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Ciel !..... ô ciel ! quels torrens de cendre et de fumée! Le Vésuve en fureur, de sa cime enflammée,

Vomit des rocs brûlans et des métaux fondus;
La lave roule au loin jusqu'aux mers écumantes:
Herculane est couvert de ces masses fumantes,
Pompéia n'est plu.

Le soleil est éteint. Les feux de ce tonnerre
Ont seuls droit d'éclairer et d'embrâser la terre.
A cette lueur sombre, à ces longs tremblemens,
Neptune avec effroi s'élançant du rivage,
Court aux bords africains annoncer ce ravage
Par des mugissemens.

Le choc des élémens a brisé ces montagnes ;
La solfatare ardente a brûlé ces campagnes;
Ces pins sont arrachés, ces murs sont renversés';
Tous les vents échappés de leurs grottes profondes,
De cent vaisseaux épars ont semé sur les ondes
Les débris fracassés.

O terreur ! ô vengeance! ô dévorans abîmes!
Épargnez l'innocent, choisissez vos victimes;
Corrigez l'Univers par ces calamités ;
Écrasez ce brigand qui désole la terre,

Ce sybarite affreux qui commande la guerre
Du sein des voluptés.

Non, réservez plutôt pour l'injuste et l'impie
Le tourment de survivre à leur triste patrie,
A leur père, à leur fille, à l'hymen, à l'amour,

A tous ces nœuds charmans qui consolent nos âmes:
O mort! ô paix profonde! heureux qui dans ces flammes
N'a perdu que le jour !

L'une auprès d'un fils mort tombe désespérée,
L'autre appelle en tremblant sa famille égarée;
Il hésite, il frissonne, il veut fuir, il revient;
De sa chaumière à peine il reconnaît la place;
De ces bords abîmés l'épouvante le chasse,
Et l'amour l'y retient.

La mort produit la mort. La famine et la peste
Vont de ces malheureux consumer ce qui reste.
Des cadavres pressés l'horrible exhalaison,
L'air infecté partout d'une vapeur mortelle,
Un ciel impitoyable, une terre infidelle

N'ont plus que du poison.

Dieux! où fuir? Tout éprouve ou tout craint sa ruine.
Les goufres sont ouverts de Lisbonne à la Chine;
L'effroi, d'un vol léger, parcourt tous les climats ;
La terre a ses fléaux, la mer a ses tempêtes,
Le danger est partout, la foudre est sur nos têtes,
L'abîme est sous nos pas.

Le Midi trop souvent, de ces tristes lumières,
Voit briller au Pérou le front des Cordillères ;
Il vit le Callao tomber avec Lima,

Et des antres du Nord une flamme cruelle

Sillone en mugissant cette glace éternelle
Qui couronne l'Hécla.

Si sous un ciel plus doux je cherche un bord tranquille,
Théocrite me guide aux champs de la Sicile,
Aux sources d'Aréthuse, au beau vallon d'Enna:
Tout rit à mes regards dans cet asyle aimable;
Mais Typhon y frémit, et sa rage indomptable
Y soulève l'Etna.

La nature en courroux n'étonne point le vice.
Voyez dans ces volcans l'intrépide avarice,
D'une ardeur téméraire aller tenter le sort.
Des citoyens pillaient Lisbonne chancelante,
L'intérêt demandait à la terre tremblante
La fortune ou la mort.

Que dis-je ?..... ô guerre ! ô honte ! ô barbare industrie! Ces volcans ont servi d'exemple à ta furie.

La race humaine habite au milieu des horreurs ;
Elle a multiplié ses malheurs par ses crimes :
Tombez, monstres, tombez, exécrables victimes
De vos propres fureurs.

Ah! ne maudissons point nos amis er nos frères ;
Déplorons ces fureurs à leur âme étrangères.
Non, malheureux humains! je ne puis vous haïr;
Cessez de vous détruire et même de vous craindre ;
Laissez-moi vous aimer, vous consoler, vous plaindre;
Laissez-moi vous servir!

Venez, que nos besoins, que nos maux nous unissent; Que de l'humanité tous les vœux s'accomplissent;

Que l'amour et la paix viennent tout ranimer.

Jurons par nos malheurs, par ces fléaux terribles ;
Jurons d'être à jamais bienfaisans et paisibles;
Jurons de nous aimer.

REGULUS DANS LE SÉNAT,

POEME qui, au jugement de l'Académie de Marseille, a eu l'accessit dans la même séance (25 août 1769.)

Atqui sciebat qua sibi barbarus

Tortor pararet.

HOR.

[Régulus, en entrant dans le lieu où le sénat est assemblé,

jette les yeux sur le Capitole, et dit d'un ton de regret et de consternation: ]

VOILA

OILA Ce Capitole où triomphait un homme

Que redoutait Carthage, et dont s'honorait Rome.
Je suis parti consul, et surtout citoyen:

Quel retour, justes dieux! Régulus n'est plus rien.

[Le consul fait signe à Régulus de venir prendre son ancienne place parmi les sénateurs. Régulus s'étonne, et s'écrie: ]

Osez-vous profaner cette faveur insigne,

Consul? D'un tel honneur Régulus est-il digne?
Sénateurs, de vos droits n'êtes-vous plus jaloux ?

Depuis quand un esclave a-t-il rang parmi vous ?

[Les sénateurs s'asseient, et Régulus continue: ]

Carthage vous demande une paix nécessaire,

Romains il sera tems d'exaucer sa prière

:

Lorsqu'aux bords africains, pressés par vos exploits,
Sous leurs murs renversés ils recevront vos lois.
C'est Carthage aujourd'hui qui prétend en prescrire,
Et vous n'exigez pas que je daigne les dire!
Mais un échange heureux, par un juste traité,
A tous les prisonniers rendant la liberté,
Nous permettrait encor de servir la patrie :
Par ma voix, par mes fers Carthage vous en prie,
Et moi, je la déments au nom des mêmes fers.
Défiez-vous, Romains, de ces piéges couverts:
On veut accoutumer vos cœurs à l'infamie,
On veut que de nos lois la rigueur endormie,
Au rang des citoyens compte encor des soldats
Qui, sous les yeux du chef, ont fui dans les combats;
Qui, les armes en main ont demandé des chaînes ;
Qui n'ont pas su mourir sous les aigles romaines.
Ils m'ont même arraché de leurs bras insolens
Le fer dont j'arrêtais leurs escadrons tremblans;
Et me foulant aux pieds, dans leur timide rage,
Ils m'ont livré mourant au destin de Carthage.
J'ai vu ces vils Romains, enchaînés et soumis,
Aux autels détestés de ces dieux ennemis ;
J'ai vu, j'ai reconnu ces aigles, ces épées
Qui du sang africain n'ont point été trempées.
Sur ces bords qu'autrefois embrâsa ma valeur,
Mes paisibles soldats, sans remords, sans douleur,
Fertilisent un champ, décorent une ville :
Mes yeux sont fatigués de leur douceur servile.
Ah! laissons-les ramper; ils sont nés pour les fers.
Les dieux à nos vertus ont promis l'Univers,
Et nos scules vertus accompliront l'oracle;

Mais à ces grands destins n'apportons point d'obstacle.

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