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NOTICE.

BÉRANGER est né à Paris le 19 août 1780, chez un tailleur, son pauvre et vieux grand-père. Les prénoms qu'il reçut à sa naissance sont ceux de Pierre-Jean; noms d'apôtres, noms de bon augure pour un homme qui devait avoir aussi une mission à remplir. Son père et sa mère, à ce qu'il semble, eurent peu d'influence sur son éducation. Son père, né à Flamicour, près de Péronne, homme vif, spirituel, d'une imagination entreprenante et active, aspira constamment, dans le cours d'une vie pleine d'aventures, à une condition plus relevée que celle dont il était sorti. Il n'eût pas tenu à lui que son fils ne vit dans la particule nobiliaire de, qui précédait son nom, la trace d'une ancienne distinction; mais Béranger, trop fier pour avoir de ces petites vanités, s'est toujours reconnu vilain et très vilain. Ce fut à ses grands parents paternels et maternels que notre jeune homme dut ses premiers principes et ses premières impulsions.

XLVI

NOTICE.

Il resta à Paris, rue Montorgueil, chez son grand-père le tailleur, jusqu'à l'âge de neuf ans; témoin de la prise de la Bastille, quarante années plus tard, en 1829, il en célébrait le palpitant souvenir sous les barreaux de la Force. Peu de temps après cette belle journée, il quitta Paris pour Péronne, où il fut confié à une tante paternelle, qui tenait une auberge dans un des faubourgs : cette respectable femme, maintenant octogénaire, est pour quelque chose dans une gloire qu'elle a préparée et dont elle apprécie la grandeur. C'est chez elle et sous ses yeux que l'enfant sortit de son ignorance, en lisant le Télémaque et quelques volumes de Racine et de Voltaire qu'elle avait parmi ses livres. Aux vers du plus religieux de nos poëtes et à ceux du plus moqueur de nos philosophes, sa tante, bonne et pieuse, joignait d'excellents avertissements de morale, des conseils d'une fervente dévotion. Néanmoins, déjà à cette époque son génie libre, sceptique et malin, se trahissait par des saillies involontaires. Ainsi, à l'âge de douze ans, ayant été atteint d'un coup de tonnerre au seuil même de sa maison, ses premières paroles à sa tante en sortant de la complète paralysie dont la foudre l'avait frappé, furent celles-ci : « Eh bien ! à quoi sert donc ton eau bénite? » Malicieux reproche à cette excellente femme, qu'il avait vue, au commencement de l'orage, asperger d'eau bénite toute la maison.

NOTICE.

XLVII

Dans ce même temps, les ardentes strophes de la Marseillaise, le canon des remparts célébrant la délivrance de Toulon, arrachaient des larmes au jeune Béranger. A quatorze ans, il entra en apprentissage dans l'imprimerie de M. Laisné, où il commença à apprendre les premières règles de l'orthographe et de la langue. Mais sa véritable école, celle qui contribua le plus aux développements de son intelligence et de ses sentiments moraux, ce fut l'école primaire fondée à Péronne par M. Ballue de Bellanglise, ancien député à l'assemblée législative. Dans son enthousiasme pour Jean-Jacques, ce représentant avait imaginé un institut d'enfants d'après les maximes du citoyen-philosophe : l'institut de Péronne offrait à la fois l'image d'un club et celle d'un camp; les enfants y portaient le costume militaire; à chaque évènement public, ils nommaient des députations, prononçaient des discours, votaient des adresses: on écrivait au citoyen Robespierre ou au citoyen Tallien. Le jeune Béranger était l'orateur, le rédacteur habituel et le plus influent. Ces exercices, en éveillant son goût, en formant son style, en étendant ses notions d'histoire et de géographie, avaient en outre l'avantage d'appliquer de bonne heure ses facultés à l'étude de la chose publique, et fiançaient en quelque sorte son jeune cœur à la patrie. Mais, dans cette éducation toute citoyenne, on n'enseignait pas le latin; Béranger ne l'apprit donc pas.

XLVIII

NOTICE.

Cette omission dans l'instruction du futur poëte ne fut pas aussi importante que les préjugés que nous rapportons des colléges pourraient nous le faire croire. Un des hommes qui ont le plus cultivé la littérature latine, un professeur qui s'est occupé avec amour des études classiques, rend, sous ce rapport, une complète justice à Béranger. C'est le fond et non la forme qu'il faut étudier : la liqueur seule donne du parfum au vase; la pensée est une, immuable, éternelle : la forme varie de peuple à peuple et souvent d'homme à homme.

« Béranger, dit M. Tissot, a toujours affirmé qu'il ne savait pas les langues classiques: on ne peut guère douter de ce que dit un homme de ce caractère; cependant, après avoir lu un certain nombre de ses belles chansons, qui respirent tout le parfum de la poésie antique, on éprouve bien de la peine à se défendre de l'incrédulité. Mais si Béranger n'a lu ni Homère, ni Virgile, ni Horace et leurs pareils, dans leur propre idiome, il n'en a pas moins fait de ces auteurs une étude approfondie, qui éclate par ses jugements sur eux, et surtout par sa manière de composer et d'écrire : on dirait qu'en se pénétrant de leur substance il a deviné le caractère et les formes de leur style, réfléchi par celui de nos grands écrivains, qu'il a tant étudiés dans un travail continuel de sa tête méditative. Béranger, qui ne les copie jamais, doit beaucoup à Montaigne, à Molière, et à notre fabuliste.

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