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générosisé que je devais craindre. » Elle insiste elle exige que son présent soit reçu, du moins comme un gage de cette amitié que Bayard lui promet et lui demande. Vous le voulez, Ma

» dame. Eh bien ! je l'accepte, et j'en dispose,

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Bayard vous devra aujourd'hui l'honneur de do» ter la vertu et la beauté,» Il donne mille ducats à chacune des filles. Il restait cinq cents ducats.

Madame, vos malheureux concitoyens ont beau» coup souffert; tandis que vous me sauviez la vie, » mon nom servait à leurs désastres; on croyait » me venger en les accablant : j'allais partir sans » rien réparer; c'est à vous encore que je dois le

pouvoir de les soulager: leurs maux et leurs be» soins vous sont connus, daignez vous charger de » leur distribuer en mon nom vos bienfaits. » Le cri de l'attendrissement, les larmes de l'admiration, sont leur seule réponse. Bayard va partir, les larmes redoublent. « Du moins, disent en sanglo» tant les deux jeunes filles, notre libérateur ne » refusera pas ces petits ouvrages de nos mains (1).

(1) « L'un estoit deux jolis et mignons bracelets faicts de >> beaulx cheveulx de fil d'or et d'argent, tant proprement » que merveilles. L'autre estoit une bourse sur satin cra÷ » moisi, ouvrée moult subtilement..... et pour plus les ho »norer, se faict mectre les bracelets au bras, et la bourse » meit en sa manche, les asseurant que tant qu'ils dureraient, les porterait pour l'amour d'elles. >>

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» Les refuser! jamais je ne m'en séparerai. Or» nez-en vous-même votre chevalier, et conservez » son souvenir. » Voilà les adieux de cet ennemi; il part, et le deuil de la mort semble avoir couvert cette maison. Va, chevalier sublime, héros de l'humanité, exemple nécessaire au monde, va désarmer tous les bras et attendrir tous les cœurs; étends partout l'empire de la bienfaisance; venge ton maître de tous ses ennemis, en les rendant bons et heureux. Pourquoi faut-il que ton pouvoir ait connu des bornes? Ah! si le ciel eût voulu le bonheur du monde, c'est sur le trône qu'il t'aurait placé !

Vains souhaits! regrets frivoles! il eût donc fallu encore le rendre immortel comme ses vertus, ou transmettre son âme à tous ses successeurs..... Mais elle existe, cette âme; elle respire toute entière dans ce tableau qu'une main fidelle en a tracé dans ce livre (1) où la vertu est si naïve et si aimable, dans ce livre qui est aussi un bienfait pour l'humanité; c'est le bréviaire du guerrier, du citoyen, de l'homme.

L'élève de Mars, dans ce berceau de l'honneur, dans cette école du courage et du talent, où il s'exerce aux combats et s'anime à la gloire, fait de ce livre utile les délices de son enfance et la règle

(1) La Vie du chevalier Bayard, écrite par son secrétaire.

de sa vie entière. Le vieux soldat le relit en pleurant dans cet asyle sacré, port tranquille des héros blessés, que Louis XIV et Louvois n'auraient point eu la gloire de leur ouvrir si Bayard eût été roi ou ministre : partout le sage nourrit son cœur de ce livre édifiant, et s'y pénètre du plaisir de faire le bien; l'homme juste et tendre vit avec Bayard, et devient meilleur encore.

Français, tous vos devoirs sont écrits dans son histoire Bayard vous contemple des demeures éternelles. Malheur à vous si vous contristez ses regards, et si son exemple est perdu pour vous!

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POÉSIES.

LA NÉCESSITÉ D'AIMER,

POEME qui, au jugement de l'Académie française, a obtenu l'accessit en 1764.

AIMONS; c'est le principe et la fin de tout être :

Il est doux de penser et flatteur de connaître ;
Mais le sage est sensible avant d'être éclairé.
L'homme, digne en effet de ce titre sacré,
Sent le besoin d'aimer et la douceur de plaire,
Mieux que ces vils besoins, seuls connus du vulgaire.
O fille du néant ! insensibilité,

Triste et cruelle sœur de la méchanceté,

Par ton poison glacé l'existence est flétrie!

Ces mortels sans amis, sans parens, sans patrie,
Qu'amour même jamais n'a brûlé de ses feux,
Narcisses que le sort condamne à n'aimer qu'eux,
Méprisables objets de leur vaine tendresse,
Indignes de l'honneur d'avoir une faiblesse,
Ils végètent cent ans, mais vivent-ils un jour>
Non, la vie est dans l'âme, et l'âme n'est qu'amour.

L'enfant même au berceau le sent, le fait entendre ;

A sa mère enchantée il sourit d'un air tendre;
Les cœurs qu'il intéresse ont su l'intéresser,
Et ses bras innocens cherchent à caresser

Mais il croît, il s'élève ; une plus vive flamme
Vient pénétrer ses sens et dévorer son âme :
Impatient d'aimer, il fait des vœux secrets
Dont il iguore encor les dangereux objets.
Il s'émeut, il frissonne à l'aspect d'une belle
Son cœur dit: La voilà, je fus formé pour elle.
Ce trouble, ces transports, ces accens du desir,
Ce cri de la nature appelle le plaisir;

Plaisir, nectar du cœur, puissant ressort du monde,
Amour, qui produis tout par ta chaleur féconde,
Roi des rois, dieu des dieux, on t'outrage, on te sert ;
Ton flambeau redoutable, et nous guide, et nous perd;
Mais je ne craindrai point de t'offrir mes hommages
Dans ce temple sacré des Muses et des sages;
Le sage sait aimer sans profaner tes feux;

Il te rend respectable, et tu le rends heureux.

Vous qui bravez l'amour et rampez sous le vice,
Victimes de la mode, esclaves du caprice,
Tyrans qui pour régner osez feindre d'aimer,
Qui pour tout asservir voulez tout enflammer,
Redoutez d'un tyran plus fier et plus terrible
Le trait inévitable et le glaive invincible!

Vengeur des cœurs trompés, bourreau des cœurs pervers,
Il prépare à vos feux les tourmens des enfers.
Vos caprices fougueux, vos sombres jalousies,
Et la haine allumée au flambeau des Furies,
Étoufferont sans cesse, et produiront l'amour,
De vos cœurs déchirés indomptable vautour.

Nous, sans lui disputer d'infaillibles conquêtes,
Méritons que l'amour, après mille tempêtes,
Nous laisse au port heureux de la douce amitié.

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