La découverte de l'Amérique rompit l'équilibre qui, depuis un certain temps, s'était maintenu en Europe entre l'argent et l'or, par suite de la facilité qu'il y eut à exploiter les mines du nouveau monde. Déjà, en 1620, ces deux métaux étaient quatre fois moins précieux qu'un siècle auparavant. Ils commencèrent aussi à se reverser d'Europe en Asie par le commerce avec l'Inde et avec la Chine, où l'or et l'argent surtout étaient plus rares qu'en Europe.

L'exportation différente des deux métaux se manifeste par deux phé nomènes 1o Les mines américaines versèrent en Europe quarantecinq fois plus d'argent que d'or; cependant la proportion des deux métaux ne changea que dans le rapport de 12 à 15. 2o Le produit des mines éleva, jusqu'en 1630, les denrées à un prix qui a peu varié jusqu'à ce jour. Cependant, il vint depuis lors en Europe cinq fois plus d'or et d'argent qu'il n'en était venu depuis la conquête du Pérou jusqu'en 1630.

Cela provient des progrès du luxe et de l'industrie, qui augmentent les demandes, et soutiennent en conséquence la valeur des métaux précieux; puis de l'écoulement de ces métaux vers l'Asie, ce qui tend à rétablir l'équilibre entre leur valeur absolue et relative dans les deux parties du monde. Bien qu'il en soit ainsi depuis deux siècles, la quantité que le commerce en exporte est si faible, en comparaison de la surface et de la population des pays qui les reçoivent, qu'ils sont plus précieux au Japon qu'à la Chine, plus en Chine que dans l'Inde, plus dans l'Inde qu'en Europe. Mais, à la longue, l'équilibre s'établira.

Dans l'antiquité, au moins jusqu'au premier siècle, les métaux précieux suivirent un cours inverse de celui d'aujourd'hui. On les apporte actuellement d'Amérique en Europe, et ils vont d'ici en Asie. Alors l'Asie avait les mines les plus fécondes ; c'est pourquoi ils venaient de là en Grèce et en Italie, lentement d'abord, par la voie du commerce, puis à torrents par les conquêtes.

Au temps d'Hérodote, l'or valait 13 fois l'argent; au temps de Pla

ton, 12; à la mort d'Alexandre, 10. Lors du traité entre les Étoliens et les Romains, 10 encore. Cette diminution indique l'importation successive de l'or en Grèce. Elle avait des mines d'argent, mais pas d'or, sauf celles de Thasos, qui étaient très-pauvres tant qu'on n'eut pas découvert celles du mont Pangée, sous Philippe de Macédoine. Les rois de Perse, le pillage du temple de Delphes, la conquête des Macédoniens, répandirent beaucoup d'or.

Nous ne trouvons pas en Italie d'anciennes mines d'or et d'argent. Aussi, jusqu'en l'année 247 avant J. C., on ne fit usage, dans l'Italie septentrionale, que de monnaie de cuivre; et il paraît que les colonies de la partie méridionale tiraient de la Grèce l'argent dont elles faisaient leurs monnaies. Quand on commença à frapper de la monnaie d'or à Rome, ce métal était à l'argent dans une proportion de 13 à 14. Au temps de César, elle était de 12; sous les empereurs, jusqu'à Domitien, elle descendit à 11 1

Rome exigeait les tributs en argent, ce qui maintint l'or dans une haute proportion. Sous les empereurs qui succédèrent à Adrien, la monnaie n'eut point de règles. Vers le règne de Posthume, l'argent disparaît; puis il reparaît avec Dioclétien. Comme on se servait alors de monnaie en discrédit, le prix de l'or dut s'accroître énormément et sortir de l'Italie. C'est pourquoi, sous Constantin, la proportion fut d'un quinzième; sous Théodose le jeune, en 422, elle était d'un dix-huitième; mais nous la retrouvons d'un quinzième au temps de Justinien.

En France, la proportion fut d'un dixième sous la première race; elle alla ensuite en augmentant : elle fut d'un onzième sous Pepin, d'un douzième sous Charlemagne, et elle se conserva à ce taux jusqu'en 1609.

Prix du grain.

En Grèce, vers 410 avant J. C., le douzième du médimine valait une obole, ce qui fait deux drachmes le médimne. Peut-être l'année était-elle abondante, car nous trouvons d'autres fois le médimne à trois drachmes. Le médimne est au boisseau de Paris :: 7 : 2. Ainsi la valeur en aurait été d'un tiers de la valeur actuelle.

A Rome, on faisait des distributions de blé à bas prix. Ces prix sont connus, mais ils ne donnent pas le rapport réel du blé avec l'argent. La moyenne paraît avoir été de trois sesterces le boisseau. Le boisseau de froment pesait environ vingt livres; il était donc au sac : : 1 : 15 (hectolitre 0,101). Le sac aurait donc coûté à Rome 45 sesterces ou 11 deniers, c'est-à-dire, 825 grains d'argent. Donc, au temps de la république, le rapport entre l'argent et le grain était :: 2681: 1.

Dans les trois siècles qui précédèrent la découverte de l'Amérique,

T. IV.

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le sac de blé s'échangeait communément contre la neuvième partie du marc d'argent, ou 512 grains d'argent fin, c'est-à-dire, six francs. D'où il suit que les métaux d'Amérique firent baisser l'argent de 4 à 1. On peut donc établir le tableau suivant des rapports du grain avec l'argent :

les

On peut croire que l'Italie, au temps de ses plus grandes conquêtes, possédait plus de richesses qu'aucun autre pays de l'Europe n'en réunit aujourd'hui. Mais bientôt cessèrent d'y entrer de nouvelles contributions, en même temps que l'exportation des métaux augmentait; l'or et l'argent se dirigeaient vers l'Arabie, l'Inde et la Perse, à cause des besoins toujours croissants du luxe. Ensuite, empereurs payèrent tribut aux barbares, puis les barbares euxmêmes se livrèrent au pillage. Le prix du grain baissa en conséquence. Une loi de Valentinien III, en 446, établit que le sou italien aurait la valeur de quarante boisseaux de blé, ce qui donne entre l'or monnayé et le grain une proportion de 73. 911 à 1. L'or monnayé étant à l'argent en barre 18: 1, il en résulte que l'argent était au grain :: 4106 1. Ainsi, le sac de blé aurait à peine valu 538 grains d'argent, et non plus 825 comme au commencement de l'ère vulgaire.

FIN DES NOTES DU QUATRIÈME VOLUME.