Billeder på siden
PDF
ePub
[ocr errors]

<< Rompre la loi salique, s'écria un ligueur, c'est perdre le royaume! » Mayenne demanda deux jours pour délibérer, « d'autant que c'était, disait-il, la délibération la plus haute qui se pût traiter en chrétienté. » Le délai expiré, on ne fut guère plus avancé. Dans la première séance générale, on pressa davantage l'ambassadeur; on lui demanda quel époux le roi destinait à sa fille. « L'archiduc Ernest d'Autriche, répondit-il. Ce fut une explosion de murmures, car quelques-uns avaient compté, au moins, sur le jeune duc de Guise. Ainsi, c'était à un prince étranger, à une princesse étrangère, qu'on livrait la France; c'était cette maison d'Autriche que nos rois avaient combattue pendant cinquante ans que la Ligue amenait au Louvre. La lumière se fit.

Déjà le 8 avril un prédicateur avait dit à l'église SaintJacques la Boucherie : « Il n'y a plus de religion parmi nous, tout n'est qu'ambition; les beaux états qu'on tient! c'est la cour du roi Pétaud, où chacun veut être le maître. Il n'est aucun de nos gouverneurs qui n'aspire à être roi, et c'est à qui emportera le morceau. » Telle fut bientôt l'opinion de tous. Elle eut plus tard (1593) son expression dans un merveilleux pamphlet, la satire Ménippée, œuvre de quelques bourgeois parisiens, le chanoine P. le Roy, Nicolas Rapin, Passerat, Pierre Pithou. etc., qui achevèrent de tuer la Ligue par le ridicule. Le Catholicon d'Espagne, première partie de la satire, démasqua l'ambition que Philippe II cachait' sous les dehors de champion du catholicisme; dans l'Abrégé des états de la Ligue, chacun des grands personnages qui avaient joué leur rôle dans l'Union vint étaler sa folle ambition ou sa honteuse avidité. Enfin, un député du tiers, dans un discours qui s'élevait jusqu'à l'éloquence, faisait toucher du doigt à chacun la morale du pamphlet. Il faut, disaitil, qu'ayant la mort entre les dents, nous disions que nous nous portons bien. O Paris qui n'es plus Paris, mais une spělunque (caverne) de bêtes farouches, une citadelle d'Espagnols, Wallons et Napolitains, un asile de voleurs, meurtriers et assassinateurs; te voilà aux fers, te voilà en l'inquisition d'Espagne, plus intolérable mille fois et plus dure à supporter aux esprits nés libres et francs, que les plus cruelles morts! >>

«

La raison commençait à surnager par-dessus l'écume des passions à moitié apaisées. Pendant que les états continuaient

les longues disputes qui cachaient mal leur indécision, quelques magistrats du parlement prirent courage : « Voilà l'état où nous sommes réduits, s'écria l'un d'eux, du Vair, seize coquins ont fait vente au roi d'Espagne de la couronne de France. Non, jamais peut-être il ne s'ouït dire que si licencieusement, si effrontément on se joua de la fortune d'un si grand et si puissant royaume, si publiquement on trafiqua d'une telle couronne, si impudemment on mit vos vies, vos biens, votre honneur, votre liberté à l'enchère, comme l'on fait aujourd'hui et en quel lieu? au cœur de la France! » Sur la proposition du courageux magistrat, le parlement rendit un arrêt par lequel il ordonna que « remontrances seraient faites à M. le lieutenant général, à ce qu'aucun traité ne se fît pour transférer la couronne en la main de princes étrangers (28 juin). » C'était le premier acte de bon sens et de patriotisme qui eût été fait depuis longtemps; Henri IV fit le second.

Conversion du roi (1593); entrée de Henri IV à Paris (1594). L'ambassadeur d'Espagne ayant reconnu qu'en demandant trop il avait tout compromis, essayait de revenir sur ses pas, et proposait le mariage de l'infante avec le duc de Guise : c'était trop tard.

Le peuple était maintenant affamé de paix, d'autant plus que Henri IV, à ce moment, se décidait à franchir le dernier pas. Quoiqu'il en coûtât beaucoup au fils de Jeanne d'Albret, à l'élève de Coligny, de rompre avec ces huguenots « qui l'avaient apporté sur leurs épaules de deçà la rivière de Loire,» il suivit l'avis des plus sages, et, le 23 juillet, après un débat de quelques heures avec les docteurs catholiques réunis à Mantes, et se déclara convaincu. Malgrė le fameux billet à Gabrielle, « après-demain je fais le saut périlleux,» il l'était en vérité; non qu'il eût bien discuté les dogmes, ce n'était point affaire à lui, mais il avait bien étudié les maux de la France. Le surlendemain, 25, il dit adieu, en pleurant, aux ministres de la religion qu'il abandonnait; et, escorté des princes, des grands officiers de la couronne et d'une nombreuse noblesse, il se dirigea vers l'église de Saint-Denis. Le bruit en était venu jusqu'à Paris; malgré les ordres de Mayenne et du corps de ville, une foule de Parisiens se rendirent sur son passage et l'accueillirent aux cris de: Vive le Roi!

Arrivé aux portes de la basilique, il frappa; l'archevêque

[ocr errors]

Je

de Bourges parut. « Qui êtes-vous? lui demanda-t-il. suis le roi. Que demandez-vous? A être reçu au giron de l'Église catholique, apostolique et romaine. Il s'agenouilla et fit sa profession de foi. « Je jure, dit-il, devant la face du Dieu tout-puissant, de vivre et de mourir en la religion catholique; de la protéger et défendre envers et contre tous, au péril de mon sang et de ma vie, renonçant à toutes hérésies contraires à icelle. »

Quelques prédicateurs de la Ligue essayèrent vainement de présenter cet acte comme une hypocrisie. « On l'a vu, disait l'un d'eux, en une même heure huguenot et catholique, et puis le voilà à la messe, et sonne le tambourin! » Le plus grand nombre regarda cette conversion comme le gage d'une patriotique réconciliation. Les états furent tués du coup. Ils déclarèrent qu'ils n'avaient point pouvoir pour régler la succession au trône, renouvelèrent le serment d'union, ordonnèrent la publication du concile de Trente, pour faire quelque chose, et se dispersèrent au milieu de l'indifférence générale. Dans les provinces, la réaction se prononça davantage. Lyon s'insurgea contre le duc de Nemours et arbora le drapeau blanc; Meaux, Péronne, Montdidier, Vitry, Orléans, entraînèrent leurs gouverneurs. Le sacre, qui eut lieu dans la cathédrale de Chartres (27 février 1594), augmenta ces dispositions. Là où l'entraînement populaire ne suffisait pas, Henri aida au dénoûment par d'habiles négociations. Ainsi il acheta Paris à Brissac par un bâton de maréchal, les gouvernements de Mantes et de Corbeil, et 200 000 écus.

Brissac prit soin que rien ne vînt rompre son marché; il éloigna ou occupa les troupes dont il se défiait. Le 21 mars au matin 4000 hommes d'élite se présentèrent à la porte Saint-Denis et à la porte Neuve. Quelques Allemands qui s'y trouvaient, mirent bas les armes. Les troupes royales en bon ordre descendirent au centre de Paris et occupèrent silencieusement les principales places. Le peuple ne montra d'abord que de la stupéfaction. Mais quand le roi se présenta, reçu par Brissac et le prévôt des marchands, l'Huillier, moitié souriant, moitié menaçant, les cloches sonnèrent à pleines volées, et les cris de : « Vive la paix! Vive le roi!» le saluèrent. Quelques ligueurs qui voulurent remuer furent contenus par les gardes bourgeoises. La garnison espagnole, au nombre de 3000 hommes, se cantonna dans le faubourg

Saint-Antoine, espérant d'abord y faire résistance. Quand elle sut le roi au Louvre et toute la ville satisfaite ou tranquille, elle se résigna à sortir avec les honneurs de la guerre. L'ambassadeur, duc de Féria, passant avec elle sous les fenêtres du palais, ne fit au roi qu'un maigre salut. « Messieurs, dit Henri avec son ironie habituelle, recommandez-moi à votre maître, mais n'y revenez plus ! » Ils n'y étaient que trop venus! Un ligueur, Villeroy, en fait l'aveu. « Nous n'avons soutenu la guerre depuis le commencement que des deniers du roi d'Espagne et avec ses forces. »

Soumission des ligueurs. Le roi avait la capitale, où le parlement épuré et restauré abolit les arrêts rendus contre lui, où la Sorbonne reconstituée le reconnut pour vrai et légitime roi, mais il n'avait pas toute la France; les Espagnols y étaient encore, et les chefs ligueurs comptaient ne sortir de cette longue tourmente que les mains bien garnies.

[ocr errors]

Henri marcha d'abord contre les Espagnols et les Lorrains, fortement établis dans quelques places de la frontière du nord, surtout à Laon. Un de ses partisans les plus dévoués, dont le rôle grandissait chaque jour, Maximilien de Béthune, baron de Rosny, plus tard duc de Sully, fut chargé des traités et eut ordre « de n'y point user de façons ni remises, Henri voulant à tout prix marier son royaume à la paix. » La présence seule du roi fit déclarer Abbeville malgré d'Aumale, Troyes et Sens malgré les Lorrains. Biron, le fils du maréchal récemment mort à Épernay, aussi brave et habile que son père, commença avec 8000 hommes les tranchées autour de Laon, tint tête à une armée de secours arrivée des Pays-Bas, et emporta la ville dont la reddition décida celle d'Amiens, de Beauvais, de Château-Thierry et de Cambrai.

Le siége en règle fait par les promesses et l'argent de Sully à la Ligue eut des résultats encore plus prompts. Villars-Brancas livra Rouen et la Normandie pour la charge d'amiral et 60 000 livres de pension. Le fils du Balafrė, Guise, céda ses places en Champagne pour 24000 livres de pension et le gouvernement de la Provence (nov. 1594): le duc de Lorraine fit sa paix pour 900 000 écus et le gouvernement de Toul et de Verdun. On félicitait un jour Henri IV de ce.que ses loyaux sujets lui avaient rendu son royaume : << dites vendu,» s'écria-t-il. Sully estime qu'il lui en coûta 32 millions qui en vaudraient quatre ou cinq fois autant au

[graphic][merged small][subsumed]
« ForrigeFortsæt »