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giques, il n'en seroit pas moins le modèle & le prince des Poëtes. D'autres ont écrit, & mieux que je ne ferois, sur l'art de traduire, & sur la difficulté des traductions en vers, sur-tout de Poëmes didactiques. L'abbé Desfontaines prétendoit qu'en quelque langue que ce soit, des vers ne pouvoient pas être exactement traduits en vers. C'est une opinion susceptible de bonnes raisons pour & contre.

Ce Discours, après avoir rendu hommage à l'agriculture en général, renfermera des observations sur les principes d'agriculture adoptés par Virgile, des réflexions sur quelques détails de l'économie champêtre, & des vues de citoyen sur le sort & sur l'emploi des cultivateurs.

Qu'on envisage l'agriculture en homme, en philosophe, en politique, en chrétien on avouera que de toutes les occupations humaines, c'est la plus nécessaire, la plus naturelle, la plus contraire au vice & à la corruption.

L'homme ne peut conserver son existence que par la culture de la terre. Il l'a senti dès le commencement de sa création; il le

sent encore tous les jours. Ses besoins l'en avertissent; je dis ceux de première nécessité; les autres naissent du luxe & du superflu.

Le Philosophe retrouve dans l'agriculture la vie des premiers hommes, la simplicité des mœurs, l'égalité des conditions. La charrue est plus ancienne que le sceptre. Les laboureurs n'avoient pas besoin de Rois; les Rois ne pouvoient se passer de laboureurs. L'agriculture peut servir de base aux spéculations les plus sages de la philosophie.

Tout politique sensé plaint les pays où l'agriculture est négligée. Si l'argent est le nerf de la guerre, l'agriculture est plus véritablement encore le nerf des Etats; elle entretient & augmente la population. C'est la tige immense d'un arbre d'où sortent toutes les branches de l'industrie humaine. Il n'est point d'art ni d'invention qui n'y tienne par des rapports plus ou moins éloignés. (1) En Perse, dit Bossuet, un des premiers soins du Prince étoit de faire fleurir l'agriculture. Dans cette vaste & puissante Monarchie, le Satrape,

(1) Hist. univ. tom. II, pag. 287, édit. in-12.

dont le gouvernement étoit le mieux cultivé, avoit la plus grande part aux graces. (1) Cyrus, qui combattoit en philosophe & en politique, faisoit agréer par les deux partis, que les laboureurs seroient épargnés de part & d'autre. L'ancienne Rome honoroit singulièrement l'agriculture. Des Consuls, des Dictateurs labouroient & ensemençoient eux-mêmes leurs terres. Il suffiroit enfin d'être chrétien pour chérir & pour respecter l'agriculture. Nos premiers pères furent créés cultivateurs. Dieu les mit dans le paradis de délices pour le cultiver & pour le garder (2); c'est-à-dire, pour y travailler sans peine & sans fatigue, pour en prendre soin, & pour le conserver comme un héritage qui leur appartenoit. La destination primitive de leurs travaux étoit douce & agréable. Leur chûte en fit un joug dur & pesant, sans en changer la nature ni l'objet. Les ouvrages laborieux & le travail de la campagne ont été créés par le Très-Haut; ne les fuyez point. C'est l'Esprit-Saint qui nous le

(1) Xen. Cyr. liv. V.

(2) Ut operaretur & custodiret illum. Gen. II, 15.

'dit. On ne peut dédaigner l'agriculture, sans contrarier les vues de la Providence. Elle ne protège, ni ne favorise les arts que le luxe & la mollesse ont introduits dans le monde. Elle les souffre, les tolère. Ses encouragemens, ses faveurs sont pour les travaux que Dieu a luimême ordonnés, comme nécessaires pour vie, & pour l'entretien de l'homme. Disons quelque chose de plus grave. Ils éloignent du vice, ils rapprochent de la vertu, il leur faut des mœurs réglées. Tout laboureur occupé sérieusement de sa profession n'a pas le tems d'être libertin, quand même il en auroit le desir.

la

Les détails de l'agriculture sont infinis. On en peut juger par la lecture seule des Géorgiques. Ce Poëme nous offre un tableau fidèle de la culture des Anciens, laquelle avoit fait dès-lors des progrès considérables, & s'est conservée jusqu'à nous, qui croyons avoir enfin découvert qu'au bout de quatre mille ans d'exercice, pour ne pas aller au-delà du déluge, les hommes ne savent encore ni semer, ni labourer, ni faire du pain. Quoiqu'il ait certainement de l'excès dans ces opiTome IV

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nions modernes, il faut convenir cependant qu'elles sont souvent mêlées d'instructions utiles, & que leurs auteurs ont des connoissances profondes & variées. Des assertions moins impérieuses en auroient plus de poids. On ne voit pas sans peine que les Philosophes économistes, si différens d'ailleurs de la secte philosophique du jour, ayent pris comme elle, le ton magistral & méprisant. Comment n'at-on pas traité ces pauvres partisans de la petite culture? On appelle ainsi celle qui se pratique avec des boeufs. On donne le nom de grande culture à celle qu'on fait avec des chevaux.

Nous observerons d'abord que la prétendue petite culture est la seule dont parlent les Livres saints, & tous les Auteurs profanes de l'antiquité. Les Hébreux, les Orientaux, les Grecs (1) & les Romains, tous les peuples méridionaux de l'Europe labouroient avec des boeufs, non-seulement les terres à

(1)

ἅμ ̓ ἡμέρᾳ Βᾶς εἰς ἄρέρας εἰςβαλών σπερῶ γύας.

Eurip. Elect. v. 7&m

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