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violable organes infatigables des intérêts des plébéiens, ils soutenaient leurs prétentions, et mettaient en accusation les magistrats qui sortaient de charges. A force d'instances, ils firent tomber les restrictions qui gênaient les alliances et le droit de propriété des plébéiens, lesquels finirent par être reconnus capables de remplir les hautes magistratures et même le consulat. Nous avons parlé ailleurs de l'origine des tribus et des curies. Les tribus dont chacune était divisée en dix curies avec un curion, furent portées jusqu'au nombre de trente-cinq (1); dont quatre urbaines, savoir: Palatina, Suburrana, Collina, Esquilina. Les autres qui étaient rurales, empruntaient leurs dénominations à des familles illustres, ou à des localités voisines de Rome : et, comme dans les premières vinrent se fondre tous ceux qui n'avaient point de patrimoine déterminé, les tribus rurales se maintinrent en honneur plus que les autres.

Les priviléges de l'aristocratie patricienne une fois détruits, le peuple fut divisé en six classes, en proportion de la fortune de chacun; c'était un moyen d'amalgamer les deux ordres et de protéger les franchises des plébéiens, en laissant néanmoins le gouvernement entre les mains des familles patriciennes.

Pour être inscrit dans la première classe, il fallait posséder cent mille as; dans la seconde soixante-cinq mille; dans la troisième, cinquante mille; dans la quatrième, vingt-cinq mille; dans la cinquième, douze mille cinq cents. Tous ceux dont l'avoir n'atteignait pas ce dernier chiffre, étaient rangés dans la sixième. Au-dessous

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Comices.

de ces classes se trouvaient les ærarii, qui ne contribuaient que par l'impôt aux charges de l'État, mais qui étaient exempts du service militaire et privés du droit de suffrage. Cette distribution de la population indique l'existence d'un Cens où étaient enregistrés les citoyens, ainsi que l'évaluation de leur fortune. Le cens avait lieu tous les cinq ans.

Voilà donc la noblesse des richesses substituée à la noblesse d'origine; et désormais on peut dire que les questions intérieures de l'Etat sont débattues entre les riches et les pauvres, entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent point; et les mêmes moyens qu'avaient employés les nobles pour exclure les plébéiens du pouvoir, les riches y recouraient alors pour en éloigner les pauvres. Comme dans les États républicains, le pouvoir suprême résidait dans l'assemblée générale de tous les citoyens. Ces assemblées générales se réunissaient d'abord par curies de Quirites; mais le peuple leur opposa les assemblées par tribus convoquées et présidées par les tribuns, où l'on ne consultait pas les auspices, privilége réservé à l'aristocratie. C'était là qu'on nommait les magistrats inférieurs de Rome, tous les fonctionnaires pour les provinces, le souverain pontife et les autres prêtres; on y conférait le droit de cité, et on y jugeait certaines transgressions qui étaient punies d'une amende. Les comices curiates, réunions immédiates par sections locales, n'étaient plus qu'une formalité conservée par respect pour les auspices. On y confirmait les testaments, et l'on y sanctionnait les décisions des tribus. Le peuple négligeait de s'y rendre, et les trente curies n'étaient plus représentées que par les licteurs, autrefois chargés de les convoquer.

Aux grands comices, ou comices centuriates, prenait part tout Romain de la ville ou de la campagne, s'il payait l'impôt et faisait le service militaire. Là on élisait les magistrats; on approuvait les lois, on statuait sur les crimes d'État et sur la conduite des généraux en temps de guerre. Le pouvoir législatif résidait de fait dans ces comices; on y élisait le pouvoir exécutif; on y contrôlait ceux qui l'exerçaient; on y acceptait les lois ou on les rejetait (1).

La première classe comprenait quatre-vingt-dix-huit centuries, la seconde vingt-deux, la troisième et la quatrième vingt et une ; la cinquième trente et une, et la dernière une seule. Comme chaque centurie donnait un vote collectif, celles qui ne se compo

(1) Comitia centuriata, ex censu et ætate; curiata, ex generibus hominum; tributa ex regionibus et locis.

saient que d'un petit nombre de riches, lesquelles formaient la majorité, l'emportaient de beaucoup sur les autres, où se trouvaient agglomérés tous les pauvres.

Les dix-huit premières, formées de citoyens opulents, pouvaient faire la guerre à cheval, ce qui leur fit donner le nom de chevaliers, de même que les nobles de l'ancienne constitution avaient tiré leur dénomination de Quirites du mot quir, lance. Ce titre de chevalier restait donc à ceux qui n'avaient aucune autre distinction politique.

Plus une classe renfermait de centuries, plus s'élevait son contingent en impôts et en hommes pour le service militaire; mais le nombre des voix qu'elle avait dans les comices, se réglait sur cette proportion.

La première classe l'emportant à elle seule sur toutes les autres, quand les centuries votaient d'accord, il devenait inutile d'interroger les cinq dernières classes. Par une conséquence naturelle, l'influence des citoyens tenait à la classe dont ils faisaient partie ; elle était d'autant plus grande, qu'ils étaient plus riches et que leur centurie était moins nombreuse.

Le même système réduisit à rien le rôle des pauvres jusque dans les comices par tribus; les censeurs, élus pour cinq ans dans les assemblées centuriates, avaient soin d'entasser les nouveaux pauvres dans les tribus urbaines qui votaient les dernières, en classant les riches dans les tribus rurales : et comme le nombre des membres ne changeait en rien le vote collectif, les tribus riches plus nombreuses, bien que formées d'un petit nombre de citoyens, conservaient facilement la prépondérance.

Ainsi l'ordre sénatorial et celui des plébéiens constituaient le Chevaliers. peuple. Il faut y ajouter l'ordre équestre; mais ici il règne une grande obscurité. Quelques-uns font dériver cette institution de la garde à cheval créée par Romulus ; cependant on ne les voit jamais, dans les cinq premiers siècles de Rome, figurer comme ordre distinct. On en trouve qui appartenaient à l'ordre des plébéiens (1), de sorte que ce titre n'exprimait peut-être qu'une distinction accidentelle de personnes ou de familles. Pline l'Ancien, témoignage tardif sans doute, mais qui était chevalier, dit que ce furent seulement les Gracques qui placèrent cet ordre entre les plébéiens et les patriciens, en lui attribuant les judicatures; plus

(1) Livius Salinator, plébéien, et Claudius Néron, tous deux chevaliers, furent consuls en même temps.

Sénateurs.

tard Cicéron le consolida à l'occasion des troubles soulevés par Cati. Jina: depuis ce temps l'ordre équestre prit rang entre les deux autres.

Il paraît donc que, dans le principe, le titre de chevalier indiquait seulement le citoyen qui pouvait combattre à cheval; cette distinction purement militaire le suivit jusque dans la cité, et finit par constituer une sorte de troisième ordre. Ce qui contribua sans doute à ce résultat, ce fut le contrôle des censeurs qui, à chaque lustre, épuraient cette classe. Pour y être admis, il fallait être né libre, posséder honorablement un cens déterminé, ou avoir bien mérité de l'État par ses actions et ses vertus. Cette institution fut nuisible aux plébéiens, parmi lesquels elle recrutait les membres les plus distingués, pour les rapprocher de l'aristocratie: mais, en réalité, on ne peut considérer les chevaliers comme un corps politique, puisque chaque membre de l'ordre équestre restait patricien ou plébéien, et que la qualité de chevalier ne conférait aucune participation spéciale au pouvoir législatif.

par

Il est donc hors de doute que l'ordre équestre ne reposait point sur des conditions stables, mais que l'admission ou l'exclusion de ses membres dépendait, pour ainsi dire, du caprice des censeurs. Cependant, quoique les deux autres ordres fussent stationnaires, il arrivait que tel patricien se faisait adopter par un plébéien pour arriver aux charges exclusivement réservées au peuple; de même que, par l'adoption, un plébéien pouvait s'élever au patriciat. Les trois cents (1) membres du sénat furent élus d'abord les rois, puis par les consuls, et enfin par les censeurs, qui dans leur choix n'avaient égard ni à l'ancienneté ni à l'éclat de la famille (2); mais les hauts fonctionnaires et les plus considé― rables entre les chevaliers étaient notés par les censeurs pour être élevés à cette dignité, peut-être moyennant certaines conditions de cens et d'état, qu'il est difficile de préciser. Les sénateurs formaient le conseil supérieur de la république, gardaient le trésor, examinaient les comptes de l'État, décrétaient les dépenses publiques, fixaient l'impôt affecté aux embellissements de la ville, nommaient aux magistratures provinciales, correspondaient avec les nations étrangères, conféraient le titre de roi ou d'allié du

(1) Sylla en porta le nombre à quatre cents, les triumvirs l'augmentèrent tellement, qu'on ne comptait pas moins de mille sénateurs sous Auguste, qui n'en conserva que six cents.

(2) Deligerentur ex (non ab ut a nonnullis legitur) universo populo, aditusque in illum summum ordinem omnium civium industrix et virtuti pateret. Cic. pro Sextio.

peuple romain, et prononçaient sur les contestations entre les villes alliées ou sujettes. Ils délibéraient sur la paix ou la guerre, sur les alliances et les protections, levaient ou congédiaient les troupes, et donnaient des ordres aux généraux. Ils jugeaient en dernier appel les crimes d'État, ceux de meurtre et d'empoisonnement, ou plutôt ils dirigeaient la procédure sur ces questions; ils exerçaient la haute inspection religieuse; et l'on ne pouvait sans leur intervention introduire quelque divinité nouvelle ni consulter les livres sibyllins. Ils interprétaient la loi dans les cas douteux, et dans les circonstances graves, ils conféraient aux consuls un pouvoir illimité. Leurs décrets (senatusconsultum ), sans être des lois, avaient force obligatoire, et ne pouvaient être abrogés que par le sénat lui-même (1); mais la faculté d'interpréter et de suspendre les lois emportait de fait celle de modifier la législation.

Les lois étaient d'abord proposées au sénat ; lorsqu'elles y avaient été acceptées, on les publiait dans trois marchés successifs, afin que les gens de la campagne pussent aussi en prendre connaissance. Alors le peuple était convoqué à jour fixe au Champ de Mars; là, elles étaient lues, discutées, puis mises aux voix. Les suffrages étaient recueillis de la manière suivante : On disposait cent quatre-vingt-treize ponts, c'est-à-dire, un par centurie. Chaque votant recevait, en passant sur le pont affecté à la sienne, les deux tablettes destinées à exprimer son vote. Les votes se comptaient ensuite collectivement par centurie. S'il s'agissait d'une loi, les tablettes affirmatives portaient les deux lettres UR (uli rogas, comme tu le proposes); sur les tablettes qui exprimaient le rejet était inscrite la lettre A (antiquo, je suis pour le maintien des anciennes lois). S'il était question d'un jugement, chaque votant en recevait trois : la première avec un A (absolvo, j'absous); la seconde avec un C (condemno, je condamne); la troisième avec un N et un L (non liquet, je ne me trouve pas suffisamment éclairé).

La loi est donc ce qui est établi, après délibération, par l'accord du sénat et des plébéiens, ou par les comices centuriates (2).

Les décisions du peuple délibérant seul (plebiscita) étaient obligatoires pour tous les ordres : les plébiscites sont les lois les plus célèbres du droit romain que n'ébranla aucune révolution

(1) Potestas in populo, auctoritas in senatu. Cic.

(2) Lex est quod populus Romanus, senatorio magistratu interrogante, veluti consule, constituebat. Plebiscitum, quod populus, plebeio magistratu interrogante, constituebat. GAICS.

T. IV.

Lois.

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