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52.

Soulèvement des Gaules.

contre sa patrie. Mais, pour suffire à ces énormes dépenses, il était obligé d'augmenter les tributs; il dépouillait les lieux sacrés; il renversait les magistrats nationaux, pour enrichir des gens qui étaient dans la dépendance de Rome et de lui-même. Il accrut ainsi le mécontentement général; et lorsqu'il vint à éclater, la conservation des Gaules ne coûta pas moins que leur conquête.

La faction druidique, se voyant menacée chez les Carnutes, poussa le premier cri d'insurrection; il était répété le soir même de hameau en hameau, dans un espace de cent soixante milles. A Génabum (Orléans), les négociants étrangers sont massacrés, et Vercingétorix prend le commandement des insurgés. Ce jeune homme, d'une ancienne famille arverne (1), était frère de Cétill, Vercingétorix. qui avait été tué cherchant à usurper la tyrannie. Vercingétorix, animé de sentiments généreux et patriotiques, ennemi déclaré des envahisseurs, ne s'était point laissé séduire par les avances de César. Il ourdit une conspiration, parvient à révolter le pays, appelle aux armes jusqu'aux serfs des campagnes, voue les lâches au feu, et se trouve bientôt prêt à attaquer la province Narbonnaise et les quartiers d'hiver des Romains.

52.

A cette nouvelle, César accourt, malgré l'hiver, avec sa prodigieuse rapidité; il raffermit la fidélité chancelante des Narbonnais, et, franchissant les Cévennes à travers les neiges, il tombe sur les Arvernes. Vercingétorix détermine les Gaulois à brûler toutes les habitations isolées et les villes non susceptibles de défense, pour qu'elles ne puissent ni abriter l'ennemi, ni servir de refuge aux lâches. En un jour, plus de vingt mille bourgades des Bituriges furent livrées aux flammes; mêmes mesures chez les Carnutes. Cet exemple ne manqua pas d'imitateurs : la population se dirigeait nue et souffrante vers les frontières, consolée pourtant par la pensée du salut de la patrie, qui ne tombe pas avec les murailles.

Il faut lire dans les Commentaires mêmes de César les prodigieux efforts qu'il dut faire tantôt contre tous ces insurgés réunis sur un même point, tantôt contre ceux qui s'embusquaient par bandes détachées dans les bois ou au débouché des vallées. Mais, bien que l'intrépide Vercingétorix ne se ralentit jamais, bien que les siens eussent juré de ne rentrer dans leurs demeures qu'après

(1) La Saussaye a donné, dans la Revue numismatique de 1838, la description d'une pièce de monnaie attribuée à Vercingétorix, du poids de cent trente-cinq grains. Elle offre le symbole, qui paraît propre à l'Auvergne, ou peut-être spécialement à Gergovia, de même que Solimariaca avait cet autre,°•°.

avoir traversé deux fois les rangs ennemis, César, grâce à la discipline, à une rare habileté militaire, employant tour à tour la force et la douceur, et semant adroitement la discorde parmi les Gaulois eux-mêmes, parvint à se maintenir dans le pays. Il y avait levé une légion entière, dont les soldats portaient une alouette sur leur casque; elle le servit avec une valeur sans égale, dans les Gaules d'abord, puis en Italie.

ricum.

Le fort de la guerre s'était concentré sous Avaricum; César Prise d'Aval'assiégea, la prit après une résistance obstinée, et trente-neuf mille deux cents personnes désarmées y furent passées au fil de l'épée par les vainqueurs. Le proconsul raconte avec un effrayant sang-froid un pareil massacre, sans ajouter un mot de compassion ou d'excuse, sans que rien indique qu'il ait essayé de l'arrêter (1).

Huit cents hommes seulement purent échapper à cette boucherie, et se réfugièrent près de Vercingétorix, occupé à susciter de nouveaux ennemis à Rome. César, malgré sa supériorité sur les Gaulois dans l'art de l'attaque des places, fut forcé de lever le siége de Gergovia, la mieux fortifiée des villes insurgées. Les Éduens alors, cédant à une honte généreuse, se déclarèrent pour les insurgés, et, déployant le courage de nouveaux convertis, s'unirent à Vercingétorix, qui fut proclamé généralissime. Il concentra ses forces sous les murs d'Alésia, ville que l'on disait bâtie par l'Hercule Tyrien; mais la famine l'y réduisit bientôt aux dernières extrémités. Critognat proposa de manger les personnes inutiles, comme avaient fait leurs pères lors de la guerre contre les Cimbres; on aima mieux les renvoyer. Ces malheureux s'en allèrent donc en pleurant vers le camp de César; mais, au lieu d'y obtenir la pitié due à des gens désarmés, ils en furent repoussés à coups de flèches; ceux qui survécurent à ce barbare accueil périrent de faim et de misère.

Au plus fort du péril, Vercingétorix avait renvoyé ses cavaliers, afin qu'ils se répandissent dans les campagnes, en allumant partout la guerre. Aussitôt, de la Garonne au Rhin, des Alpes à

(1) De Bello gallico, VII. —Parsque ibi, cum angusto exitu portarum se ipsi premerent, a militibus, pars jam egressa portis, ab equitibus est interfecta: nec fuit quispiam qui prædæ studeret : sic et genabensi cæde et labore operis incitati, non ætate confectis, non mulieribus, noninfantibus pepercerunt. Denique ex omni eo numero, qui fuit circiter quadraginta millium, vix octingenti qui, primo clamore audito, se ex oppido ejecerant, incolumes ad Vercingetorigem pervenerunt.

l'Océan, retentit le cri: Aux armes! et deux cent quarante mille fantassins et huit mille chevaux s'avancent vers Alésia. On ne saurait dire tout ce que les confédérés déployèrent de courage; mais ils étaient tout à fait étrangers à l'art des siéges comme à celui d'asseoir un camp, et les Romains, sous ce rapport, étaient de grands maîtres. Ils méprisaient, au contraire, la tactique, persuadés que l'unique science à la guerre était la valeur. De plus, leur caractère léger et téméraire les rendait incapables de soutenir avec persévérance des efforts commencés avec une impétuosité extraordinaire. La discipline l'emporta; et cette armée, dans laquelle était tout l'espoir de ceux d'Alésia, ayant été dispersée, ils demandèrent à traiter. Mais César exigea qu'ils livrassent leur chef et leurs armes, et se rendissent à discrétion; alors Vercingétorix monte à cheval, se fait ouvrir la porte, et, s'élançant au galop, arrive devant le tribunal du proconsul. Il en fait le tour, puis jette aux pieds du Romain son épée, son casque et son javelot, sans prononcer une parole. Les légionnaires contemplent avec effroi sa stature gigantesque; mais César lui reproche d'avoir mal répondu à ses faveurs. Il appelait faveurs les avances qu'il lui avait faites pour l'amener à trahir sa patrie, et ingratitude ses généreux efforts pour la défendre jusqu'à Prise de ver- la dernière extrémité. Vercingétorix, chargé de fers par son ordre, fut envoyé à Rome. Les défenseurs d'Alésia se virent réduits à l'esclavage, et chaque soldat romain en eut un pour sa part.

cingétorix.

51.

Les Éduens se soumirent, ainsi que les Arvernes; mais l'Éduen
Sur, l'Atrébate Comm, Ambiorix, Lucter, ami de Vercingétorix,
Gutruat, chef des Carnutes, Dumnac, des Andes, Corrée, des
Bellovaques, Drappète le Sénone, ne désespérèrent pas encore
de la cause nationale; instruits par l'expérience, ils reconnurent
que
la guerre serait plus sûre en combattant par bandes sur des
points différents. Ils établirent donc trois centres d'action : au
nord, chez les Bellovaques ; à l'occident, chez les Andes; au midi,
chez les Cadurques. Les Tréviriens devaient pendant ce temps in-
quiéter Labiénus, lieutenant de César.

Le proconsul, avec cette promptitude qui devance toute pré-
caution, tombe sur les Bituriges, et les défait. Un grand nombre
d'entre eux abandonnèrent alors leur pays, pour aller chercher
au loin des contrées où du moins ils ne vissent pas les Romains.
Malheur à ceux qui tombaient aux mains des vainqueurs! Les
chefs étaient battus de verges, puis décapités. D'autres fois, on
coupait les mains à tous les prisonniers, par l'ordre de ce même
César dont on vantait d'une voix unanime l'humanité naturelle

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et la générosité (1), lui qui avait coutume de dire que la pensée d'une seule cruauté à se reprocher serait pour sa vieillesse une compagne trop pénible.

Enfin, dans l'espace de dix années, l'héroïque résistance de la Gaule fut domptée par la prodigieuse activité de cet homme. Dixhuit cents places prises, trois cents peuples subjugués, trois millions de vaincus, dont un million de morts et autant de captifs (2), tels furent les trophées de César. S'efforçant alors de fermer les plaies du pays, il parcourut les villes, leur montra de la douceur, et leur laissa des lois appropriées à leurs besoins. Point de confiscations, point de proscriptions, point de colonies militaires pour aggraver le sort des vaincus. Un impôt de quarante millions de sesterces (8,000,000 fr.) fut dissimulé sous le nom de solde militaire, et la nouvelle province de la Gaule chevelue (comata) obtint des priviléges supérieurs à ceux de la Gaule togata.

Le proconsul évita tout ce qui aurait pu froisser des hommes d'un caractère irritable, encore aigris par de récentes blessures. Ses soldats, retrouvant dans un temple son épée qu'il avait perdue en combattant dans la Séquanie, Laissez-la, dit-il en souriant, elle est sacrée. Il conquit ainsi le dévouement des Gaulois. La légion de vétérans transalpins qui portaient sur leurs casques l'alouette, symbole de vigilance, fut assimilée aux légions romaines pour l'équipement, la solde et les prérogatives. César enrôla, comme auxiliaires, des Gaulois qu'il employa dans les différentes armes où ils excellaient; il tira de la grosse infanterie de la Belgique, de l'infanterie légère de l'Aquitaine et de l'Arvernie; il eut des archers rutènes; sans parler ici de la cavalerie. C'étaient peut-être des forces qu'il enlevait à ses rivaux et à sa patrie pour s'en faire des gages de sûreté, en même temps que des instruments pour des expéditions nouvelles. Il est certain que, soit par suite de cette précaution, soit aussi à cause de quelques irruptions des Germains, l'idée ou du moins la volonté ne vint pas aux Gaulois de profiter de la guerre civile pour recouvrer leur indépendance.

(1) Hirtius, 44. Quum suam lenitatem cognitam omnibus sciret, neque vereretur ne quid crudelitate naturæ videretur asperius fecisse.

(2) PLUTARQUE, Vie de César, 13. Πόλεις μὲν ὑπὲρ ὀκτακόσιας κατὰ κράτος εἷλεν, ἔθνη δ' ἐχειρώσατο τριακόσια· μυριάσι δέ παραταζάμενος κατὰ μέρος τρια κοσίαις, ἑκατὸν μὲν ἐν χερσί διέφθειρεν, ἄλλας δὲ τοσαύτας ἔζώγρησεν.

CHAPITRE XIV.

ROME DURANT LE TRIUMVIRAT.

Durant les dix années que César avait fait la guerre dans les Gaules, Rome avait été en proie à une anarchie désolante; on pouvait la comparer alors à un coursier sans frein et qui a besoin d'un maître. La diminution des richesses chez la plupart des citoyens avait accru la puissance d'un petit nombre d'hommes opulents. Lorsque autrefois les magistratures de peu de durée, réparties entre tant de personnes, opposaient alternativement un obstacle aux tentatives des ambitieux, elles ne laissaient pas aux citoyens le temps d'être éblouis par la gloire d'un seul; à l'époque où nous sommes, les commandements prolongés, les commissions importantes accumulées sur une seule tête, habituaient à considérer une cause comme identifiée avec l'homme qui la soutenait. Ce fut par suite d'un tel abus que Pompée, qui avait gagné la faveur populaire en abrogeant les lois de Sylla, restrictives de l'autorité des tribuns, vit deux fois le chemin du trône ouvert devant lui, et deux fois manqua de la force ou de la résolution nécessaire pour s'y élancer. Il aspirait à la dictature de Sylla, non par les armes comme lui, mais par les suffrages du peuple. Il laissait s'user dans la paix les pouvoirs qu'il avait acquis dans la guerre, ne négligeant rien pour se faire louer, pour se montrer nécessaire, pour flatter les passions; se servant même des hommes les plus décriés pour troubler la tranquillité publique, dans l'espoir que les gens de bien lui offriraient le pouvoir suprême. Il parut rompre tout à fait avec le patriciat, quand, fatigué d'une intrigue que Mucia, sa femme, sœur des deux Métellus, avait avec César, il la répudia, et se remaria à l'âge de cinquante ans. Il se jeta alors dans de grandes dépenses pour gagner l'affection du peuple, créant des jardins délicieux, élevant un théâtre pour les spectacles publics, et faisant combattre dans l'arène, jusqu'à la mort, des éléphants, et une fois même cinq cents lions (1).

` (1) Cicéron, dans un moment de mauvaise humeur, veut paraître mécontent de ces jeux offerts au peuple par Pompée. « Il y a eu durant cinq jours deux chasses magnifiques, qui le nie? Mais quel amusement un homme qui s'occupe

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