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mission (30 prairial, 18 juin 1799). Mais il importait peu de changer les hommes, puisque la cause du mal était dans les institutions mêmes. L'anarchie continua. Ce ne furent plus les royalistes, comme avant le 18 fructidor, qui essayèrent d'en profiter, mais les restes du jacobinisme. Le club du Manége, qui comptait parmi ses membres Jourdan, Augereau et Bernadotte, alors ministre de la guerre, se répandit en motions violentes contre le Directoire, ainsi qu'avait fait autrefois la société royaliste de Clichy. Le gouvernement triompha sans peine de ce parti en réveillant les souvenirs de 93 et en excitant les alarmes des modérés. On destitua Bernadotte, on ferma le club du Manége, et le Directoire continua d'être méprisé (août et septembre 1799).

C'est à ce moment que Bonaparte abordait à Fréjus.

Journée du 18 brumaire (9 novembre 1799). – Son retour fut accueilli par des transports qui lui montrèrent qu'il était maître de la situation. Aussitôt, en effet, les partis l'entourent et lui proposent le pouvoir. Il se montre réservé, impénétrable. Il s'enferme dans sa petite maison de la rue Chantereine, qu'on appelle à cause de lui rue de la Victoire, et il semble ne vivre que pour sa sœur, pour sa femme Joséphine Beauharnais, qu'il avait épousée après le 13 vendémiaire, pour ses collègues de l'Institut, dont il porte le costume lorsqu'il lui faut paraître dans quelque cérémonie publique. Cependant il observe et calcule.

Le pays repousse les royalistes, parce qu'il ne veut pas retourner à l'ancien régime; il repousse les Jacobins, parce qu'il ne veut pas retourner à 93. Il est bien décidé à garder la Révolution. Mais la Révolution est double: elle est sociale et politique: elle a été faite pour obtenir l'égalité et la liberté. Or l'anarchie compromet ces deux biens: pour sauver l'un, la France ajourne l'autre; elle se jette dans les bras de Bonaparte; elle lui demande de garantir les conquêtes sociales de la Révolution en assurant l'ordre, le premier besoin d'une société ; la liberté reviendra plus tard. Et Bonaparte accepte.

Tout le monde conspirait : Sièyès dans la Directoire, Fouché et Talleyrand dans le ministère, cent autres dans les Conseils. « Il faut, disait Siéyès, pour sauver la France, une tête et une épée. » Il réservait à Bonaparte le rôle de l'épée.

Le 18 brumaire, la majorité du conseil des Anciens décrète la translation des deux Conseils à Saint-Cloud, et confie l'exé

cution du décret à Bonaparle, qui reçoit le commandement de toutes les troupes. Trois membres du Directoire, Siéyès, Roger-Ducos et Barras, donnent leur démission; Moulins et Gohier, qui refusent la leur, sont mis en surveillance au Luxembourg. En même temps, Paris se couvre de troupes. Le lendemain, Bonaparte se rend à Saint-Cloud. Il va d'abord aux Anciens : « La patrie, dit-il, n'a pas de plus zélé défenseur que moi. Mais c'est sur vous seuls que repose son salut. Il n'y a plus de gouvernement, les dangers sont pressants. Évi

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tons de perdre deux choses pour lesquelles nous avons fait tant de sacrifices: la liberté et l'égalité...

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Et la constitution? lui crie-t-on. La constitution, vous l'avez violée vousmêmes au 18 fructidor, au 22 floréal, au 30 prairial.... Je ne parle pas ainsi pour m'emparer du pouvoir. Le pouvoir, on me l'a offert depuis mon retour à Paris. Les différentes factions sont venues sonner à ma porte; je ne les ai pas écoutées, parce que je ne suis d'aucune coterie, parce que je ne suis que du grand parti du peuple français.... >> Aux CinqCents des cris furieux l'accueillirent: « A bas le dictateur! A bas les baïonnettes! » crie-t-on de toutes parts lors

qu'il entre dans la salle, suivi de quelques grenadiers. Il est entouré, pressé, menacé; il faut que ses grenadiers l'arrachent du milieu des groupes. Les députés demandent sa mise hors la loi. Lucien son frère, qui préside le conseil, essaye en vain de le justifier. Ne pouvant se faire entendre, il dépose ses insignes, sort de la salle et harangue les troupes : « La majorité du conseil, dit-il, est opprimée par une poignée de faclieux. >> Au nom du peuple, il somme les soldats d'expulser ces agitateurs. Alors, sur l'ordre de Bonaparte, le général Leclerc envahit l'Assemblée; le tambour couvre la voix des députés qui protestent, et la salle est évacuée sans effusion de sang. Le conseil des Anciens, resté seul en séance, défère le pouvoir exécutif à trois consuls provisoires, Bonaparte, Siéyès et Roger-Ducos, et charge deux commissions, de 25 membres chacune, de reviser la constitution (9 et 10 novembre 1799.)

C'était la révolution qui abdiquait aux mains du pouvoir militaire et allait entrer avec lui dans une phase nouvelle. Au dedans, grâce à l'ordre qui va régner, elle s'enracinera dans le pays de manière à n'en pouvoir plus être arrachée. Au dehors, grâce aux conquêtes de nos soldats, ses principes se répandront sur l'Europe comme nos victoires. Mais après avoir plané sur presque toutes les capitales de l'Europe, notre drapeau tombera abattu sous les pieds d'un million de soldats, et la France échappera mutilée, sanglante, aux mains redoutables du puissant génie qui vient de la saisir. Le 18 brumaire commence cette longue chaîne de prospérité, de gloire, de. puissance inouïe, mais aussi de fautes et de revers lamentables, qui forme l'histoire du Consulat et de l'Empire'.

A un autre point de vue, c'était encore une journée, c'està-dire, un coup de force. Quelles leçons données aux peuples par ces perpétuelles insurrections de la Commune, de la Convention, du Directoire, des Conseils, enfin de l'armée! Et comment pouvait-il se former des citoyens respectueux de la loi, préoccupés de la modifier avec sagesse, au lieu de la déchirer avec colère, lorsque, depuis dix ans, rien ne marchait que par soubresauts violents.

1. Un juge non prévenu, le duc V. de Broglie dit dans ses Notes biographiques Le 18 brumaire fut une délivrance et les quatre années qui le suivirent furent une série de triomphes, au dehors sur les ennemis, au dedans sur les principes de désordre et sur l'anarchie. Ces quatre années sont avec les dix années du règne de Henri IV, la meilleure, la plus noble partie de l'histoire de France.

Fin da dix-huitième siècle. Quelques jours après cette révolution militaire expirait ce dix-huitième siècle, objet de tant de débats passionnés, qui fut à la fois sceptique et crédule, doux et terrible, de mœurs légères et d'esprit souvent frivole, mais qui mit au monde la grande pensée que la société, comme l'homme, doit s'améliorier sans cesse, et qui a tendu la main à tous les parias de la loi et de l'État, même de la nature. Serfs, nègres, hérétiques, aliénés, infirmes ont été par lui relevés et secourus. Notre sollicitude pour eux n'est qu'un héritage qu'il nous a légué. Quelles qu'aient été ses fautes, il sera beaucoup pardonné à ce siècle « qui, dans l'ordre matériel, créa les sciences à l'aide desquelles l'homme a saisi sur la nature une domination inattendue et singulièrement accru son bien-être; qui dans l'ordre moral, a conquis la tolérance, recherché la justice, proclamé le droit, revendiqué l'égalité civile, recommandé la fraternité humaine, banni la cruauté des institutions pénales, repoussé l'arbitraire de l'administration publique, voulu faire de la raison le guide des intelligences, de la liberté le guide des gouvernements, du progrès l'ambition des peuples, de la loi la souveraine de tout le monde'. >>

CHAPITRE LXIII.

LE CONSULAT (10 NOVEMBRE 1799-18 MAI 1804).

Constitution de l'an VIII.

Siéyès, qui avait fait, avec Bonaparte, le 18 brumaire, tenait une constitution toute

1. Mignet, Éloge de M. Gérando. Remarques diverses.- Sous le Directoire, secte nouvelle, les théophilanthropes, dont la Réveillière-Lepeaux est le chef; établissement à Paris du Conservatoire des arts et métiers en 1798; première exposition des produits de l'industrie, 210 exposants (septembre 1798); organisation de l'École polytechnique (1797); rétablissement de l'impôt du sel à raison d'un sou par livre (1799).

2. Principaux ouvrages à consulter: Histoire du Consulat et de l'Empire, par M. Thiers; id., par Lacretelle; Histoire de la France et de Napoleon Bonaparte, de 1797 à 1815, par Thibaudeau; Histoire de France depuis le

prête; il la proposa. Elle était fort habilement calculée pour concilier la république et la monarchie, de manière à n'avoir ni les agitations de l'une ni le despotisme de l'autre. Mais ses rouages trop compliqués ne convenaient ni à la société de ce temps-là, pressée de se sentir gouverner, ni au général Bonaparte, qui avait le génie et la force nécessaires pour tirer la France du chaos. Le plan de Siéyès fut donc abandonné, du moins en ce qui regardait l'organisation du pouvoir exécutif, qui était le point capital, et le 15 décembre 1799 la constitution de l'an viii fut promulguée.

La mode des choses romaines durait encore. On eut des consuls, des sénateurs, des tribuns, des préfets, et bientôt on aura un empereur. Les consuls étaient au nombre de trois, élus pour dix ans et rééligibles, mais le premier avait seul toutes les prérogatives du pouvoir,les deux autres n'avaient que voix consultative. Ces trois consuls furent Bonaparte, Cambacérès et Lebrun.

Conseil d'État, Tribunat, Corps législatif. Dans les trois constitutions de la Constituante et de la Convention, le pouvoir exécutif avait été subordonné au pouvoir législatif. Cette fois le contraire arrivait. Les lois, préparées, sur l'ordre des consuls, par un Conseil d'État, dont les membres, nommés par les consuls, pouvaient être révoqués par eux, étaient discutées par le Tribunat, composé de 100 membres, votées ou rejetées par le Corps législatif, qui comptait 300 députés. Le tribunat exprimait sur les lois faites ou à faire, sur les abus à corriger, les améliorations à introduire, etc., des vœux que le gouvernement prenait ou ne prenait point en considération. Quand une loi, après l'examen des tribuns, était portée au Corps législatif, où trois conseillers d'État, orateurs du gouvernement, devaient la défendre, trois orateurs du Tribunat venaient ou la soutenir ou la combattre. Aucun membre du Corps législatif n'avait le droit d'intervenir au débat. Ils votaient en silence, comme un grand jury national, sur une cause contradictoirement débattue.

Ainsi, par défiance du pouvoir exécutif, la Convention l'avait divisé en créant cinq directeurs, par défiance du pouvoir

18 brumaire, par M. Bignon; Histoire des cabinets de l'Europe pendant le Consulat et l'Empire, par M. Armand Lefebvre; le Mémorial de SaintHélène, et les OEuvres de Napoléon; les Mémoires et la correspondance du roi Joseph; Correspondance de Napoléon: Napoléon ou Recueil par ordre chronologique de ses Lettres, Discours, etc., par Kermoysan.

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