Billeder på siden
PDF
ePub

Qu'el tenoient leur chiere basse e mue..........
L'uns guarde l'autre con oilz sans debatue;

Asis furent par desus l'erbe drue,

Mais à Oliver fu l'aigue revenue..... (Fol, 298 ro.)

Joie universelle des Français qui se pressent autour de Roland,

Disant à un cri plus de mil à un ton:
« Cantate Domino canticum novon,
« Que nos ramaine lá nostre garison,
« Le douç, le onble, le per de pobres hon.
Veeç la conquisse de tuit ceste regnon,
<< Mort est Marsille..... etc. >>

Charlemagne arrive enfin :

Rolant encontre son oncle voit,
Tost che le roi descender lui voloit.
Le duc l'enbrace la janble e le piez droit.
Le roi desend del cival là o il seoit;
De pietié e joie le cor oit si destoit
Qu'en celui pont, per tot l'or che soit,

Non poüst mie ver lui parler un moit..... (Fol. 302 ro.)

Quand la première émotion est passée, Roland présente le jeune Samson à Charlemagne, et le lui recommande. Il vient précisément de mourir un des douze pairs, Samson de Bourgogne, mais

«Se Samson est perdu, Samson est reverti,»

dit l'empereur en plaisantant; et il ordonne de compter désormais au nombre des pairs le fils du roi de Persie, converti par Roland. (Fol. 303.)

Fêtes au camp; le neveu de l'empereur reçoit partout l'accueil le plus enthousiaste, et Ganelon lui-même :

Ganelon de Maiance li fist gient recéue.

Ici se termine le poëme : .

Et comme Nicolais à rimer l'a complue
De l'entrée de Spagne qui tant ert escondue
Por ce ch'elle n'estoit par rime componue.

Da cist pont en avant out il la provéue

Pour rime, cum celui q'en latin l'a léue.

Our cantons de l'estoire qe doit estre entendue
Da cascun q'en bonté ha sa vie disponue.

C'est le premier vers d'un second poëme de notre auteur, et ce poëme est sans doute la Prise de Pampelune. Mais le poëte nous a avertis qu'il avait également rimé la trahison de Ganelon; après la Prise de Pampelune se devait donc trouver aussi la chanson de Roncevaux. Ainsi Nicolas le Padouan avait, sinon trouvé, au moins compilé en vers français une notable partie de la Rolandéide.

III.

Tel est ce roman dont nous laissons volontiers à nos lecteurs le soin délicat d'apprécier tout l'intérêt et tout le mérite. Nous n'aurons donc pas à faire voir que les faits nouveaux qu'il renferme pourront, malgré leur invention récente, remplir une des lacunes les plus importantes de la légende de Roland. Nous n'aurons pas à montrer que, si l'auteur manque d'originalité et de concision, s'il est diffus, s'il semble se donner pour tàche d'allonger tout ce qui est susceptible de l'être, s'il trouve trop facilement, s'il copie en délayant, il possède à côté de ces graves défauts presque toutes les qualités des anciens trouvères; que les mots sublimes abondent dans son œuvre, et en particulier sur les lèvres de Roland; que ses descriptions sont souvent agréables et les discours de ses héros véritablement éloquents; qu'il a su enfin conserver à chacun de ses personnages son caractère traditionnel; que Charlemagne y est toujours vêtu de cette majesté un peu niaise que nous lui connaissons; que Roland y est cet Achille chrétien qui n'a que le tort de se retirer trop souvent sous sa tente; qu'Olivier y a toujours cette pure et suave figure que ne viennent pas troubler les emportements de Roland; qu'il y est l'ami par excellence, le Pylade des romans chevaleresques; qu'Hestous y est aussi ce mauvais plaisant courageux et dévoué déjà peint tant de fois, et qu'enfin l'auteur a su dans le personnage du jeune Isoré prêter généreusement, comme l'auteur d'Agolant le fit pour Yaumont, une grâce singulière et une singulière vertu

à quelques-uns de ces païens tant détestés. Nous n'insisterons pas non plus sur l'importance philologique d'un tel ouvrage. Les neuf cents vers que nous avons cités suffiront pour prouver à nos lecteurs qu'il n'est peut-être pas d'exemple plus curieux de la langue française altérée par un italien. On croira entendre parler notre langue à un Padouan du quatorzième siècle, on le saisira à tout instant en flagrant délit d'italianisme, on notera cependant ces heureuses fautes, on lira curieusement ou plutôt on écoutera notre auteur quand il introduit les flexions italiennes dans un mot français, quand il laisse dans sa manière d'écrire notre roman les traces vivantes de sa prononciation toute italienne; on verra enfin, dans ce combat de deux langues sous la même plume, les caractères saillants de ces deux langues éclater tour à tour et se disputer, pour ainsi dire, chaque vers, chaque mot, chaque syllabe. Y a-t-il donc en philologie une étude plus attachante, plus utile, plus féconde?

Nous terminerons par une dernière observation, ou plutôt nous reviendrons, à la fin de cet article, sur une remarque que nous avons dù faire en commençant. L'Entrée en Espagne est un poëme écrit en français par un italien; et ce poëme, encore une fois, n'est pas le seul de son espèce; un certain nombre d'auteurs italiens se faisaient gloire d'écrire en notre langue. Nous prenons acte de ces faits, et nous y avons quelque intérêt. En effet, comme nous étions dernièrement à Florence, nous avons lu avec surprise ces lignes imprimées dans un des journaux les plus populaires de la Toscane : « Que ces présomptueux des bords de la Seine se rappellent que si jamais ils ont produit quelques œuvres vraiment belles, c'est à l'Italie qu'ils le doivent. » Tous les jours encore, il se trouve des. Italiens pour répéter ces vanteries. Est-ce donc à l'Italie que nous devons notre art gothique dont elle ne peut nous offrir, sauf quelques exceptions, que de déplorables pastiches? N'a-t-on pas, même pour le seizième siècle, exagéré l'influence des artistes italiens sur les nôtres, et les sculpteurs français de cette époque n'ont-ils pas, par exemple, été non-seulement plus remarquables, mais encore plus originaux que nos Français même ne veulent bien le dire? Enfin, pour en revenir à l'objet qui nous occupe spécialement, n'est-ce pas l'Italie qui nous doit les origines mêmes de sa littérature? Oui, au douzième siècle comme aujourd'hui, c'est de la France que venait la lumière. Oui, l'Italie nous a pris nos sujets, elle nous a

pris la forme même sous laquelle nous les traitions, elle nous a pris notre langue pour les traiter. Si quelqu'un refuse de nous croire, qu'il daigne jeter les yeux sur le portail de l'église cathédrale de Vérone, où brillent encore aujourd'hui les statues de Roland et d'Olivier. D'où vient que ces statues sont là? Elles sont là parce que nos romans y ont été avant elles; elles sont là parce que nos héros étaient ceux de toute l'Europe et de l'Italie en particulier; elles sont là parce que l'Italie a été tout heureuse d'accepter notre influence littéraire. Voilà en réalité ce que disent ces statues; voilà ce que dit aussi, ce que dit plus clairement encore le poëme de l'Entrée en Espagne!

LÉON GAUTIER.

DE LA NOURRITURE

DES CISTERCIENS

PRINCIPALEMENT A CLAIRVAUX

AU XII ET AU XIII SIÈCLE.

Les règlements et les usages relatifs à la nourriture respirent une grande sévérité dans les commencements de l'ordre de Citeaux. Nous allons exposer ces règlements et ces usages, en nous occupant successivement de la nature des aliments, du nombre et de l'ordre des repas, de la quantité donnée à chaque repas.

1° Nature des aliments.

La règle de saint Benoît interdisait l'usage de la viande à tous les religieux qui n'étaient point malades 2. On ne se contenta pas à Cîteaux de reproduire cette prohibition dans une foule de règlements successifs 3; on alla plus loin, les légumes accommodés au gras furent défendus dès l'origine, et même un statut du chapitre général de 1152 condamna à jeûner au pain et à l'eau pendant sept vendredis le cistercien qui en aurait mangé sciemment dans une maison d'un autre ordre 5.

Les malades eux-mêmes durent en général s'abstenir de

1. Notre confrère M. d'Arbois de Jubainville va faire paraître, avec la collaboration de M. Léon Pigeotte, avocat, un volume d'études sur l'état intérieur des abbayes cisterciennes au douzième et au treizième siècle. L'article qui suit en est tiré.

2. Regula S. Benedicti, cap. xxxvi et xxxix. Les règles sur la distinction 'du gras et du maigre ne semblent pas avoir été du temps de saint Benoît les mêmes qu'aujourd'hui; il ne défend que la chair de quadrupèdes, il paraît donc permettre celle de tous les oiseaux. Cf. Greg. Tur., Hist. Franc., lib. V, ap. D. Bouquet II, 244 et Augustin Thierry, Récits mérovingiens, 4e édition, t. II, p. 70.

3. Voir notamment Institutiones, cap. gen. Cist., dist. XIII, cap. 1, ap. Julien Paris Nomasticon Cisterciense, p. 350, et Stat. cap. gen. Cist., 1157, ap. Martene, Anecdota, IV, 1247.

4. Exordium cœnobii Cisterciensis, cap. xv. Instituta capituli generalis, cap XXIV, ap. Nom. Cist., p. 254.

5. Martène, Anecdota, IV, 1245. Cf. Institutiones cap. gen. Cist. Dist. XIII, cap. II, ap. Nom. Cist, 351.

« ForrigeFortsæt »