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dre Phèdre sans transport, et Zaïre sans attendrissement, qui ne sait point par cœur les beaux vers de la Henriade, se vante en disant qu'il aime Homère, Sophocle et Virgile.

Boileau aime les Anciens, puisqu'il les traduit en beaux vers; mais son hommage n'est pas assez digne d'eux ; il hait il hait trop leurs détracteurs.

Ah! c'est Fénélon qui aime les Anciens d'un amour pur et sans haïr personne; c'est lui qui ornait véritablement l'Académie française, et qui a manqué à l'Académie des belles-lettres. Comme il reproduit partout Homère ! comme il traduit en prose pathétique le Philoctète de Sophocle, aujourd'hui si bien traduit en vers! Il est heureux par le seul souvenir des beautés antiques : vous le voyez frissonner de tendresse et de plaisir en se rappelant ces vers où Virgile peint le bonheur tranquille, le doux loisir d'un vieux berger assis à l'ombre des arbres qui l'ont vu naître, au bord des fleuves, des fontaines sacrées que connut et aima son enfance.

Le chantre des jardins, le traducteur des Géorgiques, n'a pas besoin de nous dire qu'il aime Virgile. Ephestion est aussi Alexandre.

Je vois Voltaire pleurant aux vers de Virgile, lorsqu'il fait au Marcellus de la France, au prince élève de Fénélon, une application aussi ingénieuse

qu'attendrissante, de ces regrets éloquens qu'une mère ne put entendre sans s'évanouir de douleur, et sans vouloir les entendre encore.

Quel est le véritable admirateur d'Homère ? Ce n'est pas celui qui s'obstine mal - adroitement à le défendre et à le louer sur tous les points, ni celui qui, voulant seulement en indiquer les principales beautés, se trouva l'avoir sousligné tout entier. C'est Phidias, à qui un vers d'Homère fit faire son Jupiter olympien; c'est l'écrivain sage et sensible, qui, en convenant avec Horace qu'Homère sommeille quelquefois, lui applique ce qu'Homère lui-même dit du maître des dieux, qu'il se réveille en lançant le tonnerre ; et cet écrivain, auquel il faut toujours en revenir, c'est toujours Anacharsis.

Quelle foule de héros antiques peints souvent d'un seul trait, toujours en traits ineffaçables! Ce Socrate, qui, à force de connaissances et de travaux, croyait à peine avoir acquis le droit d'avouer qu'il ne savait rien ; cet Alcibiade, que, malgré tout son orgueil et toute sa gloire, Socrate forçait à pleurer, tantôt sur son ignorance, tantôt sur son orgueil même, et qui ne pouvait être heureux, ni avec un tel maître ni sans un tel ami; cet Alexandre, qui a rempli la terre d'admiration et de deuil, et dont toutes les volontés eurent l'inflexibilité du destin; cet Épaminondas, à la mé

y a

moire duquel suffirait ce regret d'un ami : Il trente ans, il n'y a qu'un moment que je l'ai perdu; ce Xénophon, qui avait tout à la fois le courage des grandes choses (la fermeté), et celui des petites, beaucoup plus rare et plus nécessaire (la patience).

Un seul trait peut peindre aussi les nations : ce peuple généreux, sensible et spirituel, mais inconstant et léger, auquel on nous a comparés tant de fois, les Athéniens, au déclin de leurs beaux jours, possédaient un juste et un sage qui pouvait seul sauver la république : c'était Phocion; ils le possédaient, et ils disaient : « Ne souffrons "pas qu'avec ce cortège de vertus surannées et de » mœurs antiques, Phocion soit assez fort pour corri» ger la plus aimable nation de l'Univers !

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FIN DES ŒUVRES ACADÉMIQUES.

MÉLANGES POÉTIQUES.

L'INDULGENCE,

POEME.

O MORTEL ! est-ce à toi d'oser être sévère?
Composé monstrueux d'orgueil et de misère,
Ta faiblesse est égale à ta férocité.

D'un Dieu toujours propice et toujours irrité,
Je te vois implorant et lassant la clémence,
Lever au ciel des bras armés pour la vengeance.
Quel est donc ton espoir? Crois-tu, dans ta fureur,
Tromper l'œil de Dieu même, et lui cacher ton cœur?

Mais je veux que ce cœur, dépouillé d'injustice,
D'un courroux vertueux n'accable que le vice.
Eh bien il faut encor tempérer ce courroux :
C'est trop peu qu'il soit juste, il faut qu'il soit plus doux.
Le vice est moins affreux qu'un zèle trop sauvage:
Pardonnons. L'indulgence est l'équité du sage.

Heureux qui pourra dire au juge souverain :

сс

Seigneur, toi seul es juste, et moi je fus humain! »

Ce juge est descendu. La justice en silence

A remis dans ses mains le glaive et la balance;
Mais je vois près de lui la clémence et l'amour.
Toi, qui jugeais ton frère, il t'appelle à ton tour.

Tu frémis, tu le dois; crains ta rigueur extrême,
Crains res propres arrêts; ils t'ont jugé toi-même.
Malheur ! malheur à toi si tu fus sans pitié,
Si ta vertu brava le vice humilié!

Eh! quel cœur sait jamais s'il vit dans l'innocence ?
Tout mortel en tout tems a besoin d'indulgence;
Tout mortel est coupable aux yeux de l'Éternel,
Et le plus rigoureux est le plus criminel.

Mais ce maître des cœurs plaint la faiblesse humaine:
S'il estime le zèle, il réprouve la haine.
Le misantrhope amer, le dévot emporté,
Destructeurs ou tyrans de la société,

Prennent pour la vertu l'humeur et la colère.
Homme farouche et dur, prends pitié de ton frère!
Es-tu faible? pardonne. Es-tu fort? soutiens-moi;
Éclaire ma raison et raffermis ma foi.

Des folles passions si j'ai subi l'empire,
Le ciel t'a-t-il chargé du soin de me maudire?
Ou si d'un doute encor mon esprit agité,
A travers ce bandeau voit mal la vérité,.
Crois-tu qu'à tes fureurs ce doute se détruise?
Et dois-tu m'outrager quand je veux qu'on m'instruise?
Mais laissons ce docteur, ardent à discourir,

S'indigner de mes maux au lieu de les guérir.

Il est bien d'autres torts qu'il faut que je pardonne :
L'amour qui me trahit, l'ami qui m'abandonne;
Et l'indigne rival que l'on m'a préféré,

Et le vil concurrent qui s'est déshonoré

En usurpant ma place, en ravissant ma gloire,
En frustrant mes travaux des fruits de la victoire.....

Il faut oublier tout, profiter du malheur,

Habiter en soi-même et jouir de son cœur.

Tome I.

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