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comme nous voyons les lettres produire tous les mots, que celle d'un être dépourvu de germe. D'où vient aussi que la nature n'a pu bâtir de ces géants qui traversent les mers à pied, qui dé- | racinent de vastes montagnes, et dont la vie triomphe de mille générations, si ce n'est parce que chaque être a une part déterminée de substance, qui est la mesure de son accroissement? Il faut donc avouer que rien ne peut se faire de rien, puisque tous les corps ont besoin de semences pour être mis au jour,et jetés dans le souple berceau des airs. Enfin un lieu cultivé a plus de vertu que les terrains incultes, et les fruits s'améliorent sous des mains actives: la terre renferme donc des principes; et c'est en remuant avec la charrue les glèbes fécondes, en bouleversant la surface du sol, que nous les excitons à se produire. Car, autrement, toutes choses deviendraient meilleures d'elles-mêmes, et sans le travail des hommes.

Ajoutons que la nature brise les corps,et les réduit à leurs simples germes, au lieu de les anéantir.

En effet, si les corps n'avaient rien d'impérissable, tout ce que nous cesserions de voir cesserait d'être, et il n'y aurait besoin d'aucun effort pour entraîner la dissolution des parties et rompre l'assemblage. Mais comme tous les êtres, au contraire, sont formés d'éléments éternels, la nature ne consent à leur ruine que quand une force vient les heurter et les rompre sous le choc, ou pénètre leurs vides,et les dissout.

Ut potius multeis communia corpora rebus
Malta putes esse, ut verbeis elementa videmus,
Quam sine principiis ullam rem exsistere posse.
Denique quur homines tantos natura parare
Non potuit, pedibus quei pontum per vada possent
Transire, et magnos manibus divellere monteis',
Multaque vivendo vitalia vincere secla;
Si non, materies quia rebus reddita certa est
Gignundeis, e qua constat quid possit oriri?
Nil igitur fieri de nilo posse fatendum est;
Semine quando opus est rebus, quo quæque creatæ
Aeris in teneras possent proferrier auras.

Postremo, quoniam inculteis præstare videmus
Culta loca, et manibus meliores reddere fetus,
Esse videlicet in terris primordia rerum;
Que nos, fecundas vortentes vomere glebas,
Terraique solum subigentes, cimus ad ortus.
Quod si nulla forent, nostro sine quæque labore
Sponte sua multo fieri meliora videres.

Huc accedit, uti quidque in sua corpora rursum
Dissolvat natura, neque ad nihilum interimat res.
Xam, si quid mortale e cunctis partibus esset,
Er oculis res quæque repente erepta periret :
Nulla vi foret usus enim, quæ partibus ejus
Discidium parere, et nexus exsolvere posset.
Quod nunc, æterno quia constant semine quæque,

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D'ailleurs, si les corps que le temps et la vieil lesse font disparaître périssent tout entiers, et que leur substance soit anéantie, comment Vénus peut-elle renouveler toutes les espèces qui s'épuisent? comment la terre peut-elle les nourrir, et les accroître quand elles sont reproduites? Avec quoi les sources inépuisables alimentent-elles les mers et les fleuves au cours lointain ? et de quoi se repaît le feu des astres? Car si tout était pé rissable, tant de siècles écoulés jusqu'à nous devraient avoir tout dévoré ; mais puisque,dans l'immense durée des âges,il y a toujours eu de quoi réparer les pertes de la nature, il faut que la matière soit immortelle, et que rien ne tombe dans le néant.

Enfin, la même cause détruirait tous les corps, si des éléments indestructibles n'enchaînaient plus ou moins étroitement leurs parties, et n'en maintenaient l'assemblage. Le toucher même suffirait pour les frapper de mort, et le moindre choc romprait cet amas de substance périssable. Mais comme les éléments s'entrelacent de mille façons diverses, et que la matière ne périt pas, il en résulte que les êtres subsistent jusqu'à ce qu'ils soient brisés par une secousse plus forte que l'enchaînement de leurs parties. Les corps ne s'anéantissent donc pas, quand ils sont dissous, mais ils retournent et s'incorporent à la substance universelle.

Ces pluies même que l'air répand à grands flots dans le sein de la terre qu'il féconde, semblent perdues; mais aussitôt s'élèvent de riches

Donec vis obiit, quæ res diverberet ictu,
Aut intus penetret per inania, dissoluatque,
Nullius exitium patitur Natura videri.

Præterea, quæquomque vetustate amovet ætas,
Si penitus perimit, consumens materiem omnem

Unde animale genus generatim in lumina vitæ
Reducit Venus; et reductum dædala tellus.

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Unde alit, atque auget, generatim pabula præbens? 230
Unde mare ingenuei fontes, externaque longe
Flumina suppeditant? unde æther sidera pascit?
Omnia enim debet, mortali corpore quæ sunt,
Infinita ætas consumse ante acta, diesque.
Quod si in eo spatio atque ante acta ætate fuere,
E quibus hæc rerum consistit summa refecta,
Immortali sunt natura prædita certe :
Haud igitur possunt ad nilum quæque revorti.
Denique res omneis eadem vis causaque volgo
Conficeret, nisi materies æterna teneret
Inter se nexu minus aut magis indupedita;
Tactus enim leti satis esset causa profecto ;

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Dissimiles constant, æternaque materies est, Incolumi remanent res corpore, dum satis acris Vis obeat pro textura quojusque reperta.

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moissons, aussitôt les arbres se couvrent de verts | la cime des monts, et irrite les ondes frémissantes

feuillages, et ils grandissent et se courbent sous leurs fruits. C'est là ce qui nourrit les animaux et les hommes; c'est là ce qui fait éclore dans nos villes une jeunesse florissante, ce qui fait chanter nos bois, peuplés d'oiseaux naissants. Voilà pourquoi des troupeaux gras et fatigués du poids de leurs membres reposent dans les riants pâturages, et que des flots de lait pur s'échappent de leurs mamelles gonflées, tandis que leurs petits encore faibles, et dont ce lait enivre les jeunes têtes, bondissent en jouant sur l'herbe tendre.

Ainsi donc, tout ce qui semble détruit ne l'est pas; car la nature refait un corps avec les débris d'un autre, et la mort seule lui vient en aide pour donner la vie.

Je t'ai prouvé, Memmius, que les êtres ne peuvent sortir du néant, et qu'ils n'y peuvent retomber; mais, de peur que tu n'aies pas foi dans mes paroles, parce que les éléments de la matière sont invisibles, je te citerai des corps dont tu seras forcé de reconnaître l'existence, quoiqu'ils échappent à la vue.

D'abord,c'est le vent furieux qui bat les flots de la mer, engloutit de vastes navires, et disperse les nuages; ou qui, parcourant les campagnes en tourbillon rapide, couvre la terre d'arbres immenses, abat les forêts d'un souffle, tourmente

Haud igitur redit ad nihilum res ulla, sed omnes
Discidio redeunt in corpore materiai.

Postremo, pereunt imbres, ubi eos pater Æther
In gremium matris Terrai præcipitavit :
At nitidæ surgunt fruges, rameique virescunt
Arboribus; crescunt ipsæ, fetuque gravantur.
Hinc alitur porro nostrum genus, atque ferarum :
Hinc lætas urbeis pueris florere videmus,
Frundiferasque novis avibus canere undique sylvas :
Hinc fessæ pecudes pingues per pabula læta
Corpora deponunt; et candens lacteus humor
Uberibus manat distentis: hinc nova proles
Artubus infirmis teneras lasciva per herbas
Ludit, lacte mero menteis perculsa novellas.
Haud igitur penitus pereunt quæquomque videntur;
Quando alid ex alio reficit Natura, nec ullam
Rem gigni patitur, nisi morte adjuta aliena.

Nunc age, res quoniam docui non posse creari
De nihilo, neque item genitas ad nil revocari;
Ne qua forte tamen cœptes diffidere dieteis,
Quod nequeunt oculis rerum primordia cerni ;
Accipe præterea, quæ corpora tute necesse est
Confiteare esse in rebus, nec posse videri.
Principio, venti vis verberat incita pontum,
Ingenteisque ruit naveis, et nubila differt;
Interdum, rapido percurrens turbine, campos
Arboribus magnis sternit, monteisque supremos
Sylvifragis vexat flabris: ita perfurit acri
Cum fremitu, sævitque minaci murmure pontus.

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qui se soulèvent avec un bruit menaçant. Il est clair que les vents sont des corps invisibles, eux qui balayent à la fois la terre, les eaux, les nues, et qui les font tourbillonner dans l'espace.

C'est un fluide qui inonde et ravage la nature, ainsi qu'un fleuve dont les eaux paisibles s'emportent tout à coup et débordent, quand elles sont accrues par ces larges torrents de pluie qui tombent des montagnes, entraînant avec eux les ruines des bois, et des arbres entiers. Les ponts les plus solides ne peuvent soutenir le choc impétueux de l'onde, tant le fleuve, gonflé de ces pluies orageuses, heurte violemment les digues: il les met en pièces avec un horrible fracas; il roule dans son lit des rochers énormes, et abat tout ce qui lui fait obstacle. C'est ainsi que doivent se précipiter les vents, qui chassent devant eux et brisent sous mille chocs tout ce que leur souffle vient battre comme des flots déchaînés, et qui parfois saisissent comme en un gouffre et emportent les corps dans leurs tourbillons rapides. Je le répète donc, les vents sont des corps invisibles, puisque, dans leurs effets et dans leurs habitudes, on les trouve semblables aux grands fleuves qui sont des corps apparents.

Enfin, ne sentons-nous pas les odeurs émanées des corps, quoique nous ne les voyions pas

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Sunt igitur ventei nimirum corpora cæca,
Quæ mare, quæ terras, quæ denique nubila cœli
Verrunt, ac subito vexantia turbine raptant.
Nec ratione fluunt alia, stragemque propagant,
Ac quom mollis aquæ fertur natura repente
Flumine abundanti; quem largis imbribus auget
Montibus ex altis magnus decursus aquai,
Fragmina conjiciens sylvarum, arbustaque tota :
Nec validei possunt pontes venientis aquai
Vim subitam tolerare; ita, magno turbidus imbri,
Molibus incurrit validis cum viribus amnis;
Dat sonitu magno stragem; volvitque sub undis
Grandia saxa; ruit, qua quidquam fluctibus obstat. 290
Sic igitur debent venti quoque flamina ferri :
Quæ, veluti validum quom flumen procubuere
Quamlibet in partem, trudunt res ante, ruuntque
Impetibus crebris; interdum vortice torto
Corripiunt, rapideique rotanti turbine portant.
Quare etiam atque etiam sunt ventei corpora cæca;
Quandoquidem, factis et moribus, æmula magneis
Amnibus inveniuntur, aperto corpore quei sunt.

Tum porro varios rerum sentimus odores;

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Nec tamen ad nareis venienteis cernimus unquam; 300 Nec calidos æstus tuimur, nec frigora quimus

Usurpare oculis; nec voces cernere suemus :

Quæ tamen omnia corporea constare necesse est

Natura, quoniam sensus impellere possunt :

Tangere enim aut tangi, nisi corpus, nulla potest res. 305 Denique fluctifrago suspensa in litore vestes

arriver aux narines? L'œil ne saisit ni le froid ni le chaud; on n'a pas coutume d'apercevoir les sons et pourtant il faut bien que toutes ces choses soient des corps, car elles frappent les sens, et il n'est rien, excepté les corps, qui puisse toucher ou être touché.

Les vêtements exposés sur les bords où la mer se brise,deviennent humides, et sèchent ensuite quand ils sont étendus au soleil; mais on ne voit pas comment l'humidité les pénètre', ni comment elle s'en va, dissipée par la chaleur : l'humidité se divise donc en parties si petites, qu'elles échappent à la vue.

Bien plus, à mesure que les soleils se succèdent, le dessous de l'anneau s'amincit sous le doigt qui le porte; les gouttes de pluie qui tombent creusent la pierre; les sillons émoussent insensiblement le fer recourbé de la charrue; nous voyons aussi le pavé des chemins usé sous les pas de la foule; les statues, placées aux portes de la ville, nous montrent que leur main droite diminue sous les baisers des passants; et nous apercevons bien que tous ces corps ont éprouvé des pertes, mais la nature jalouse nous dérobe la vue des parties qui se détachent à chaque moment.

Enfin les yeux les plus perçants ne viendraient pas à bout de voir ce que le temps et la nature, qui font croître lentement les êtres, leur ajoutent peu à peu, ni ce que la vieillesse ôte à leur substance amaigrie. Les pertes continuelles des rochers qui pendent sur la mer, et que dévore

Uvescunt, eædem dispansæ in sole serescunt :
At neque, quo pacto persederit humor aquai,
Visum est, nec rursum quo pacto fugerit æstu.
In parvas igitur parteis dispergitur humor,
Quas oculei nulla possunt ratione videre.

Quin etiam, multis solis redeuntibus annis,
Annulus in digito subter tenuatur habendo :
Stillicidi casus lapidem cavat: uncus aratri
Ferreus occulte decrescit vomer in arvis :
Strataque jam volgi pedibus detrita viarum
Saxea conspicimus: tum portas propter ahena
Signa manus dextras ostendunt attenuari
Sæpe salutantum tactu, præterque meantum.
Hæc igitur minui, quom sint detrita, videmus;
Sed, quæ corpora decedant in tempore quoque,
Invida præclusit speciem natura videndi.
Postremo, quæquomque dies naturaque rebus
Paullatim tribuit, moderatim crescere cogens,
Nulla potest oculorum acies contenta tueri;
Nec porro quæquomque ævo macieque senescunt :
Nec, mare quæ impendent, vesco sale saxa peresa
Quid quoque amittant in tempore, cernere possis.
Corporibus cæcis igitur natura gerit res.

le sel rongeur, échappent aussi à ta vue. C'est donc à l'aide de corps imperceptibles que la nature opère.

Mais il ne faut pas croire que tout se tienne,et que tout soit matière dans l'espace. Il y a du vide, Memmius; et c'est une vérité qu'il te sera souvent utile de connaître, car elle t'empêchera de flotter dans le doute, d'être toujours en quête de la nature des choses, et de n'avoir pas foi dans mes paroles. Il existe donc un espace sans matière, qui échappe au toucher, et qu'on nomme le vide. Si le vide n'existait pas, le mouvement serait impossible; car, comme le propre des corps est de résister, ils se feraient continuellement obstacle, de sorte que nul ne pourrait avancer, puisque nul autre ne commencerait par lui céder la place. Cependant, sur la terre et dans l'onde, et dans les hauteurs du ciel, on voit mille corps se mouvoir de mille façons et par mille causes diverses; au lieu que, sans le vide, non-seulement ils seraient privés du mouvement qui les agite, mais ils n'auraient pas même pu être créés, parce que la matière, formant une masse compacte, eût demeuré dans un repos stérile.

D'ailleurs, parmi les corps même qui passent pour être solides, on trouve des substances poreuses. La rosée limpide des eaux pénètre les rochers et les grottes, qui laissent échapper des larmes abondantes; les aliments se distribuent dans tout le corps des animaux; les arbres croissent, et laissent échapper des fruits à certaines

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époques, parce que les sucs nourriciers y sont répandus, depuis le bout des racines, par le tronc et les branches; le son perce les murs, et se coule dans les maisons fermées; le froid atteint et glace les os : ce qui ne pourrait se faire, si tous ces corps ne trouvaient des vides qui leur donnent passage.

Enfin, pourquoi certains corps sont-ils de différents poids sous des volumes égaux ? Si un flocon de laine contient autant de matière que le plomb, il doit peser également sur la balance, puisque le propre des corps est de tout précipiter en bas. Le vide seul manque, pàr sa nature même, de pesanteur. Aussi, lorsque deux corps sont de grandeur égale, le plus léger annonce qu'il y a en lui plus de vide; le plus pesant, au contraire, accuse une substance plus compacte et plus riche,

La matière renferme donc évidemment ce que j'essaye d'expliquer à l'aide de la raison, et que je nomme le vide.

Mais, afin que rien ne puisse te détourner du vrai, je dois prévenir l'objection que des philosophes se sont imaginé de nous faire. Suivant eux, de même que les flots cèdent aux efforts des poissons et leur ouvrent une voie liquide, parce que les poissons laissent après eux des espaces libres,où se refugient les ondes obéissantes, de même les autres corps peuvent se mouvoir de concert, et changer de place, quoique

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tout soit plein. Ce raisonnement est entièrement faux : car où les poissons peuvent-ils aller, si la vague ne leur fait place? et si les poissons demeurent immobiles, où les eaux trouverontelles un refuge? Il faut donc ou ôter le mouvement aux corps, ou admettre qu'il y a du vide mêlé à la matière, et que la matière entre en mouvement à l'aide du vide.

Enfin si deux corps plats et larges, qui se touchent, se séparent tout à coup, il se fait entre ces deux corps un vide qui doit être nécessairement comblé par l'air. Mais quoique l'air enveloppe rapidement et inonde cet espace, tout ne peut se remplir à la fois; car il faut que l'air envahisse d'abord les extrémités, et ensuite le reste. Peut-être croit-on que l'air antérieurement condensé se dilate quand les corps se séparent; mais on se trompe, car il se fait alors un vide qui n'existait pas, et un vide qui existait se comble. D'ailleurs, l'air ne peut se condenser de la sorte; et quand même ce serait possible, le vide lui serait encore nécessaire, je pense, pour rapprocher ses parties et se ramasser en lui-même. Ainsi, quelques détours que tu cherches pour échapper à l'évidence, tu es obligé enfin de reconnaître que la matière renferme du vide.

A ces arguments je pourrais en joindre beaucoup d'autres,qui donneraient un nouveau poids à mes paroles; mais il suffit de quelques traces légères, pour acheminer ton esprit pénétrant à la

Ni spatium dederint latices? Concedere porro
Quo poterunt undæ, quom pisces ire nequibunt?
Aut igitur motu privandum est corpora quæque,
Aut esse admixtum dicundum est rebus inane;
Unde initum primum capiat res quæque movendi.
Postremo, duo de concurso corpora lata

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Si cita dissiliant, nempe aer omne necesse est,
Inter corpora quod fiat, possidat inane.
Is porro quamvis, circum celerantibus auris,
Confluat, haud poterit tamen uno tempore totum
Compleri spatium: nam primum quemque necesse est 390
Occupet ille locum, deinde omnia possideantur.
Quod si forte aliquis, quom corpora dissiluere,
Tum putat id fieri, quia se condenseat aer,
Errat: nam vacuum tum fit, quod non fuit ante;
Et repletur item, vacuum quod constitit ante;
Nec tali ratione potest denserier aer :
Nec, si jam posset, sine inane posset, opinor,
Ipse in se trahere, et parteis conducere in unum.
Quapropter, quamvis causando muita moreris,
Esse in rebus inane tamen fateare necesse est.
Multaque præterea tibi possum commemorando
Argumenta fidem dicteis corradere nostreis :
Verum animo satis hæc vestigia parva sagaci
Sunt, per quæ possis cognoscere cætera tute.
Namque canes ut montivaga persæpe ferai
Naribus inveniunt intectas frunde quietes,

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Denique, quur alias alieis præstare videmus
Pondere res rebus, nihilo majore figura?
Nam, si tantumdem est in lanæ glomere, quantum
Corporis in plumbo est, tantumdem pendere par est;
Corporis officium est quoniam premere omnia deorsum :
Contra autem natura manet sine pondere inanis.
Ergo, quod magnum est æque, levinsque vidétur,
Nimirum plus esse sibi declarat inanis;
At contra gravius plus in se corporis esse
Dedicat, et multo vacuum minus intus habere.

Est igitur nimirum id, quod ratione sagaci
Quærimus, admixtum rebus ; quod inane vocamus.
Illud, in his rebus ne te deducere vero
Possit, quod queidam fingunt, præcurrere cogor.
Cedere squamigereis latices nitentibus aiunt,
Et liquidas aperire vias, quia post loca pisces
Linquant, quo possint cedentes confluere undæ :
Sic alias quoque res inter se posse moveri,
Et mutare locum, quamvis sint omnia plena.
Scilicet id falsa totum ratione receptum est:
Nam quo squamigerei poterunt procedere tandem,

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connaissance du reste. Car, de même que les chiens, une fois sur la piste, découvrent avec leurs narines les retraites où les hôtes errants des montagnes dorment sous la feuillée qui les cache, de même tu pourras seul et de toi-même courir de découvertes en découvertes, forcer la nature dans ses mystérieux asiles, et en arracher la vérité.

| tière, distincte du vide', et qui offre les apparences d'une troisième nature. Car, quel que soit ce principe, pour exister, il doit avoir un volume petit ou grand; et au moindre contact, méme le plus léger, le plus imperceptible, il va augmenter le nombre des corps et se perdre dans la masse. S'il est impalpable, au contraire, si aucune de ses parties n'arrête le flux des corps qui le traversent, n'est-ce point alors cet espace sans ma

Si ta conviction hésite, si ton esprit se relâche, je puis facilement t'en faire la promesse, chertière que je nomme le vide? Memmius: des preuves abondantes, que mon esprit a puisées aux grandes sources de la sagesse, vont couler pour toi de mes lèvres harmonieuses. Je crains même que la vieillesse ne se glisse dans Dos membres à pas lents, et ne rompe les chaînes de notre vie, avant que cette richesse d'arguments sur toutes choses n'entre avec mes vers dans ton oreille. Mais il faut maintenant poursuivre ce que nous avions entamé.

La nature se compose donc par elle-même de deux principes, les corps, et le vide où ils séjournent et accomplissent leurs mouvements divers. Le sens commun atteste que les corps existent; et si cette croyance fondamentale n'exerce pas un empire aveugle, il n'y a aucun moyen de convaincre les esprits, quand on explique par la raison ce qui échappe aux sens. Quant à ce lieu ou à cet espace que nous appelons le vide, s'il n'existait pas, les corps ne trouveraient place nulle part, et ils ne pourraient errer en tous sens, comme je te l'ai démontré plus haut.

En outre, il n'est aucune substance qu'on puisse déclarer à la fois indépendante de la ma

Quom semel institerunt vestigia certa viai;
Sic alid ex alio per te tute ipse videre
Talibus in rebus poteris, cæcasque latebras
Insinuare omneis, et verum protrahere inde.

Quod si pigraris, paullumve recesseris abs re,
Hoc tibi de plano possum promittere, Memmi;
Usque adeo largos haustus e fontibu' magnis
Lingua meo suavis diti de pectore fundet,
Ut verear, ne tarda prius per membra senectus
Serpat; et in nobis vitai claustra resolvat,
Quam tibi de quavis una re versibus omnis
Argumentorum sit copia missa per aureis.
Sed nunc, ut repetam cœptum pertexere dictis.
Omnis, ut est, igitur per se natura duabus
Constitit in rebus: nam corpora sunt, et inane,
Hæc in quo sita sunt, et qua divorsa moventur.
Corpus enim per se communis dedicat esse
Sensus: quoi nisi prima fides fundata valebit,
Haud erit, occultis de rebus quo referentes
Confirmare animos quidquam ratione queamus
Tum porro locus ac spatium, quod inane vocamus,
Si nullum foret, haudquaquam sita corpora possent
Esse, neque omnino quoquam divorsa meare :
Id quod jam supra tibi paullo ostendimus ante.
Præterea nihil est, quod possis dicere ab omni

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D'ailleurs, tous les êtres qui existent par euxmêmes doivent agir, ou souffrir que les autres agissent sur eux; ou bien il faut que des êtres soient contenus et se meuvent dans leur sein. Mais il n'y a que les corps qui puissent agir ou endurer l'action des autres, et il n'y a que le vide qui puisse leur faire place. Il est donc impossible de trouver parmi les êtres une troisième nature qui frappe les sens, ou soit saisie par la raison, et qui ne tienne ni de la matière ni du vide.

Car on ne voit rien au monde qui ne soit une propriété ou un accident de ces deux principes. Une propriété est ce qui ne peut s'arracher et fuir des corps, sans que leur perte suive ce divorce comme la pesanteur de la pierre, la chaleur du feu, le cours fluide des eaux, la nature tactile des êtres, et la subtilité impalpable du vide. Au contraire, la liberté, la servitude, la richesse, la pauvreté, la guerre, la paix et toutes les choses de ce genre, se joignent aux êtres ou les quittent sans altérer leur nature, et nous avons coutume de les appeler à juste titre des accidents.

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Corpore sejunctum, secretumque esse ab inani;
Quod quasi tertia sit numero natura reperta.
Nam, quodquomque erit, esse aliquid debebit id ipsum
Augmine vel grandi, vel parvo denique, dum sit;
Quoi si tactus erit quamvis levis exiguusque,
Corporis augebit numerum, summamque sequetur ›
Sin intactile erit, nulla de parte quod ullam
Rem prohibere queat per se transire meantem;
Scilicet hocc' id erit vacuum, quod inane vocamus.
Præterea, per se quodquomque erit, aut faciet quid,
Aut aliis fungi debebit agentibus ipsum,
Aut erit, ut possunt in eo res esse, gerique :
At facere, et fungi, sine corpore nulla potest res;
Nec præbere locum porro, nisi inane vacansque.
Ergo præter inane et corpora, tertia per se
Nulla potest rerum in numero natura relinqui;
Nec quæ sub sensus cadat ullo tempore nostros,
Nec ratione animi quam quisquam possit apisci.
Nam quæquomque cluent, aut his conjuncta duabus 450
Rebus ea invenies, aut horum eventa videbis.
Conjunctum est id, quod nunquam sine perniciali
Discidio potis est sejungi, seque gregari :
Pondus uti saxi, calor ignis, liquor aquai,
Tactus corporibus cunctis, intactus inani.
Servitium contra, paupertas, divitiæque,

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