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transmis sur l'histoire et sur le caractère politique et moral de ses habitans. C'est de cette première partie que nous devons d'abord entretenir nos lecteurs.

La Mégaride, qui, malgré ses limites assez indécises, n'a jamais eu plus de onze lieues d'étendue sur six ou sept de largeur, forme un bassin s'ouvrant au sud-est vers la mer, et environné des trois autres côtés par de hautes montagnes. Les escarpemens rapides du Cerata la séparent de la plaine d'Eleusis, et se lient eux-mêmes, par un défilé nommé aujourd'hui Diaskelos (ou Diaselos selon M. Reinganum, page 105), à la masse imposante du Cithéron. Celui-ci donne naissance à une branche qui se dirige au sud-ouest (ce sont maintenant les gorges de Candili), et se termine, à la vue de Corinthe et du port Lechæum, par le pic Geranium (repáveia). Enfin le groupe isolé des monts Onéens, à Őveia opn, s'élevant entre la chaîne Géranienne et le golfe Saronique, encadre au couchant la plaine de Mégare; l'extrémité orientale de ce groupe projette sur la mer les rochers menaçans à qui le nom du brigand Sciron a donné depuis long-temps une triste célébrité. C'est d'après cet aperçu général de la géographie naturelle du pays que M. Reinganum a divisé en quatre sections là première partie de son livre. Il discute d'abord (pag. 13-35) la position des lieux mémorables qui se trouvoient entre les monts Onéens et la côte. La plaine de Mégare est décrite dans la seconde section; la troisième comprend les villes et les bourgades du canton de Cérata, et la quatrième est consacrée à la Géranée, c'est-à-dire, à la contrée montagneuse qui, dominant à l'ouest la plaine centrale, s'étendoit depuis les environs de Mégare jusqu'aux bords du golfe des Alcyons. Il n'est guère possible de suivre l'auteur dans les discussions par lesquelles il cherche à tracer l'existence souvent fugitive, la position incertaine de tant de villes qui couvroient la Mégaride à l'époque de sa splendeur; néanmoins, pour donner une idée du travail de M. Reinganum, nous indiquerons sommairement quelques-unes de ses investigations savantes, et nous soumettrons à ses lumières notre propre opinion, quand elle différera de la sienne.

Après avoir quitté les murs presque entièrement renversés de

(1) Ta Kέeam, Diodore de Sicile, lib. x111, cap. 65, vol. V, p.338, edit, Argentorat. 1799, in-8.; Strabon, lib. IX, tom. 1, pag. 527, édit de Falconer; Plutarque, Vita Themist. cap. 13, part. 1, p. 217, édit. Coray. Plu(2) Strabon, lib. VIII, tom. I, pag. 551; lib. 1x, p. 570; τa "Overa, tarque, Vita Cleomen. p. 20, part. V, p. 138.

P'Hexamili, qui, au sud du canal entrepris à différentes époques par Périandre, Démétrius Poliorcète, César, Caligula, Néron, et Hérodes Atticus, marquent l'endroit le plus resserré de l'isthme, le voyageur, longeant les bords du golfe Saronique, rencontre des ruines dans un lieu appelé aujourd'hui Léandra. M. Reinganum (pag. 18) croit y reconnoître l'ancien Crommyon, & Kpoμμúwv, à Kpwμpvwría; d'autres y ont cherché le port de Sidus, qui probablement se trouvoit plus à l'ouest, dans la direction de Corinthe. Suivant les poëtes dont Pausanias a recueilli les récits fabuleux, la laie Phæa, mère du sanglier de Calydon, et le brigand Sinnis, qui courboit des pins, furent élevés à Crommyon (1). Un peu plus loin, après le village moderne de Kinéta, la roche Moluride, Μολερίδος πέτρα, Μολαριάς (appelée aussi Χελώνη par Diodore de Sicile, lib. IV, chap. 59, vol. III, pag. 171, édit. Argent. 1799; in-8.), se penchant au-dessus de la mer, marque, d'après l'auteur (pag, 25), l'entrée du sentier dangereux connu aujourd'hui ́ sous le nom de Kann oxána. Ce fut du haut de ce rocher qu'Ino se précipita dans les flots pour fuir la colère d'Athamas, furieux «< depuis qu'il >> savoit que la famine d'Orchomène et la mort de Phrixas, qu'il » croyoit réelle, ne devoient point être attribuées aux dieux, mais que tous ces malheurs provenoient des machinations d'Ino, belle » mère de Phrixus (2),» Quant à la position de la Moturide, M. Reinganum la fixe, ainsi que nous venons de le dire, à-peu-près à l'extrémité occidentale des roches Scironiennes. Sans vouloir ni combattre ni défendre cette conjecture, qui semble autorisée par un passage de M. Dodwell (3), nous devons dire cependant que nous la croyons en contradiction avec le témoignage de Pausanias. Cet auteur, en décrivant la côte du golfe de Saron, suit évidemment la direction

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(1) Pausanias, liv. ri, chap. r: Ἐνταῦθα τραφῆναι φασι Φαιὰν, κατὰ τὰ ἔπη, ν· Θησέως ἐς αὐτὴν ἐσιν ἔργον. Τoutefois le texte paroit altéré dans l'édition de M. Clavier, vol. 1, p. 326, et dans celle de M. Siebelis, vol. I, p. 205: pentêtre falloit-il conserver quatre mots fournis par plusieurs manuscrits de la Bibliothèque du Roi, et lire,... Φαιὰν, καλὰ τὰ ἔπη, ὖν, ΚΑΙ ΤΟΝ ΛΕΓΟΜΕ ΝΟΝ ΠΙΤΥΟΚΑΜΠΤΗΝ· καὶ Θησέως ἐς αὐτόν έσιν ἔργον. La phrase qui suit HITYOKAMITHNnows AUTON immédiatemeut après, mesita ΓΑΡ Η ΠΙΤΥΣ ἄχρι τε ἐμοῦ ἐπεφύκει παρὰ τὸν ainaxor, semble rendre cette insertion nécessaire. (2) C'est ainsi que M. Clavier traduit le passage suivant de Pausanias, liv. 1, chap. 44, vol. 1, p. 318: ws... χρήσαι το ακρατεί των θυμῷ, τὸν συμβάντα Ορχομενίοις λιμὸν καὶ τὸν δοκοῦντα Φρίξει θάνατον αιθόμενος, ου τὸ θεῖον αἴπον ἐν γενέσθαι, βέλεῦσαι δὲ ἐπὶ τούτοις πᾶσιν Ινῶ μητρυιάν quoa. Le sens de ces phrases est clair; mais le texte grec seroit peut être mieux rédigé de cette manière... Savlon aidoneres, or To Selov αinov O'r jevédays - (3) A classical and topographical Tour through Greece, vol. II, p. 182.

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de l'est à l'ouest, et les mots, Τὴν μὲν δὴ Μολερίδα πέτραν.... τὰς δὲ ΜΕΤΑ ΤΑΥΤΗΝ [πέτρας] νομίζεσιν ἐταγεῖς, ὅτι παροικῶν σφίσιν ὁ Σκίρων κ. τ. λ. (lib. 1, ch. 44, vol. I, pag. 318), deviennent difficiles à comprendre si nous plaçons la Moluride près de l'endroit où le voyageur, allant de Mégare à Corinthe, quitte les roches Scironiennes pour descendre sur la plage unie où se trouvoient Crommyon et Sidus.

Après avoir déterminé la position d'Alycon (Auxov), du promontoire Minoa (Mivwa axpa) et des îles Méthurides, M. Reinganum consacre la seconde section de son livre (pag. 36-75) à la description de la plaine centrale. Il adopte la conjecture judicieuse de M. Pouqueville (1), qui place l'ancienne Érénée dans le voisinage de Condoura, et non auprès de l'endroit nommé aujourd'hui Palæochorio, à une heure de chemin au nord de Mégare, comme l'ont pensé divers voyageurs et plus d'un savant géographe. Les antiquités considérables et les inscriptions qui existent encore à Palæochorio, sont, suivant M. Reinganum, les restes de la ville de Rhus ( Pc, Plutarque, Vita Thesei, cap. 27, part. I, pag. 22, édit. Coray; Pausanias, liv. 1, chap. 41; vol. I, chap. 41; vol. I, pag. 288). En effet, les passages que nous venons d'indiquer, rapprochés et expliqués habilement par l'auteur, donnent à son opinion la plus grande vraisemblance, et nous ne doutons pas qu'on ne découvre un jour à Palæochorio quelque monument qui la prouvera d'une manière incontestable.

A la description topographique des environs de la ville de Mégare l'auteur a cru devoir joindre des considérations sur le sol peu fertile (tous) (2) et les productions du pays, sur l'industrie, la puissance maritime, la situation politique et la culture d'esprit de ses habitans, enfin sur leur histoire et leur origine, qui se confond dans l'obscurité des temps héroïques. Réunie d'abord à l'Attique, la Mégaride n'en fut séparée, lors de la grande invasion dorienne, que pour retomber aussitôt sous le joug de Corinthe. Elle s'en affranchit au temps des Bacchiades et paroît depuis comme république autonome; mais si quelque habileté présida à sa première organisation, que M. Reinganum croit avoir été aristocratique, bientôt après on voit naître dans ce petit état, à peine constitué, les germes d'une anarchie telle que la

(1) Voyage dans la Grèce, édit. de 1820, tom. IV, p. 134(2) Ev... λεηλογείοις, οἷον ἐπὶ Φακύκῳ τῆς Μεγαρίδος Théophraste, Histor. plant. lib. 11, cap. 9, tom. I, p. 64, edit. Schneider. M. Reinganum (p. 33) pense que ce Phalycon n'est autre chose que la ville d'Alycon, dont nous avons parlé plus haut,

critique y perd de nouveau ses fils conducteurs. Tantôt déchirée par des factions démocratiques, tantôt opprimée par des tyrans, Mégare subsista néanmoins comme état indépendant jusqu'à l'époque où la puissance romaine fit cesser la longue série de guerres intérieures qui, depuis les siècles héroïques, avoient ensanglanté la Grèce. C'est par suite de l'inimitié héréditaire qui animoit malheureusement les villes helléniques les unes contre les autres, que les Athéniens et les citoyens de Corinthe, abusant de leur prépondérance politique, plus encore que de leur supériorité intellectuelle, accabloient de mille railleries amères les habitans de la foible république qui séparoit leurs territoires. Ils leur reprochoient des défauts qui semblent s'exclure :: l'entêtement, l'astuce (Mezaeiaj nara) (1), l'ignorance (auabia), la subtilité (μezaeiouós), la grossièreté (via). Selon eux, le verbe jaei est synonyme de se vanter (2); un oracle avoit dit que les Mégaréens ne seroient pas au douzième rang parini les Grecs, qu'ils n'en méritoient aucun, et n'étoient dignes d'aucune considération (3).:

(1) Ces préjugés, et sur-tout ces locutions, se trouvent encore chez la plupart des écrivains grecs du moyen âge. Michel Psellus, dans son Histoire. inédite, raconte que, lors de la révolte des Bulgares sous Michel IV le Paphlagonien, Alusien, frère de Ladislas, fit crever les yeux et couper le nez à Dolien son compétiteur, qu'il avoit attiré dans un piége par des démonstrations d'amitié et de franchise: συλλαβὼν ἀθρόον τῆς τε ρινὸς καὶ τῶν ὀφθαλμῶν ἀφαιρεῖται, ΜΕΓΑΡΙΚΗ ZOPATTAI aμow ouregenar (fol. 347 verso du manuscrit n.o 1712 de la Bibliothèque du Roi). Le passage obscur de S. Clément d'Alexandrie, Cohortat. ad gentes, tom. 1, p. 14, ed. Potter., div airav v rois Orquopoeiors METAPIZONΤΕΣ χοίρους ἐκβάλλεσιν, a exercé la sagacité des commentateurs. Hervet traduit (p. 11, D, edit. Sylburg.): in Thesmophoriis Megarensium more porcos expellunt; Potter: quod quidem in causa est, cur in Thesmophoriis megarica lingua porcos expellunt. Ce dernier a suivi la version de François Viger, dans son édition de la Préparation évangélique (Paris, 1628, in-fol. p. 64, C), où Eusèbe a reproduit le même passage, que S. Epiphane, Adversus octoginta hæreses, lib. 111, tom. II, p. 1092, A, edit. Petav., paroît avoir eu également sous les yeux. Je préférerois l'explication donnée par M. Schneider, vol. 11, p. 49 de son Dictionnaire; il corrige εμβάλλεσιν, et explique μεγαρίζοντες par μέγαρα ποιόντες, cons truisant des chambres souterraines. Voyez Porphyre, de Antro nymphar. cap. VI, p. 7, ed. Van Goens... ἱδρύσαι το χθονίοις δὲ καὶ ἥρωσιν ἐσχάρας, υποχθονίοις δὲ βόθρος και METAPA et sur-tout le passage de Pausanias, liv. IX, ch. 9, vis mà METAPĂ καλύματα αφιάσιν ὟΣ τῶν νεογιῶν. — (2) Suidas sub voc. Μεγαριζινίες, tomn. 11, p. 516, edit. Kuster. (3) Suidas, tom. 111, p. 529: 529

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Ὑμεῖς, ὦ Μεγαρεῖς, ὅτε τρίτοι, ὅτε τέταρτοι,

Οὔτε δυωδέκαπι, ἔτ ̓ ἐν λόγῳ ἔτ ̓ ἐν ἀριθμῷ,

Callimaque fait allusion à cette réponse d'Apollon, epigr. IX, vers. 6, Anthol. græc. tom. I, p. 214 de l'édit. de M. Jacobs. Lipsia, 1794, in-8. Voyez aussi, tom. VII, p. 26r, la note du savant éditeur.

Enfin, au IV. siècle de notre ère (nous ajouterons ce trait à ceux
que l'auteur a réunis pag. 56-59), le sophiste Libanius, dans un
plaidoyer prononcé devant l'empereur Julien, eut soin de déclarer
<< qu'Aristophane, son client, étoit Grec, ce qui suffisoit pour être
un grand titre de recommandation aux yeux du prince, fût-on même
de Mégare, ou de l'île de Mélos, ou de Lemnos (1); mais qu'Aris-
tophane avoit de plus l'avantage d'être né dans l'antique et florissante
cité de Corinthe. » Libanius se croyoit obligé d'adopter aveuglément
tous les préjugés des Athéniens, dont il se flattoit de parler le
langage élégant. Qu'eût-il dit s'il avoit pu soupçonner qu'un jour le
temps inexorable entraîneroit toutes ces illustrations dans un naufrage
général, et qu'à Corinthe comme à Mégare, les descendans des
Grecs, frappés d'une misère commune, erreroient désolés au milieu
des ruines de leur ancienne splendeur !

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La troisième section (pag. 76-91) renferme des détails historiques
sur le canton de Cérata, et des recherches sur la position de plusieurs.
villes anciennes dont les noms ont été conservés par les médailles
ou par les auteurs. Telles sont Phibalis (pag. 79), Érénée ( pag. 73),
Egosthènes (pag. 86), Isus. M. Reinganum (pag. 85) n'ose fixer'
l'emplacement de ce dernier endroit; nous pensons qu'on en retrouveroit
les traces sur les bords du Céphise Eleusinien, auprès du hameau
moderne de Villia, situé environ au premier tiers d'une ligne droite
que
l'on tireroit d'Éleusis vers Livadie ou vers Capréna (2). Quant au

(2) Κἂν εἰ ΜΕΓΑΡΕΥΣ ἐτύγχανεν ὧν ἢ Μήλιος, ἢ Λήμνιος. Orat. vii pro Aris-
tophane, tom. II, p. 217, A, edit. Morell. Lutet. 1627, in-fol. — (2) Capréna
est l'ancienne Chéronée, comme le prouve une inscription recueillie par
M. Clarke, Travels in various countries (Londres, 1816, in-4.o, part. 11, sect. 111,
p. 139), et dont voici le commencement:

ΑΥΤΟΚΡΑΤΟΡΑ

MONOAAION
CEBHPONMAKPEINON

Il paroît hors de doute qu'à la seconde ligne il faut lire MONTEAAION, c'est-
à-dire, Manor] Omor. Voyez une inscription de l'empereur Macrin dans
Maffei, Mus. Veron. 101, 6: IMP. CAES. M. OPELLI SEVERI MACRINI
AUG., et une autre dans le même ouvrage, 241, 2, où les noms du souverain
sont au nominatif: IMP. CAES. M. OPELIUS [sic] SEVERUS MACRINUS;
cette dernière se trouve aussi dans Pococke, Inscript. antiq. 107, 17; Raim.
Duellius, Lucubratio epistolaris, Norimbergæ, 1733, in-4., p. 28; Mansius,
ad Annales Baronii, edit. Luc. 1738, tom. II, p. 452; Maffei, Osservazioni
letterarie, tom. 1, p. 188; Muratori, 459, 1, et dans d'autres recueils encore.
Dans l'inscription publiée par M. Clarke, il est probable que les E sont arrondis;
de là a pu venir la méprise de l'O pour E à la seconde syllabe du mot OПEAAION.

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