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Son imprévoyante sécurité et l'indignation générale servirent admirablement les projets d'Arminius (Heermann), prince chérusque, fils de Sigmar et gendre de Ségeste, chef des Cattes, qui avait accepté l'alliance des Romains. Arminius lui-même avait combattu sous les aigles et obtenu le titre de chevalier, avec les priviléges de citoyen romain. Il réunit d'abord les chefs des tribus germaniques qui campaient entre l'Elbe et le Rhin, et fit tous les apprêts d'un soulèvement général, dont peut-être les révoltes partielles de la Dalmatie et de la Pannonie étaient les indices ou les avant-coureurs. Le Catte Ségeste, loin d'être favorable à la cause de sa nation, révéla la conspiration à Varus, qui, rempli de présomption, ne tint aucun compte de l'avis qu'il avait reçu; il y crut d'autant moins sans doute qu'Arminius avait plus d'habileté qu'on n'en pouvait attendre d'un barbare, et que les Germains au service de Rome, affectant plus de soumission que jamais, montraient un grand empressement à étouffer les insurrections de leurs propres frères.

Arminius.

9.

Varus.

Comme celles-ci se multipliaient sur des points éloignés, Varus Défaite de fut contraint de diviser ses forces; et ses faux partisans lui persuadèrent de marcher à l'ennemi pour l'écraser d'un coup. Mais dans la forêt de Teutbourg, près de la source de la Lippe, il se vit cerné au milieu de bois et de marais, en même temps que toutes les hauteurs s'offraient à lui couronnées subitement d'une foule d'ennemis. La discipline ne fit que prolonger une défaite qui sauva la nationalité germanique, et marqua, au nord, le terme des conquêtes romaines (1). Varus, désespéré, se donna la mort de sa propre main; ses principaux officiers l'imitèrent. Les légistes de sa suite furent traités avec une cruauté insultante: on leur coupa les mains, on leur arracha les yeux, on alla jusqu'à leur coudre les lèvres.

(1) Mannert place le lieu où fut livrée cette bataille sur la limite des comtés de la Lippe méridionale, de la Marche et du duché de Westphalie ; mais la tradition qui le met près des sources de la Lippe et de l'Ems, non loin de Dethmond, paraît mieux fondée. Là, au pied du Teutberg, est le Winfelt, ou champ de la victoire, traversé par le Rodenbeke; ou ruisseau de sang, et par le Knochenbach, ruisseau des os; tout auprès est le Feldrom, camp des Romains; non loin s'élève l'Herminsberg, mont d'Arminius, avec les ruines d'un château appelé Herminsbourg; et l'on trouve dans le même comté de la Lippe, sur la rive du Weser, le Warenholz, bois de Varus. Ces lieux sont célèbres aussi dans l'histoire de Charlemagne, car ce fut là qu'il enleva l’Irmensul, idole des Germains, dont le nom et la figure de guerrier ont fait penser à quelques-uns que c'était un débris du culte rendu par les Germains à leur libérateur.

10.

16.

Depuis la défaite de Crassus par les Parthes, Rome n'avait point éprouvé d'aussi terrible échec ni perdu tant d'hommes d'élite. Aussi à la nouvelle du désastre Auguste déchira ses vêtements, et, parcourant son palais, il s'écriait comme hors de sens : Varus, Varus, rends-moi mes légions! Il laissa croitre sa barbe et ses cheveux; puis, après ce premier moment de douleur, il songea à fortifier les passages de l'Italie, il arma toute la jeunesse romaine, et fit des vœux aux dieux, comme dans les dangers les plus imminents.

La perte des légions pouvait se réparer, mais l'ennemi avait appris qu'elles n'étaient pas invincibles. Tibère, qui était accouru de la Pannonie, trouva les Germains plus joyeux d'avoir reconquis leur liberté que désireux de la ravir aux autres: ayant donc traversé le pays sans beaucoup de difficulté, il y laissa le commandement des troupes à Germanicus, qui, plus tard, put s'avancer jusqu'au Weser. Arminius entretenait parmi les siens l'esprit national, mais beaucoup d'entre eux désiraient le repos, même au prix de la servitude. Ségeste, son beau-père, contrariait surtout ses desseins. Les mécontents trouvèrent en lui un appui, et il alla jusqu'à appeler Germanicus, qui défit les coalisés et s'empara de Tusnelda, femme d'Arminius. La fière Germaine ne pleura point, ne supplia point; mais, les mains jointes sur sa poitrine, elle contemplait dans un farouche silence ses flancs qui révélaient les signes de la maternité.

Arminius n'en fut que plus animé à la vengeance, et il obtint des secours d'Inguiomer, son oncle, qui avait un grand renom parmi les Germains, mais dont l'ardeur imprudente donna encore la victoire à Germanicus.

Dans une nouvelle campagne, Arminius demanda à s'entretenir avec son frère Flavius, qui, sourd à l'appel de la patrie, était resté fidèle aux Romains. Ce fut en vain qu'il mit en usage les expressions les plus vives pour exciter en lui une honte généreuse et lui faire mépriser des honneurs dus à l'étranger; il n'en put rien obtenir; et si le Weser n'eût coulé entre eux, ils en seraient venus à un combat singulier. Inguiomer trouva de son côté qu'il était indigne de lui de rester sous les ordres de son neveu, et préféra seconder Maroboduus. Ce farouche Marcoman, élevé aussi à Rome, prenait tour à tour parti pour elle ou pour ses compatriotes, selon qu'il y trouvait son intérêt. Son projet était de fonder un grand royaume, qui exista en effet : ce fut celui des Marco

mans.

Rome attisait autant qu'il lui était possible ces haines fraternelles, et sa joie dut être grande quand elle vit ses ennemis en venir entre eux à des combats dans lesquels Arminius l'emporta pourtant; mais cet ardent ami de son pays, s'il faut ajouter foi à des récits tracés par ses adversaires, ne sut pas demeurer pur de toute ambition; il aspira à régner sur une nation libre, et le châtiment ne se fit pas attendre: il fut tué à l'âge de trente-sept ans (1).

Sa mort facilita une nouvelle expédition de Germanicus, qui remporta une victoire signalée à Idistavisus ( Minden); mais, à son retour, une violente tempête lui fit perdre une partie de sa flotte et de son armée; puis la jalousie de Tibère, devenu empereur, vint l'arrêter au milieu de ses triomphes et l'obliger à laisser les Germains en repos. Bien que cette expédition n'ait pas été couronnée de succès, on l'accuserait à tort de témérité; car elle retarda peut-être l'invasion qui devait abattre l'empire dont Auguste venait d'asseoir les fondements.

(1) On peut voir dans F. Schlegel (Tableau de l'histoire moderne ) avec quel enthousiasme il parle d'Arminius, ce type le plus élevé et le plus noble de l'antique Germanie.

«< A peine Arminius fut-il mort, que ses exploits, féconds en résultats immenses, furent couronnés des plus beaux fruits. La mort éteignit l'envie, et ce fut avec raison que les peuples allemands célébrèrent dans leurs poésies et dans leurs chants la gloire du héros; ce fut avec raison que, parmi les modernes, tous les historiens et les poëtes nationaux remontèrent dans leurs écrits à Arminius. Considéré comme conservateur, fondateur véritable, second père du peuple allemand et de sa liberté, il constitue, en certaine façon, le principe et la base de toute l'histoire moderne des États libres et civilisés de l'Europe. Sans ses travaux, en effet, et sa persévérance, rien de tout cela ne serait arrivé. On peut facilement affirmer que la vie héroïque d'Arminius, si courte et si agitée, remplie de combats et de fatigues, produisit dans l'histoire du monde de plus grands fruits, des effets plus certains, plus profonds et plus durables que les conquêtes d'Alexandre et les victoires sanglantes de César.

« Le premier des poëtes de la Germanie a célébré magnifiquement, dans une espèce de composition dramatique, la mémoire de ce héros. La poésie en est digne d'admiration, non-seulement pour le sentiment patriotique, la sublimité et la dignité qui ornent tous les ouvrages de Klopstock, mais encore par plusieurs passages d'une telle beauté, qu'ils émeuvent fortement le cœur. Il est toutefois étrange que cette apologie du premier des héros allemands soit écrite dans le style artificiel, travaillé et sentencieux d'un Sénèque, ou, en général, d'un Romain au lieu de l'être avec ce sentiment naïf et cet amour sans art qui pourraient nous reporter à Arminius et à la simplicité des temps antiques. »

Famille

CHAPITRE XXIII.

FIN D'AUGUSTE.

Les guerres lointaines troublaient à peine l'immense majesté de la paix romaine (1), due à Auguste, qui, pour la troisième fois depuis la fondation de Rome, ferma le temple de Janus (2).

Une telle tranquillité, qui n'était en résultat qu'une soumission sans bornes à ses volontés, parut un grand soulagement après de si furieuses tempêtes. Alors du moins celui qui possédait quelque chose jouissait en sûreté de ses biens, les pauvres avaient du pain et des spectacles, les arts de la paix étaient encouragés. Les républicains, échappés aux batailles et aux proscriptions, comprenaient enfin que le rétablissement de l'ancien ordre de choses plongerait de nouveau le pays dans de sanglantes convulsions. Les gens sages ne se dissimulaient pas que, si le gouvernement d'Auguste n'était pas parfait, il était le meilleur que l'on pût adopter pour un peuple corrompu. L'empereur se vit donc proclamé, d'une voix unanime, père, dieu bienfaisant et réparateur; il parut grand à ses contemporains et à la postérité, quand il n'était qu'heureux.

L'unique infidélité de la fortune envers ce rusé favori fut de d'Auguste. lui refuser des héritiers de son sang, quand il en aurait vivement désiré, ne fût-ce que pour empêcher les trames contre sa vie. Il avait d'abord épousé Scribonia, pour se concilier la famille de Pompée; mais aussitôt qu'il cessa de voir son intérêt dans ce mariage, il la répudia pour Livie, déjà mère de Tibère et enceinte de Drusus, qu'il enleva à son mari Claudius Tibérius Néron. Auguste avait eu de Scribonia Julie, mariée par lui à Marcellus son neveu, dont il comptait faire son successeur. Mais quand tout semblait sourire à ses espérances, Marcellus mourut à l'âge

(1) PLINE.

(2) Ce temple fut fermé sous Numa et après la première guerre punique; puis trois fois sous Auguste: 1o après la défaite d'Antoine et de Cléopâtre; 2° lorsqu'il fut revenu vainqueur des Cantabres; 3° vers l'époque de la naissance de J. C., que les Pères s'accordent à placer dans une période de paix. Voyez, sur le temple de Janus, tome II, page 5.

de dix-neuf ans (1), et Julie fut unie à Agrippa, ce général célèbre, qui dut répudier Marcella, fille de la vertueuse Octavie. Auguste suivit en cela le conseil de Mécène, qui lui représenta qu'au degré de puissance où était arrivé Agrippa, il fallait ou s'en débarrasser, ou se l'attacher par un lien indissoluble. Auguste préféra le second parti, et, non content de lui donner sa fille, il le fit gouverneur de Rome. Julie eut de lui deux fils, Caïus César et Lucius, adoptés par Auguste, qui, après la mort d'Agrippa, imposa pour époux à sa veuve Tibère, le fils de Livie; mais Julie ne put l'aimer, et déshonora sa couche.

Auguste s'était complu à faire lui-même l'éducation de cette fille unique, à laquelle il inspirait des principes de morale et l'amour des lettres, l'habituant aux travaux domestiques, à filer elle-même la laine dont on faisait ses vêtements. Il était heureux quand les gens de lettres faisaient l'éloge de son élève chérie, et qu'ils écrivaient : 0 Chasteté, déesse tutélaire du palais, tu veilles sans cesse sur les pénates d'Auguste et près de la couche de Julie (2)! Mais il fut un moment où ces flatteries n'empêchèrent pas des bruits scandaleux, même pour une ville si corrompue, de parvenir aux oreilles d'Auguste. Se souvenant moins alors de son titre de père que de celui de tuteur officiel des mœurs, il résolut de faire mourir Julie; puis, revenant à des sentiments plus doux, il lui assigna un lieu d'exil, où il lui interdit l'usage du vin et de tous mets délicats. Il condamna, en outre, à la mort ou à l'exil, plusieurs des complices de ses débauches. Il ne lui pardonna jamais tant qu'il vécut, et défendit même par son testament qu'elle fût déposée dans le tombeau des Césars. Souvent il s'écriait: Que n'ai-je vécu sans femme, ou que ne suis-je mort sans enfant!

Il fit élever avec soin les deux jeunes fils de Julie, qu'il instruisit lui-même, cherchant à les préserver de l'orgueil, sentiment trop facile à se développer chez celui qui, grandissant au milieu du faste et des adulations d'une cour, doit se croire plus qu'un homme. Ils prenaient place à table au pied de son lit, et

(1) Tout le monde connaît les vers que Virgile a consacrés à Marcellus dans le livre VI de l'Énéide. On dit qu'Octavie sa mère, après les avoir entendu lire par le poëte, lui fit donner beaucoup d'or pour chacun d'eux. Mais ce fait, rapporté seulement par Donat et par Servius, est contredit par Sénèque et par le rapprochement des dates. Voy. MONGEZ, Acad. des inscriptions, etc., tom. VII, 1824.

(2) Paroles de Valère-Maxime, VII, 1.

Julie.

17-21.

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