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avouée de tous les médecins, a été perdue de vue en thérapeutique ; et l'on n'a pas seulement soupçonné les conséquences importantes qu'on en pouvait tirer pour le traitement des maladies. De ce qu'une affection du système nerveux organique est nécessaire, indispensable même pour déterminer un appel de fluides dans une partie, pour produire tous les phénomènes de l'inflammation, ne devait-on pas conclure que tous les moyens employés dans le traitement des phlegmasies doivent, pour être utiles, agir sur ce système, et partant, ne devait-on pas chercher de quelle manière les émissions sanguines parviennent à le modifier? Loin de là, on n'a considéré que le phénomène matériel et secondaire de l'inflammation, en un mot, l'engorgement sanguin; et il semble, d'après les théories reçues aujourd'hui, qu'on pût toujours enlever facilement toute phlegmasié quelque violente qu'elle fût, si l'on parvenait à soutirer directement de la partie qui en est le siége, tout le sang dont elle est injectée; comme si les changements apportés dans les dispositions du système nerveux, et qui ont été capables de produire l'engorgement sanguin, n'étaient pas une cause de la prolongation de ce phénomène, malgré d'abondantes évacuations, jusqu'à ce qu'enfin ces changements cessent eux-mêmes.

...Croire que par les saignées on n'attaque que l'engorgement sanguin, et diriger le traitement dans cet unique but, sans tenir compte de l'action qu'elles peuvent exercer sur le système nerveux, n'est-ce pas tomber dans l'humorisme tant reproché aux anciens, et vouloir s'opposer à un résultat sans songer à la cause? Ne tombe-t-on pas dans la même faute que nos devanciers, qui, dans le dessein d'évacuer des mucosités sécrétées par la muqueuse enflammée de l'estomac, dépo

saient des stimulants dans cet organe sans s'inquiéter de la cause qui pouvait produire immédiatement une surabondance de mucus ? N'est-elle pas assimilable à cette conduite, celle que tiennent beaucoup de médecins de nos jours, qui, ne voyant dans une inflammation qu'un simple engorgement sanguin, appliquent des sangsues sur le lieu même de la phlegmasie? Encore les anciens étaient conséquents avec eux-mêmes : regardant les mucosités accumulées dans le tube digestif comme la cause des accidents qu'ils observaient, il était rationnel d'en provoquer l'expulsion, tandis que ceux qui appliquent des sangsues sur une surface enflammée, par exemple sur une partie de la peau occupée par un érysipèle, oublient que par leur théorie pathologique, ils admettent l'irritation nerveuse comme précédant, provoquant même et entretenant l'engorgement sanguin; n'ayant plus égard qu'à ce dernier phénomène, ils sont surpris de voir échouer leur moyen favori dans une maladie à laquelle ils peuvent l'opposer directement. Le défaut d'une bonne théorie sur le mode d'action des évacuations sanguines est le principe de leur étonnement comme la cause de l'opinion de ces médecins qui n'établissent aucune différence entre les divers procédés par lesquels on pratique les saignées, et qui pensent que tirer du sang, quel que soit le moyen, c'est toujours employer une seule et même médication. Quelques pas dans l'étude des phénomènes qui accompagnent les émissions sanguines seront à peine nécessaires pour nous convaincre du peu de solidité de ce jugement; et c'est par la phlebotomie que nous allons commencer cet examen.

Les idées adoptées sur la saignée phlébique nous offrent un exemple remarquable de la complaisance avec laquelle on reçoit une opinion de ses maîtres sans en

vérifier le fondement; et cependant c'est souvent une telle opinion regardée comme axiome, qui dirige les médecins dans l'exercice de leur art! C'est ainsi que la phlébotomie est considérée comme opérant, selon le lieu où elle se pratique, soit une dérivation, soit une révulsion, soit enfin un dégorgement direct de l'organe enflammé. On admet que, par cette opération, on désemplit directement le faisceau de capillaires qui donne naissance à la veine divisée; qu'une nouvelle quantité de sang est appelée vers ce faisceau pour remplacer le liquide évacué; que, par conséquent, il s'établit une espèce de courant qui attire le sang destiné aux autres parties de l'économie, vers celle qui est soumise à la lancette; et qu'ainsi a lieu la dérivation si l'organe malade est voisin de la veine ouverte, et la révulsion s'il en est éloigné. Rien ne doit plus surprendre, en médecine, lorsqu'on voit une théorie aussi évidemment fausse traverser les siècles et respectée encore de nos jours. Toute mécanique, elle est en contradiction non seulement avec les lois de l'organisme, puisque le système nerveux ganglionnaire, dont l'affection a appelé le sang dans l'organe malade, n'est compté pour rien ; mais encore avec les lois physiques, sur lesquelles on semble vouloir l'appuyer, Que l'on songe un instant à la manière dont on pratique la saignée, qu'on analyse, qu'on décompose en quelque sorte cette opération, et l'on ne tardera pas à reconnaître la vérité de ce que j'avance. Prenons pour exemple la phlébotomie du bras: une ligature comprime les veines superficielles avec assez de force pour intercepter le cours du liquide qui circule dans leur capacité; les veines profondes reçoivent aussi un certain degré de compression, ainsi que l'artère brachiale, qui, par cette raison, transmet à l'avant-bras une moindre quantité de sang que celle qui y parvenait au

paravant. Le membre s'engorge non par un afflux plus considérable du liquide, mais parce que celui-ci n'a plus un cours libre vers le cœur. Si alors on ouvre une veine au-dessous de la ligature, le sang jaillira; mais pour que le courant dont on parle eût lieu, il faudrait que la vitesse avec laquelle le fluide circule dans l'artère brachiale, pendant l'opération, augmentât non seulement en raison directe de la diminution de diamètre que lui fait subir la ligature, mais encore au-delà ; il faudrait que la quantité de sang qui sort par l'ouverture, réunie à celle qui parvient au cœur par les veines profondes, fût, dans un temps donné, plus considérable que celle qui, sans l'opération, aurait dans le même temps traversé l'avant-bras. Est-ce là ce qu'on a démontré à l'appui de la dérivation? Je demande maintenant pourquoi le faisceau de capillaires qu'on voulait désemplir, reste au contraire engorgé, lorsque, par l'ouverture d'une veine qui lui correspond, le sang s'écoule au-dehors? Pourquoi, la ligature enlevée, le membre revient-il promptement à son premier état? Pense-t-on que ce soit cette ligature qui détermine le fluide artériel à se détourner de sa route pour se porter à l'avant-bras; et n'est-il pas évident, au contraire, que l'engorgement de cette partie et l'écoulement du sang ne reconnaissent, l'ouverture une fois pratiquée, que la même cause, c'est-à-dire la compression qui met obstacle au cours du liquide vers le cœur? Ainsi, au lieu de dégorger, par la phlebotomie, le faisceau de capillaires qui communique avec la veine incisée, on y met au contraire obstacle par la compression, et le contraire de ce qu'on croit arriver a précisément lieu.

Les partisans de la dérivation nous opposeront peutêtre que celle-ci a lieu alors que la ligature enlevée permet au sang d'affluer dans les veines au-dessus de

la partie où était établie la compression. Mais, outre que la dérivation alors ne serait pas le résultat du dégorgement direct du faisceau de capillaires où commencent les radicules de la veine divisée, mais bien l'effet du vide qui a lieu dans ces mêmes veines, au-dessus de la ligature qui empêchait le sang d'y arriver, d'où vient que les avantages de la phlébotomie, loin d'attendre qu'on ait fait cesser la compression, se manifestent souvent avant même qu'on ait achevé l'opération? D'ailleurs, cette théorie n'aurait pas plus de valeur que la précédente; car cet appel du sang vers les veines du bras est un phénomène physique; il n'y a par conséquent aucune raison pour qu'il soit produit plutôt aux dépens de la partie malade que de toute autre. Et, en supposant même qu'il en fût ainsi, rien ne prouverait qu'après avoir soutiré mécaniquement, d'un organe enflammé, une partie du sang qui forme l'engorgement, ce liquide à peine enlevé ne fût pas aussitôt remplacé par une nouvelle quantité, puisque par cette évacuation on n'aurait pas fait cesser la modification nerveuse, cause immédiate de cet engorgement.

Ne nous arrêtons pas à la phlébotomie prétendue révulsive le raisonnement qui nous a servi à combattre la dérivation y est entièrement applicable; et s'il était vrai, ce qui est loin d'être prouvé, que la section de la saphène fût plus avantageuse que la saignée du bras dans les phlegmasies cérébrales, l'effet révulsif qu'on y attribue ne pourrait être dû qu'au pédiluve chaud dont on l'accompagne. N'en devons-nous pas dire autant relativement à l'utérus? la saignée du pied déterminet-elle l'avortement plus facilement que la saignée du bras? S'il en est ainsi, n'est-ce pas au pédiluve chaud qu'est dû ce résultat, ou plutôt n'est-ce point une erreur accréditée par cette opinion mal fondée, que la phlé

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