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loin de considérer les lettres souscrites comme radicalement étrangères aux mots dont elles faisaient partie, il était si loin de les estimer nulles et non avenues, qu'il n'écrivait jamais les mots en question sans y faire figurer ces lettres elles-mêmes, dépourvues le plus souvent de toute souscription. C'est ainsi que, alors même qu'elle n'est pas souscrite, la lettre d entre invariablement dans le mot adversier ou adversaire, la lettre s dans les mots escouter, desmentir, pusnais, lasnier, ramposner, posnée, tels que notre scribe les a constamment écrits.

col. 2.

Li felsi vint com crueuls adversaires, f. 77 ro,
Quant la pucelle ot le roi escouté, f. 80 vo, col. 2.
Que loiaus hom n'i puet iestre escoutez, f. 86 vo, col. 1.
Hertaus s'escrie, li traïtres pusnais, fol. 60 ro, col. 1.
Certez, dit-il, or ai fait que lasniers, f, 40 vo, col. 1.
Li dus n'est mie ne coars ne lasniers, f. 42 vo, col. 2.
Quand Ferraus oit que cil le ramposna, f. 53 vo, col. 2.
Li traïtor l'ont souvent ramposné, fol. 75 vo, col. 2.
Si faitez mal, quant voz me ramposnez, f. 79 vo, col. 2.
S'il ne s'en venge, poi prise sa posnée, fol. 83 ro, col. 1.

On le voit, si le scribe ne souscrit pas toujours les consonnes det s dans les mots que nous avons cités et autres analogues, du moins il les écrit toujours. Il n'en est pas ainsi des mots où un point souscrit nous indique qu'une lettre qui leur est tout à fait étrangère a été introduite par mégarde au nombre des éléments dont ils se composent. Toutes les fois que le point souscrit n'affecte pas ces mots, la lettre radicalement anormale qui avait motivé la présence de ce signe de correction n'existe pas davantage.

Ce rapprochement nous semble prouver que le scribe, qui souscrivait quelquefois seulement les consonnes d et s des vocables cités plus haut, mais qui néanmoins les écrivait toujours, ne les considérait point par conséquent comme radicalement anormales et non avenues; en les souscrivant par un point, il ne voulait indiquer qu'une chose, à savoir, qu'elles s'effaçaient et disparaissaient dans la prononciation. Si l'explication que nous présentons est fondée, la philologie est appelée à en faire son profit comme la paléographie. Le temps n'est plus où un regrettable mais trop spirituel philologue croyait pouvoir poser en

règle générale que le moyen âge ne prononçait jamais deux consonnes de suite. Présentée dans des termes aussi absolus, la proposition de M. Génin était tout à fait inacceptable, comme l'a démontré M. Guessard dans ces deux Mémoires que connaissent les lecteurs de la Bibliothèque de l'École des Chartes'. M. Guessard reconnaissait le premier que la théorie développée dans les Variations du langage français n'était pas trop dépourvue de toute espèce de fondement. Ce que le savant philologue reprochait à M. Génin, c'était seulement d'avoir généralisé de la facon la plus indiscrète une règle qui, restreinte dans de certaines limites, eût été légitime, et d'avoir ainsi perverti et faussé un principe juste au fond, en voulant lui prêter une extension déme

surée et abusive.

Mais que nous importe de savoir d'une façon vague qu'au moyen âge, en thèse générale, on ne faisait pas sentir l'une des consonnes consécutives, en prononçant certains mots, si l'on ne nous apprend en même temps quels sont ces mots! Eh bien, ce qui rend l'emploi du point souscrit, qui vient d'être signalé, si intéressant pour le philologue, c'est qu'il a précisément pour effet de nous faire connaître quelques-uns des vocables dont la prononciation offre cette particularité. Nous pouvons conclure, par exemple, d'une étude approfondie du texte de Gaydon, tel qu'il est conservé dans le manuscrit 7227.5, que, dès la seconde moitié du treizième siècle, la consonne d s'effaçait dans la prononciation du mot adversier ou adversaire, et la consonnes dans la prononciation des mots pusnais, ramposner, lasnier, castaingne, desmentir, posnée, escouter, etc. Nous ne doutons pas qu'en faisant des études analogues sur d'autres textes et d'autres manuscrits, on ne parvienne à compléter cette liste, si l'on veut bien prendre pour guide le signe dont nous avons essayé, dans cette note, de révéler et d'établir la nouvelle valeur paléographique.

1. Bibliothèque de l'École des Chartes, 2a série, t. II, p. 199–227.

SIMEON LUCE.

CHARTE DE FONDATION

DU

PRIEURÉ DE TAVANT.

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Cette charte est datée de Blois, au mois de décembre, la première année du règne de Hugues Capet (987). Un chevalier nommé Thibault y donne à l'abbaye de Marmoutier un aleu provenant de l'héritage de ses père et mère. Ce bien est situé en Touraine, dans le village de Tavennis, près du château appelé ad Insulam. Le donateur concède également l'église, les vignes, les bâtiments, les terres, cultivées ou non, et tout ce qui dépend de l'aleu concédé. Pour plus grande garantie, il fait confirmer son acte par ses frères, par ses autres parents, et enfin par Eudes Ier, comte de Blois, défenseur du monastère de Marmoutier, qu'il avait relevé de ses ruines. La signature du comte Herbert est encore mentionnée dans l'acte. Cette charte nous a paru curieuse par son antiquité et par le style de son préambule et de ses imprécations finales. Mabillon l'a mentionnée sans la transcrire dans les Annales de l'ordre de Saint-Benoît (livre LIV, n° 80, tome IV, page 269).

C'est du prieuré de Tavent ou Tavant, en Touraine, qu'il est question dans cette charte, qui le mentionne comme situé près du château dit ad Ansulam, lisez : Insulam. Tavant est en effet dans le canton de l'Ile-Bouchard, département d'Indre-et-Loire.

Nous ne savons rien du chevalier nommé Thibault, qui a donné la charte de 987, si ce n'est qu'il était vir armis militaribus deditus, et que peut-être il fut la souche des seigneurs de l'Ile Bouchard. C'est à tort que quelques personnes ont cru que c'était Thibault, comte de Blois. Thibault le Tricheur fut comte de Blois de 956 à 978 environ, et Eudes II, son fils, de cette époque à 996. Notre acte de 987 aurait donc eu lieu sous Eudes II et non sous Thibault.

Voici le passage ou Mabillon parle de cette pièce. Nous le traduisons en l'abrégeant. « En 1020, Ebrard étant abbé de Marmoutier, et le chevalier Burchard seigneur du château qu'on appelle ad

Insulam 1, situé sur le fleuve de la Vienne, Ebrard, Acfred, doyen de l'église de Tours, et Adérard, son frère, aussi moine, demandérent que le lieu de Tavant, consacré à la Vierge, enrichi par Thibault, Amalric et Acfred, ses oncles, fùût par ledit Burchard affranchi des coutumes de la viguerie et des autres redevances; ce que Burchard accorda volontiers, pour son salut et celui de ses parents, à condition de certains offices, tels qu'une messe haute hebdomadaire, le chant quotidien de cinq psaumes et la délivrance d'une livre de pain et de vin à un pauvre. Le prieuré de ce lieu, ajoute Mabillon, dépend de Marmoutier. Il est situé près du château ad Insulam, dans le pays de Tours. Le chevalier Thibault avait donné précédemment, pour ériger ce prieuré, son aleu à Saint-Martin, l'an 1er du règne de Hugues. >>

On voit par cet extrait que Mabillon n'a connu que très-sommairement notre charte. Il y fait une simple et courte allusion dans les derniers mots cités, tandis qu'il mentionne avec détails l'acte de 10202. Il donne ainsi le contenu d'une charte de cette époque, suite de la nôtre, et qui n'en est, d'après l'ordre chronologique comme d'après l'ordre moral, qu'une conséquence, une confirmation. Nous avons donc ici pour la première fois, l'acte primordial de fondation du prieuré de Tavant.

Les signatures de Mainier et d'Acfred (Alfred), qui se trouvent à la fin de notre charte, nous paraissent indiquer le consentement des frères du donateur. Cet Acfredus serait, à notre avis, le frère de Regnault, et non le doyen de l'église de Tours dont parle Mabillon dans l'analyse de l'acte de 1020.

Cette pièce est placée dans le XVII et dernier carton (Supplément) des archives particulières de la bibliothèque de Blois, qui ont été formées d'une partie du cabinet Joursanvault. Toutefois elle ne sort pas de cette source, mais d'un achat postérieur. Elle provient du monastère de Bonne-Nouvelle, dans l'Orléanois, dont on reconnaît la cote au dos du titre.

La Bibliothèque impériale possède trois copies de cette charte faites l'une par D. Martène (Blancs-Manteaux, tome VIII, folio 13), l'autre par Gaignières (fonds lat. 5441, tome II, page 273), la troisième par D. Housseau (coll. Houss., n. 237 et 241).

1. On voit par là qu'il s'agit bien de l'Ile-Bouchard.

2. L'acte de 1220 a été publié dans la continuation du Gallia christiana, par M. B. Hauréau.

En comparant avec soin les quatre textes, nous avons relevé des variantes utiles, comblé des lacunes et rectifié des erreurs. Mais nous avons toujours conservé comme texte principal notre charte originale, en rejetant les variantes dans les notes. Ces différences du texte proviennent sans doute de ce que les copies ont été faites sur un autre original.

Le manuscrit des Blancs-Manteaux contient en outre la charte de 1020, que Mabillon cite par analyse, et une charte d'un chevalier Godefroy (Gausfridus), dont le savant bénédictin ne parle pas. Le texte de la nôtre a pour titre dans cette collection: Præceptum de Tavenno, et on lit en note marginale: 987. Ex autographo. Les trois chartes sont rangées dans l'ordre suivant: 1° celle de Thibault (que nous publions); 2° celle de Godefroi; 3° celle de Bouchard.

Le ms. de Gaignières contient les trois chartes que nous venons d'énoncer, dans le même ordre; mais il y a des lacunes dans celle de Godefroy. Une seconde charte de Bouchard est en outre rapportée.

Toutes ces pièces contiennent des concessions à l'abbaye de Marmoutier des terres de Tavant. Nous ne publions que le plus ancien de ces actes, et celui dont nous connaissons le texte primitif.

A. DE MARTONNE.

Carta de alodio Taventi quod Tetbaldus dedit Sancto Martino Majoris Monasterii et monachis ejus.

Quanta et quam benignissima circa humanum genus Dei existit pietas, nullus mortalium vel corde cogitare vel verbo' dicere potest: invitat enim nos ut post multa perpetrata scelera ad eum redeamus, pie et misericorditer dicendo: «Venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos 2, » et in alio loco in Evangelio ortatur3 nos ut de terrenis rebus atque caducis adquiramus celestia et in æternum mansura, taliter inquiens: Facite vobis amicos de manmona" iniquitatis, ut cum defeceretis recipiant vos in æterna tabernacula. Id circo ego3, in

1. Les copies de Gaignières et de Housseau portent verbis.

2. La copie de Gaign. porte vos reficiam.

3. Copie de Gaign. hortatur,

:

4. Gaign. et Houss.: mammona.

5. Ce mot est omis dans le manuscrit de Gaign.

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