Mme. DESHOULIÈRES, joignant à leurs talents toute l'amabilité de son sexe, donna à l'Idylle un but moral, sans lui rien faire perdre de sa grâce. FONTENELLE au contraire abusa de la délicatesse de son esprit pour lui donner une direction fausse, en substituant l'afféterie des courtisans au langage naïf des bergers. POPE fut plus sage en Angleterre, et composa d'après Virgile ses Eglogues des quatre saisons et son hymne sublime du Messie. Enfin le modeste et vertueux GESSNER assura à la nation allemande la palme de la pastorale moderne. Peu inférieur pour le style à Théocrite et à Virgile, il les surpasse dans le choix de ses sujets; ses Idylles respirent la plus pure imnocence ornée des charmes d'une riante poésie. On ne peut les lire sans aimer la nature, et on ne peut l'aimer sans devenir meilleur. Sa Mort d'Abel a cette teinte religieuse qui rappelle l'homme à sa dignité primitive, cette candeur d'expression, cette éloquence du cœur dont FLORIAN a reproduit quelques traits dans ses nouvelles d'Estelle et de Galatée. TITYRE. SUJET. Après la bataille de Philippes, les Triumvirs distribuèrent aux soldats vétérans les terres de Crémone et de Mantoue. La métairie de Virgile, située dans le village d'Andès, fut comprise dans ce partage, et donnée au centurion Arius; mais protégé par Varus et Pollion, le poëte obtint d'Octave la restitution de ses champs, et cette Eglogue fut le prix du bienfait. Le plan lui en appartient tout entier : sous le nom de Tityre il chante son bonheur et la générosité d'Octave; sous celui de Mélibée il peint le désespoir et la fuite des Mantouans. Cette pièce fut composée l'an de Rome 713; Virgile touchoit alors à sa trentième année. MÉLIBÉE, TITYRE. M. TITYRE, tu patulæ recubans sub tegmine fagi Silvestrem tenui musam meditaris avenâ: Nos patriam fugimus: tu, Tityre, lentus in umbrâ, Ce début simple et naturel respire une douce mélancolie; on y trouve le ton du sentiment qui règne dans tout le cours de cette Eglogue. Les deux derniers vers sont du petit nombre de ceux que Virgile a empruntés ici à Théocrite. Ως τοι ἐγὼν ἐνόμενον ἀν ̓ ἄρεα τὰς καλὰς αἶγας, φωνᾶς εἰςαΐων· τὰ δ ̓ ὑπὸ δρυσὶν ἢ ὑπὸ πεύκαις ἡδὺ μελισδόμενος κατακέκλισο, θεῖε Κομάτα. Idylle VII, v. 87. T. O Melibœe, deus nobis hæc otia fecit; Sæpè tener nostris ab ovilibus imbuet agnus. Ille meas errare boves, ut cernis, et ipsum 10 Ludere quæ vellem, calamo permisit agresti. Virgile offre à Octave le même hommage que Théocrite à Apollon: Βωμὸν δ ̓ αἱμάξει κεραὸς τράγος οὗτος ὁ μαλὸς τερμίνθου τρώγων ἔσχατον ἀκρέμονα. Epigramme I. M. Non equidem invideo; miror magis: undique totis Le premier hémistiche est traduit de ce vers grec: xoű tol Ti qlovéw (Id. I, v. 62), mais la peinture qui suit n'a point de modèle. La croyance superstitieuse de Mélibée est bien conforme aux mœurs pastorales; c'est ainsi qu'un berger de Théocrite lit dans une feuille de pavot l'infidélité de son amante (Id. III, v. 28). Le cri funeste de la corneille a déjà été signalé par Hésiode: Μή τοι ἐφεζομένη κρώζη λακέρυζα κορώνη. OEuvres et Jours, v. 745. 20 T. Urbem quam dicunt Romam, Meliboe, putavi Stultus ego huic nostræ similem, quò sæpè solemus Pastores ovium teneros depellere fœtus. Sic canibus catulos similes, sic matribus hædos Tityre, frappé de la grandeur de Rome, ne répond pas à la question de son ami. Il cherche d'abord des images équivalentes pour lui peindre cette ville immense dont le souvenir l'occupe Πιείρα μεγάλα ατ ̓ ἀνέδραμε κόσμος αρούρα, 1 M. Et quæ tanta fuit Romam tibi causa videndi? Quamvis multa meis exiret victima septis, Non unquam gravis ære domum mihi dextra redibat. Galatée et Amaryllis représentent deux bergères, dont l'une abusoit de l'amour de Tityre, tandis que l'autre, plus dévouée à ses intérêts, le mit en état d'aller à Rome pour se racheter du fruit de ses épargnes. C'est a tort qu'on a cru voir dans ces deux noms une allusion à Rome et à Mantoue. Le dernier vers est emprunté de Catulle : Meisque pinguis agnus ex ovilibus Epigramme XX. * |