reste, à craindre qu'on me fasse le reproche de ne montrer de courage que lorsque l'ennemi a disparu. On pourra même remarquer que ma détention, bien qu'assez longue, ne m'avait nullement aigri : il est vrai

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VII

qu'alors je croyais voir s'approcher l'accomplissement de mes prophéties contre les Bourbons. C'est ici l'occasion de m'expliquer sur la petite guerre que j'ai faite aux princes de la branche déchue.

Mon admiration enthousiaste et constante pour le génie de l'empereur, ce qu'il inspirait d'idolâtrie au peuple, qui ne cessa de voir en lui le représentant de l'égalité victorieuse; cette admiration, cette idolâtrie, qui devaient faire un jour de Napoléon le plus noble objet de mes chants, ne m'aveuglèrent jamais sur le despotisme toujours croissant de l'empire. En 1814, je ne vis dans la chute du colosse que les malheurs d'une patrie que la République m'avait appris à adorer. Au retour des Bourbons, qui m'étaient indifférents, leur faiblesse me parut devoir rendre facile la renaissance. des libertés nationales. On nous assurait qu'ils feraient alliance avec elles : malgré la Charte, j'y croyais peu; mais on pouvait leur imposer ces libertés. Quant au peuple, dont je ne me

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PREFACE.

suis jamais séparé, après le dénouement fatal de si longues guerres, son opinion ne me parut pas d'abord décidément contraire aux maîtres qu'on venait d'exhumer pour lui. Je chantai alors la gloire de la France; je la chantai en présence des étrangers, en frondant déjà toutefois quelques ridicules de cette époque, sans être encore hostile à la royauté restaurée

On m'a reproché d'avoir fait une opposition de haine aux Bourbons; ce que je viens de dire répond à cette accusation, que peu de personnes aujourd'hui, j'en suis sûr, tiendraient à repousser, et qu'autrefois j'acceptais en silence.

Les illusions durèrent peu ; quelques mois suffirent pour que chacun pùt se reconnaître, et dessillèrent les yeux des moins clairvoyants; je ne parle que des gouvernés.

Le retour de empereur vint bientôt partager la France en deux camps, et constituer l'opposition qui a triomphé en 1830. Il releva le drapeau national et lui rendit son avenir, en dépit de Waterloo et des désastres qui en

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