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dans cette guerre une lenteur que l'on ne saurait, à ce qu'il semble, lui imputer à lâcheté, ni attribuer à un affaiblissement causé par les années. Peut-être lui en coûtait-il de combattre ces Italiens, qui prétendaient obtenir de vive force ce qu'il voulait qu'on leur accordât comme faveur. Il se tenait donc sur la défensive; et quand Pompédius lui adressa ces paroles: Si tu es aussi grand général qu'on le dit, accepte le combat, il lui répondit: Si tu es aussi grand général que tu le crois, contrains-moi à combattre malgré moi; puis, sous prétexte de maladie, il résigna le commandement et revint à Rome.

Cependant le nombre des alliés augmentait avec leurs victoires. Les Ombriens et les Étrusques se rangèrent de leur parti; d'un autre côté, Papius ayant délivré Venusia, où le fils de Jugurtha, Oxinthas, était retenu prisonnier, les égards qu'il lui témoigna en le traitant en roi portèrent les Numides à déserter en foule l'armée romaine; force fut même de renvoyer leur cavalerie en Afrique. Rome arma jusqu'aux affranchis, dont elle forma douze cohortes, qu'elle envoya en garnison dans les villes maritimes; elle put ainsi mettre en campagne toutes les légions contre les Ombriens et les Étrusques: la victoire lui resta, mais elle la paya chère

ment.

Comme toutes les guerres qui ont pour but de faire triompher un principe, celle-ci était acharnée. Un général vaincu par les Romains, dans le Picénum, convoque ses amis et se tue ; quatre mille hommes, cernés sur l'Apennin, s'y laissent mourir de froid plutôt que de se rendre. Judacilius d'Asculum avait promis de lui amener des secours à un jour indiqué : bien que ses concitoyens, qui devaient le seconder en faisant une sortie, fussent contenus par l'ennemi, il se fraye un chemin à la tête de huit cohortes, et pénètre dans la ville; il y passe au fil de l'épée toute la faction romaine, et fait une défense opiniâtre ; puis, lorsqu'il voit l'impossibilité de tenir davantage, il donne un banquet sous le vestibule du temple, vide une coupe empoisonnée, s'étend sur son lit pour mourir ; et ses soldats allument sous lui le bûcher, « pour y brûler le plus vail<< lant des Asculans, et les dieux de la patrie ». Du côté des Romains, on vit un corps qui, mécontent de son général, se jeta sur lui et le massacra; puis, en expiation de ce forfait, les soldats se précipitèrent sur les ennemis, et en égorgèrent dix-huit mille. On évalue à trois cent mille le nombre des hommes tués dans cette guerre. Rome reconnut enfin que le glaive des légions ne pourrait suffire à abattre les têtes sans cesse renaissantes de l'hydre. Julius

Loi Julla,

César fit donc adopter une loi qui admettait aux droits de citoyens romains tous les Latins et Ombriens demeurés fidèles. Il en résulta, parmi les confédérés, des défections d'autant plus nombreuses, que la fortune elle-même les avait abandonnés, et que Sylla et Pompée, vainqueurs, faisaient couler des torrents de sang. Ayant en vain demandé de nouveaux secours à Mithridate, et Corfinium ne leur paraissant plus assez sûre, les alliés transportèrent leur capitale à Æsernia, dans le pays des Samnites. Déjà les Marrucins, les Vestins, les Péligniens, s'étaient soumis à Servius Sulpicius et à Pompée; Vettius, chef des Péligniens, trahi par les siens, était conduit prisonnier au consul, quand un de ses esclaves s'empare d'une épée et l'en frappe, en s'écriant: J'ai délivré mon maître ; à moi maintenant! et il se tue. Les Marses furent domptés à leur tour; Pompédius ne se soutenait plus qu'à la tête de vingt mille esclaves qu'il avait affranchis, quand lui-même fut tué en Apulie. Loi Plautia. Enfin, les droits de cité furent accordés à tous les alliés de Rome, et bien peu d'Italiens en furent exclus. Ainsi triompha l'équité, et sur ces monceaux de ruines sanglantes, on proclama l'égalité de tous les Italiens.

88.

Le sénat opposa encore à cet acte de justice tardive toutes les subtilités légales : les nouveaux citoyens avaient été entassés dans huit tribus, qui votaient les dernières; d'où il résultait que le plus souvent on ne recueillait pas leur suffrage. Marses, Ombriens, Étrusques, désireux d'exercer le droit qu'ils avaient acquis, venaient de loin, et remplissaient le Forum et le champ de Mars; puis, en voyant, ou qu'on ne les consultait pas, ou que leur vote ne comptait pour rien, ils s'indignaient, et demandaient que le droit de voter ne fût pas pour eux une fiction. Marius les caressait, soit par sympathie italienne, soit par ambition. Il fit done proposer par le tribun P. Sulpicius une loi en vertu de laquelle tous les Italiens ayant obtenu le droit de cité devaient être répartis dans les trente-cinq tribus: mesure qui établissait l'égalité entre tous les citoyens.

Sylla accourut pour s'opposer à cette loi, se disposant à distraire, au besoin, le peuple par des fêtes solennelles. Mais Sulpicius, ayant armé ses satellites, entra dans le temple de Castor, où le sénat était réuni, et dispersa l'assemblée. Le fils de Pompée tomba mort dans le tumulte; Sylla se réfugia chez Marius, son ennemi mortel; et celui-ci, s'abstenant de toute violence, se contenta de la promesse qu'on lui fit de suspendre les fêtes annoncées. Il fut dès lors facile à Sulpicius de faire passer la loi; et le crédit

de Marius s'en accrut tellement, qu'il fut nommé, comme il le désirait, au commandement de l'armée d'Asie, contre Mithridate, roi de Pont.

Rome.

Sylla, à qui ce commandement avait été conféré, s'indigne de sylla attaque cette injustice; il marche sur Rome avec l'armée qui assiégeait les Samnites dans Noles; il insulte les préteurs qu'on lui envoie pour l'apaiser, et s'avance la torche à la main, en menaçant de brûler la ville.

Le peuple, qu'il surprend sans armes, se défend à coups de tuiles et de pierres, armes plébéiennes, qui n'en sont pas moins redoutables. Mais Sylla s'empare de Rome livrée aux flammes, et fait tuer Sulpicius; c'est en vain que le jurisconsulte Scévola s'écrie: Je ne déclarerai jamais ennemi de Rome celui qui l'a sauvée des Cimbres : la tête de Marius est mise à prix.

Les comices s'assemblèrent, et Sylla y porta la parole comme s'il n'eût pas coulé une goutte de sang; il demanda qu'aucune loi ne fût présentée au peuple sans avoir été préalablement approuvée par le sénat ; que les comices ne fussent plus réunis par tribus, mais par centuries; que nul ne pût, après avoir été tribun, exercer une autre magistrature; et que toutes les lois de Sulpicius fussent abrogées. Le sénat, effrayé, se taisait; le peuple manifestait son mécontentement en élisant des magistrats opposés à Sylla; et lui feignait d'y voir avec plaisir une preuve de la liberté qu'il avait rendue aux élections. En effet, C. Octavius, ami de Sylla, se vit donner pour collègue, dans le consulat, L. Cinna, son ennemi. Cependant celui-ci, étant monté au Capitole, prit une pierre qu'il lança au loin, en s'écriant: Puissé-je être chassé de Rome comme je fais rouler cette pierre, si je montre de l'hostilité contre Sylla!

Sans perdre de temps, Sylla fit poursuivre Marius fugitif. Le vainqueur des Cimbres se trouva réduit, seul avec son fils et son gendre, à gagner, de hameau en hameau, Ortéa, où il s'embarqua. Poussé à terre à Circéi, il erra en mendiant son pain, passant la nuit dans les bois, et se dérobant dans les roseaux du Liris aux assassins qui suivaient ses traces. On le trouva enfin enfoncé dans la vase jusqu'aux épaules; on lui jeta une corde autour du cou, et on le traîna à Minturne. Cependant les Italiens, qui n'avaient pas oublié ses victoires ni l'intérêt qu'il avait pris à la cause des alliés, ne voulurent pas lui donner la mort : ils publièrent donc ce conte, inventé sans doute pour la circonstance, qu'ayant envoyé un esclave cimbre pour tuer le proscrit, celui-ci s'était

écrié : Malheureux! oseras-tu bien tuer Caïus Marius? et que l'esclave s'était enfui sans oser le frapper.

Les Minturniens le renvoyèrent donc en disant : Qu'il aille où il voudra accomplir ses destinées. Nous prions les dieux de ne pas nous punir pour chasser ainsi de notre ville Marius nu et misérable! Ils l'abandonnèrent sur la plage', où il se trouva un vaisseau qui le porta dans l'île d'Ænaria, puis en Afrique. Son fils, échappé à des périls non moins pressants, s'y était rendu de son côté, pour réclamer l'assistance du Numide Hiempsal. Le fugitif était protégé, et par la gloire de son nom, et par la pensée que son parti, abattu mais non détruit, pouvait, d'un jour à l'autre, se relever et le venger. Les magistrats romains n'osèrent l'inquiéter lorsqu'ils le trouvèrent assis sur les ruines de Carthage.

Le jeune Marius était retenu prisonnier, sous les apparences de la courtoisie, à la cour du roi de Numidie; mais une des femmes de ce prince s'étant éprise de lui, elle favorisa sa fuite, et il put rejoindre son père, avec lequel il s'embarqua pour l'Italie. Marius y avait trouvé un défenseur dans le consul Cornélius Cinna, qui, ferme et courageux jusqu'à l'imprudence, oubliant le serment prononcé par lui au Capitole, avait fait citer Sylla, par le tribun Virginius, pour qu'il eût à rendre compte de sa conduite. Ce dernier, ne trouvant plus de sûreté en Italie, fit voile pour l'Asie dans l'intention de s'attacher les légions, en leur faisant vaincre Mithridate.

Mais l'exemple était donné. En s'appuyant uniquement sur les soldats, Sylla les avait habitués à se considérer comme les hommes de tel ou tel général, non plus comme les défenseurs de la république. Une armée avait marché contre la patrie, et montré la route par où devaient passer César, Antoine et Auguste. C'était le commencement de ces guerres civiles, dans lesquelles on ne devait plus combattre pour la liberté, mais pour se donner un maître.

CHAPITRE VII.

LA BITHYNIE, L'ARMÉNIE, LE PONT. GUERre civile.

L'ordre du récit exige que nous parlions dès à présent de plusieurs États de second ordre, qui s'étaient formés dans l'Asie Antérieure. Ils relevaient d'abord de la Perse; mais l'affaiblissement de cet empire avait permis à différents gouverneurs de se rendre indépendants; et, lors de sa chute, ils maintinrent quelque temps leur autorité, Alexandre ayant porté ailleurs ses conquêtes. D'autres se révoltèrent durant les guerres de ses successeurs. C'est ainsi que se formèrent les royaumes de Bithynie, de Paphlagonie, de Pergame, de Cappadoce, d'Arménie et de Pont; sans compter les républiques d'Héraclée, de Sinope, de Byzance, et quelques autres petits États subissant, comme il arrive d'ordinaire, l'influence des plus forts.

Nous avons déjà parlé du royaume de Pergame. La Bithynie, située entre le Bosphore de Thrace, le mont Olympe et l'Euxin, avait pour capitale Nicomédie, dont Constantin fit plus tard le siége de l'empire, en attendant que Byzance pût le recevoir. Héraclée était une colonie des Béotiens (1); très-puissante sur mer, elle refusa de payer le tribut imposé par les Athéniens à toutes les villes de l'Asie Mineure, pour l'entretien de la flotte commune. Lamachus, envoyé pour la punir, ravagea son terriritoire; mais, surpris par la tempête, il fut réduit à se rendre à discrétion aux Héracléens, qui, au lieu de se venger de lui, accueillirent avec bienveillance les naufragés, et les renvoyèrent comme gage de paix. Héraclée fut gouvernée d'abord par l'aristocratie, puis par le peuple, enfin par des tyrans; elle recouvra

(1) « La peste désolait la Béotie; l'oracle, consulté, répondit qu'il fallait construire une ville sur les bords de l'Euxin, en l'honneur d'Hercule. Ces hommes grossiers ne voulurent pas obéir; mais ils en subirent cruellement la peine, car les Phocidiens étant entrés sur leur territoire, y mirent tout à feu et à sang. Ils eurent donc recours de nouveau à l'oracle, et sa réponse fut que le moyen déjà prescrit ferait cesser la maladie et la guerre. Pensant qu'il voulait indiquer la colonie, ils en envoyèrent une, qui fonda Héraclée. » PAUSANIAS, V, Scholiaste d'Apollonius. — JUSTIN, XVI.

T. IV.

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Héraclée.

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