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saient que d'un petit nombre de riches, lesquelles formaient la majorité, l'emportaient de beaucoup sur les autres, où se trouvaient agglomérés tous les pauvres.

Les dix-huit premières, formées de citoyens opulents, pouvaient faire la guerre à cheval, ce qui leur fit donner le nom de chevaliers, de même que les nobles de l'ancienne constitution avaient tiré leur dénomination de Quirites du mot quir, lance. Ce titre de chevalier restait donc à ceux qui n'avaient aucune autre distinction politique.

Plus une classe renfermait de centuries, plus s'élevait son contingent en impôts et en hommes pour le service militaire; mais le nombre des voix qu'elle avait dans les comices, se réglait sur cette proportion.

La première classe l'emportant à elle seule sur toutes les autres, quand les centuries votaient d'accord, il devenait inutile d'interroger les cinq dernières classes. Par une conséquence naturelle, l'influence des citoyens tenait à la classe dont ils faisaient partie ; elle était d'autant plus grande, qu'ils étaient plus riches et que leur centurie était moins nombreuse.

Le même système réduisit à rien le rôle des pauvres jusque dans les comices par tribus; les censeurs, élus pour cinq ans dans les assemblées centuriates, avaient soin d'entasser les nouveaux pauvres dans les tribus urbaines qui votaient les dernières, en classant les riches dans les tribus rurales et comme le nombre des membres ne changeait en rien le vote collectif, les tribus riches plus nombreuses, bien que formées d'un petit nombre de citoyens, conservaient facilement la prépondérance.

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Ainsi l'ordre sénatorial et celui des plébéiens constituaient le Chevaliers. peuple. Il faut y ajouter l'ordre équestre; mais ici il règne une grande obscurité. Quelques-uns font dériver cette institution de la garde à cheval créée par Romulus ; cependant on ne les voit jamais, dans les cinq premiers siècles de Rome, figurer comme ordre distinct. On en trouve qui appartenaient à l'ordre des plébéiens (1), de sorte que ce titre n'exprimait peut-être qu'une distinction accidentelle de personnes ou de familles. Pline l'Ancien, témoignage tardif sans doute, mais qui était chevalier, dit que ce furent seulement les Gracques qui placèrent cet ordre entre les plébéiens et les patriciens, en lui attribuant les judicatures; plus

(1) Livius Salinator, plébéien, et Claudius Néron, tous deux chevaliers, furent consuls en même temps.

Sénateurs.

tard Cicéron le consolida à l'occasion des troubles soulevés par Cati. lina: depuis ce temps l'ordre équestre prit rang entre les deux autres.

Il paraît donc que, dans le principe, le titre de chevalier indiquait seulement le citoyen qui pouvait combattre à cheval; cette distinction purement militaire le suivit jusque dans la cité, et finit par constituer une sorte de troisième ordre. Ce qui contribua sans doute à ce résultat, ce fut le contrôle des censeurs qui, à chaque lustre, épuraient cette classe. Pour y être admis, il fallait être né libre, posséder honorablement un cens déterminé, ou avoir bien mérité de l'État par ses actions et ses vertus. Cette institution fut nuisible aux plébéiens, parmi lesquels elle recrutait les membres les plus distingués, pour les rapprocher de l'aristocratie: mais, en réalité, on ne peut considérer les chevaliers comme un corps politique, puisque chaque membre de l'ordre équestre restait patricien ou plébéien, et que la qualité de chevalier ne conférait aucune participation spéciale au pouvoir législatif.

Il est donc hors de doute que l'ordre équestre ne reposait point sur des conditions stables, mais que l'admission ou l'exclusion de ses membres dépendait, pour ainsi dire, du caprice des censeurs. Cependant, quoique les deux autres ordres fussent stationnaires, il arrivait que tel patricien se faisait adopter par un plébéien pour arriver aux charges exclusivement réservées au peuple; de même que, par l'adoption, un plébéien pouvait s'élever au patriciat.

Les trois cents (1) membres du sénat furent élus d'abord par les rois, puis par les consuls, et enfin par les censeurs, qui dans leur choix n'avaient égard ni à l'ancienneté ni à l'éclat de la famille (2); mais les hauts fonctionnaires et les plus considérables entre les chevaliers étaient notés par les censeurs pour être élevés à cette dignité, peut-être moyennant certaines conditions de cens et d'état, qu'il est difficile de préciser. Les sénateurs formaient le conseil supérieur de la république, gardaient le trésor, examinaient les comptes de l'État, décrétaient les dépenses publiques, fixaient l'impôt affecté aux embellissements de la ville, nommaient aux magistratures provinciales, correspondaient avec les nations étrangères, conféraient le titre de roi ou d'allié du

(1) Sylla en porta le nombre à quatre cents, les triumvirs l'augmentèrent tellement, qu'on ne comptait pas moins de mille sénateurs sous Auguste, qui n'en conserva que six cents.

(2) Deligerentur ex (non ab ut a nonnullis legitur) universo populo, aditusque in illum summum ordinem omnium civium industriæ et virtuti pateret. Cic. pro Sextio.

peuple romain, et prononçaient sur les contestations entre les villes. alliées ou sujettes. Ils délibéraient sur la paix ou la guerre, sur les alliances et les protections, levaient ou congédiaient les troupes, et donnaient des ordres aux généraux. Ils jugeaient en dernier appel les crimes d'État, ceux de meurtre et d'empoisonnement, ou plutôt ils dirigeaient la procédure sur ces questions; ils exerçaient la haute inspection religieuse; et l'on ne pouvait sans leur intervention introduire quelque divinité nouvelle ni consulter les livres sibyllins. Ils interprétaient la loi dans les cas douteux, et dans les circonstances graves, ils conféraient aux consuls un pouvoir illimité. Leurs décrets (senatusconsultum ), sans être des lois, avaient force obligatoire, et ne pouvaient être abrogés que par le sénat lui-même (1); mais la faculté d'interpréter et de suspendre les lois emportait de fait celle de modifier la législation.

Les lois étaient d'abord proposées au sénat; lorsqu'elles y avaient été acceptées, on les publiait dans trois marchés successifs, afin que les gens de la campagne pussent aussi en prendre connaissance. Alors le peuple était convoqué à jour fixe au Champ de Mars; là, elles étaient lues, discutées, puis mises aux voix. Les suffrages étaient recueillis de la manière suivante : On disposait cent quatre-vingt-treize ponts, c'est-à-dire, un par centurie. Chaque votant recevait, en passant sur le pont affecté à la sienne, les deux tablettes destinées à exprimer son vote. Les votes se comptaient ensuite collectivement par centurie. S'il s'agissait d'une loi, les tablettes affirmatives portaient les deux lettres UR (uli rogas, comme tu le proposes); sur les tablettes qui exprimaient le rejet était inscrite la lettre A (antiquo, je suis pour le maintien des anciennes lois). S'il était question d'un jugement, chaque votant en recevait trois : la première avec un A (absolvo, j'absous); la seconde avec un C (condemno, je condamne); la troisième avec un N et un L (non liquet, je ne me trouve pas suffisamment éclairé).

La loi est donc ce qui est établi, après délibération, par l'accord du sénat et des plébéiens, ou par les comices centuriates (2).

Les décisions du peuple délibérant seul (plebiscita) étaient obligatoires pour tous les ordres : les plébiscites sont les lois les plus célèbres du droit romain que n'ébranla aucune révolution

(1) Potestas in populo, auctoritas in senatu. Cic.

(2) Lex est quod populus Romanus, senatorio magistratu interrogante, veluti consule, constituebat. Plebiscitum, quod populus, plebeio magistratu interrogante, constituebat. GAIUS.

T. IV.

2

Lois.

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soudaine ou violente. Demeuré ferme sur la base de l'ancienne législation, jamais il ne dérogea aux douze Tables (1), et laissa aux magistrats le soin de compléter ou d'interpréter la loi ; il y était pourvu principalement par les édits des préteurs et des édiles.

Le système politique était donc des plus compliqués, en raison de la réunion des pouvoirs judiciaire et législatif, parce que les lois émanaient des assemblées par tribus, par curies et par centuries, et qu'elles variaient encore en raison des divers modes de sanction et d'initiative.

Deux consuls étaient placés à la tête du gouvernement: rois annuels et choisis parmi les patriciens ou les plébéiens. Ils présidaient les assemblées du peuple et du sénat, recueillaient les votes, veillaient à l'exécution des décrets, introduisaient les ambassadeurs étrangers, choisissaient parmi les citoyens et les alliés ceux qui devaient porter les armes, et nommaient les tribuns des légions. Leur pouvoir était illimité en temps de guerre, ou quand le sénat leur conférait la dictature, pour détourner quelque grand péril public. Ils avaient la surintendance des cérémonies religieuses et des finances; et, quoiqu'ils ne pussent que rarement administrer en personne la justice, ils n'en étaient pas moins considérés comme les gardiens suprêmes des lois, de l'équité et de la discipline. Ils devaient tâcher de se concilier et le sénat, qui pouvait proroger leur commandement militaire, accorder ou refuser les sommes nécessaires, et le peuple, qu'ils conduisaient en campagne, qui contrôlait les dépenses et les traités conclus avec l'ennemi. Tant que Rome borna son ambition à l'Italie, le consul, quoique chef de l'armée, était soumis à la surveillance active du sénat; mais, lorsque les mers s'ouvrirent devant ses flottes, comme l'observe Polybe, les consuls furent tout à la fois préteurs, censeurs, édiles, représentant les pouvoirs du peuple et du sénat. Ils traitaient avec les vaincus, imposaient des tributs et des lois, levaient des soldats; en un mot, ils régnaient et c'est ainsi qu'ils firent l'apprentissage d'un pouvoir illimité, qui est un attrait et un péril.

Les consuls, comme jadis les rois, exerçaient aussi l'autorité judiciaire; mais, quand le peuple eut partagé également avec les patriciens le droit de parvenir à cette première charge de l'État, les nobles cherchèrent à en réduire l'influence, en faisant rendre la justice par des préteurs, toujours choisis dans leur ordre peu

(1) On disait encore du temps de Tite-Live In hoc immenso aliarum super alias acervatarum legum cumulo fons omnis publici privatique juris est.

de temps s'était écoulé que déjà un plébéien était élevé à la préture. Deux droits naissaient de la distinction entre citoyens et étrangers : le droit civil et le droit des gens. Le premier réglait les prérogatives du citoyen, et le protégeait dans ses actes; le second, qui différait de ce qu'on appelle aujourd'hui le droit des gens, embrassait les relations sociales et l'ensemble des principes juridiques sur lesquels tous les peuples civilisés sont d'accord, ainsi que les règles de l'équité naturelle (1). Pour l'application de l'un et l'autre de ces droits, on élut, au temps de la première guerre punique, un préteur pour l'extérieur et un préteur urbain. Plus tard le nombre de ces magistrats fut porté à quatre, puis à huit, à seize et audessus. Leurs fonctions se résumaient dans la formule do, dico, addico. Ils donnaient l'action, l'exception, la possession, les juges, les arbitres, les tuteurs; ils disaient les sentences sur les affaires plaidées devant eux; et, en matière de possession, ils adjugeaient, quand il y avait cession du droit, comme dans l'émancipation et autres cas semblables.

Une grave responsabilité pesait sur ces magistrats; la loi présumait trop favorablement de leur équité et de leurs lumières : en outre, ils étaient tenus, dans leur propre intérêt, de faire connaître, dès leur entrée en fonctions, le système qu'ils comptaient suivre durant leur année d'exercice, car même sur les points où la constitution leur laissait le libre arbitre, ils ne devaient jamais porter atteinte au droit civil (2). Ils faisaient donc rédiger par d'habiles jurisconsultes un édit, ou comme nous dirions aujourd'hui un programme, où ils conservaient ce qui leur paraissait bon dans les édits de leurs prédécesseurs. Il en résultait dans la législation une amélioration progressive, qui suivait les mœurs et l'opinion, et sans bouleversements radicaux. La rigueur de la loi écrite flé. chissait d'ordinaire dans l'application à l'aide de certaines fictions qui changeaient la dénomination du point légal, ou admettaient l'exception, etc. (3).

(1) Le Digeste en définit ainsi les attributions: Ex hoc jure gentium introducta bella, discretæ gentes, regna condita, dominia distincta, agris termini positi, ædificia collocata, commercium, emptiones, venditiones, locationes; conductiones, obligationes institutæ, exceptis quibusdam quæ a jure civili introductæ sunt.

(2) Jura reddebant : et ut scirent cives quod jus de quaqua re dicturus esset, seque præmunirent, edicta proponebant. POMPONIUS.

(3) On feignait, par exemple, la prescription d'une chose qui n'était pas, ou qu'un fils était une fille, ou qu'un mort agissait. On changeait le mot d'hérédité en celui de possession, dans le cas où la loi contestait la première.

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