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toute la gloire du succès. On lui rendit des honneurs plus qu'humains il fut proclamé le troisième Romulus, et comparé à Bacchus; lui-même, enorgueilli de sa fortune, ne buvait que dans la coupe dont, selon la tradition, ce dieu s'était servi après la conquête des Indes. Les prisonniers furent distribués entre les villes comme esclaves publics, ou destinés aux jeux comme gladiateurs. Quant à Marius, qui venait d'être nommé consul pour la sixième fois, sa puissance n'avait désormais bornes pour que sa volonté.

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Cornélius

Sylla.

Si l'on en croit la faction aristocratique, qu'il ne se borna pas à réprimer mais qu'il insulta, il ne faut voir dans Marius qu'un furieux que tourmentait la soif du sang. Bien que nous nous sentions peu de sympathie, on a pu s'en apercevoir, pour l'héroïsme guerrier, il nous semble reconnaître dans la conduite de Marius en faveur de la classe plébéienne, des opprimés, et des Italiens en général, un sentiment d'intérêt qu'on ne saurait attribuer uniquement à des vues politiques. D'un naturel dur, que l'éducation n'avait pas assoupli, il ne conseilla jamais la guerre, dans laquelle il excellait ; nous le trouvons même, par intervalles, aspirant après le repos malheureusement on ne pouvait, à Rome, parvenir aux premières dignités sans avoir exterminé des milliers d'étrangers: ce qui supposait un long séjour dans les camps, où l'on s'habituait à un commandement rigide, et à un despotisme inexorable. Tels étaient les défauts contractés par Marius; mais c'est à tort qu'on lui reprocherait les bassesses et la déloyauté si communes parmi ses contemporains. L'or de Jugurtha fut sur lui sans pouvoir; Sylla, son ennemi, fugitif, se réfugia dans sa demeure, et il le sauva; puis il s'écria: Le fracas des armes m'a empêché d'entendre la voix de la loi.

Ce Sylla, dont nous avons déjà fait mention et dont il nous reste beaucoup à parler, était issu de l'illustre famille Cornélia. Sa jeunesse, selon les mœurs du temps, se passa dans les excès de tout genre; puis lorsque la courtisane Nicopolis lui eut légué en

mourant toutes ses richesses, le goût des plaisirs se changea chez lui en amour de la gloire. Marius, à qui on l'avait donné pour questeur dans la guerre de Numidie, le laissa en Italie comme un efféminé ; mais lorsqu'il fut passé en Afrique avec la réserve, Sylla se montra intrépide dans les combats, exact à son devoir, et plus habile que Marius dans l'art de se concilier les esprits. Il est vrai que dès qu'il se mettait à table, il déposait son maintien sévère pour devenir gai et folâtre, ne voulant plus entendre parler d'affaires, et se livrant tout entier au plaisir. Dans la pensée de dérober ses succès à l'envie, il les attribuait à la fortune; il disait dans ses Mémoires, dédiés à Lucullus, que tout ce qu'il avait fait à l'improviste lui avait mieux réussi que les choses méditées à l'avance, et il lui recommandait de regarder comme infaillibles les ordres que les dieux lui enverraient en songe.

Il porta ombrage à Marius, surtout quand Bocchus, roi de Mauritanie, eut dédié aux dieux, dans le Capitole, un groupe où il était représenté livrant Jugurtha à Sylla. Il lui sembla que c'était attribuer à son lieutenant la gloire d'avoir terminé cette guerre. De là des inimitiés que ne devaient pas même éteindre des torrents de sang. Marius était violent, Sylla d'une cruauté calculée. Marius, élevé parmi les plébéiens et les paysans, était grossier et inculte, au point de faire élever par un artiste romain et avec des pierres brutes le temple en mémoire de la défaite des Cimbres: Sylla, versé dans les lettres grecques, couvrait ses vices sous des dehors agréables, et, à l'aide de ses déprédations, réunissait des livres, des tableaux, des vases, pour orner ses palais et la cité. Marius se laissait emporter à sa fougue; Sylla s'avançait à pas comptés vers un but déterminé, quel que fût le chemin à suivre : l'un et l'autre, pleins de courage dans les combats, étaient également avides d'honneurs. Marius obtint six consulats presque consécutifs en employant et l'intrigue et l'argent; Sylla brigua la préture en promettant des spectacles tels qu'on n'en avait jamais vu. En effet, Bocchus lui procura cent lions, qu'il fit combattre avec des hommes: comme s'il eût voulu indemniser Rome de ce que le sénat venait de défendre les sacrifices humains.

Marius, laissant la guerre pour s'occuper des affaires de l'État, proposa de distribuer aux alliés les terres occupées un instant par les Cimbres dans le nord de l'Italie, afin d'opposer une barrière à de futures invasions, mais plus encore pour s'attacher les Lucaniens, les Samnites, les Marses, les Péligniens, dont on y forme

Parallèle

entre Marius

et Sylla.

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rait des colonies. S'étant allié étroitement, dans un triumvirat despotique, au tribun Saturninus et au préteur Glaucias, il ressuscita la loi des Gracques, moins pour favoriser le peuple que pour faire de l'opposition à Cécilius Métellus, son ancien protecteur et général, dont il était devenu l'ennemi déclaré. Celui-ci, chef de la faction du sénat, ayant refusé d'adhérer à la loi agraire, fut exilé; et le parti de Marius, dominant dans les comices, usurpant les droits du peuple sous prétexte de le protéger, bouleversa la république.

Glaucias aspirait au consulat; mais Memmius lui faisait une concurrence redoutable, lorsque Saturninus, qui avait déjà recouru à ce moyen pour parvenir au tribunat, fit assassiner ce compétiteur. Ce forfait porta un coup fatal à la faction populaire; en effet, les consuls ayant été investis de l'autorité absolue, comme dans les cas extrêmes, Glaucias et Saturninus furent mis à mort, Métellus fut rappelé, et Marius se retira dans la Cappadoce et dans la Galatie, sous le prétexte d'accomplir des vœux à la bonne déesse. Revenu à Rome, il y fit bâtir une vaste demeure; mais ses formes grossières y blessaient la délicatesse romaine, et il y fut l'objet de cette insouciance publique à laquelle sont exposés en temps de paix les généraux illustrés par la guerre.

Licinius Crassus et Q. Mutius Scévola avaient fait adopter une loi aux termes de laquelle tous les alliés demeurant à Rome sans y jouir des droits de cité devaient retourner dans leur patrie. Le but de cette loi était d'enlever aux tribuns un instrument de sédition; mais ce fut la première cause de la guerre des alliés. Ceux-ci Livius Drusus, trouvèrent d'abord un protecteur dans Livius Drusus, homme habile, éloquent et probe, qui voyait les maux de la patrie et cherchait à y remédier.

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Les sénateurs se plaignaient de n'avoir plus les jugements, passés aux mains des chevaliers, et s'efforçaient de les recouvrer; la plèbe soupirait toujours après les lois de Gracchus, dont l'exécution n'arrivait jamais; les alliés italiens, après avoir contribué de leur sang et de leur argent aux conquêtes de la république, voulaient avoir part aux votes et aux emplois.

Drusus, nommé tribun, chercha à concilier ces intérêts divers. Il proposa d'abord de rendre les jugements aux sénateurs, en faisant entrer trois cents chevaliers dans le sénat. Le projet de Drusus mécontenta les uns et les autres, et excita du tumulte; le tribun fit arrêter le consul. Il s'occupa ensuite de se concilier la plèbe,

et proposa de prendre dans le trésor du temple de Saturne, qui contenait un million six cent vingt mille huit cent vingt-neuf livres d'or, la somme nécessaire pour des distributions de pain aux indigents. Il demanda de plus que tous les priviléges affectés au droit de cité fussent conférés aux alliés; mais il eut pour adversaires les sénateurs et les chevaliers; la plèbe elle-même, indignée de voir des sujets élevés au rang de citoyens, se tourna contre lui. Les alliés, qui étaient accourus en foule à Rome pour soutenir la proposition de leur protecteur, revinrent chez eux la vengeance dans le cœur, et se disposèrent à arracher par la force ce qui leur était refusé contre toute justice: Leur intention était de massacrer les consuls lors de la célébration des féries latines. Drusus, qui l'apprit, en donna avis au consul Philippe, bien qu'il fût son plus cruel ennemi; mais celui-ci le fit assassiner. Au moment d'expi· rer, Drusus s'écria: Personne ne servira la patrie avec des intentions plus pures que les miennes. Il demeura toujours, en effet, supérieur à la calomnie. Son architecte promettant de lui construire sa maison de manière que nul du voisinage ne pourrait avoir de vue sur elle : Construis-la plutôt, répondit-il, de façon que mes actions puissent être exposées aux regards de tous.

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Les chevaliers obtinrent l'abrogation de toutes les lois de Drusus, comme faites contre les auspices. Ses fauteurs présumés furent cités en jugement, et une loi déclara traître à la patrie quiconque à l'avenir proposerait d'admettre aux droits de cité les alliés italiens. Il ne restait donc à ceux-ci, pour l'obtenir, d'autre ressource que la révolte. Flattés par les démagogues, qui dési- Guerre sociale raient leur appui, irrités des refus dont ils étaient l'objet, ils avaient déjà pratiqué entre eux des intelligences, qui éclatèrent à la mort de Drusus. Les habitants d'Asculum tuent le préteur Servilius et tous les Romains qui se trouvent dans la ville; Pompédius Silo, vaillant chef des Marses, se met en marche avec dix mille hommes, pour surprendre Rome et la saccager, et n'en est détourné que par les prières de Cnéus Domitius, qu'il rencontre à moitié chemin. Mais aux Marses s'unissent bientôt les Picentins, les Marrucins, les Férentiniens, les Péligniens, les Camniens, les Hirpins, les Apuliens, les Lucaniens, et surtout les Samnites, qui, formant une confédération, ne manquaient pas de valeureux et habiles capitaines, habitués aux fatigues des camps et aux intrigues du forum.

Les divisions, si anciennes en Italie, prouvèrent bientôt aux Nom d'Italie. insurgés l'impossibilité d'en faire un seul et même État, et la né

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cessité d'une confédération. Le nom Italie réprésenta cette union. On l'écrivit sur les bannières (1); et cette dénomination qui s'étendait pour la première fois à un vaste espace de pays, fut particulièrement appliquée à Corfinium, ville du territoire des Péligniens, dont les alliés firent leur capitale; elle eut son forum, sa curie, son sénat de cinq cents membres. Elle reçut les otages qu'ils se donnèrent réciproquement, leur dépôt d'armes; et l'on dut y élire annuellement douze généraux et deux consuls.

Rome n'avait jamais été menacée, depuis son agrandissement, par des ennemis aussi voisins, ni mise en si grand péril. En effet si la victoire eût souri aux rebelles, tous les peuples sujets se seraient insurgés à leur tour, et l'auraient réduite aux limites étroites de son territoire primitif. Elle multiplia donc les levées et les commandements. Le consul Lucius Julius César fut envoyé dans le Samnium; l'autre, Publius Rutilius, chez les Marses: le premier avait pour lieutenants Cn. Pompée, père du grand Pompée, C. Q. Cépion, C. Perpenna, Valérius Messala; le second, P. Lentulus, Cornélius Sylla, T. Tidius, P. Licinius Crassus et M. Marcellus, en un mot tout ce qu'il y avait de renommé dans les armes. Chacun de ces généraux eut sous ses ordres, avec le titre de proconsul, une division distincte; ils furent en outre autorisés à opérer où et comme il leur paraîtrait convenable, en se prêtant toutefois appui réciproquement. Les Étrusques, oubliant leurs anciens efforts pour défendre l'indépendance nationale, désertèrent la cause italienne; et, de même que les Ombriens et les princes de l'Orient, ils envoyèrent des secours à Rome; le préteur Sertorius amena un corps de Gaulois. Guerre juste, s'il en fut jamais, dit un historien romain, puisque les confédérés revendiquaient le droit de. cité dans un empire dont ils étaient les défenseurs.

Le Samnite Vettius Caton et le Marse Pompédius Silo repoussèrent Pompée d'Asculum, défirent Julius César dans le Samnium, mirent en fuite Perpenna, tuèrent huit mille hommes de l'armée consulaire, et Rutilius lui-même. A cette nouvelle, Rome prit le deuil, les magistrats déposèrent les insignes de leur dignité, le nombre des sentinelles fut doublé, et l'on mit les rues en état de défense. L'armée de Rutilius fut partagée entre Cépion et Marius. Le premier se laissa abuser par Pompédius, qui, feignant de venir se rendre avec ses enfants et des présents, l'attira dans un défilé, où il trouva la défaite et la mort. Marius, de son côté, montra

(2) VITELIV. Lisez de droite à gauche, selon l'usage des anciens Italiens.

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