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à la royauté un dernier combat. Une nouvelle imprudence des alliés vint les servir à point. Le 26 juillet 1792, le duc de Brunswick, général de l'armée prussienne, avait publié un manifeste pour annoncer qu'il venait, au nom des rois, rendre à Louis XVI son autorité. Il menaçait de traiter comme rebelles les villes qui oseraient se défendre, de faire fusiller les habitants pris les armes à la main, et, si les Tuileries étaient insultées, de livrer Paris à une exécution militaire. Le défi fut accepté, une pétition signée par les sections (9 août) demanda la déchéance du roi, et la déchéance avant la fin du jour, ou bien on attaquerait le château. A minuit le tocsin sonne et on tire le canon d'alarme; le peuple des quartiers Saint-Marceau et Saint-Antoine s'assemble, et le matin, bien pourvu de canons, de fusils et de cartouches, avec plusieurs sections de la garde nationale, il enveloppe les Tuileries'. Louis XVI, entouré des Suisses, de quelques nobles et gardes nationaux, pouvait se défendre; mais les derniers passent au peuple, l'assassinat de l'énergique commandant Mandat désorganise la résistance, et le roi se décide avant que l'attaque commence (7 heures du matin) à se réfugier au sein de l'Assemblée. Il s'y rend avec toute sa famille, non sans péril; et comme l'Assemblée ne pouvait légalement délibérer, le roi étant dans son sein, on lui donna asile dans la loge du logographe, où il resta deux jours. Cependant des ordres contradictoires paralysent l'ardeur des Suisses et des nobles demeurés dans le château, qui après un combat court et sanglant est envahi et saccagé. Ses défenseurs furent égorgés dans les appartements, dans le jardin, dans les rues voisines 2000 personnes périrent. Les vainqueurs vinrent défiler en triomphe devant l'Assemblée, en lui dictant deux ordres déchéance du roi, convocation d'une Convention nationale. Elle obéit au second, non au premier, laissant cette lourde responsabilité à ses successeurs, et se contenta de suspendre le pouvoir exécutif. L'émeute comptait donc une nouvelle victoire et le peuple s'habituait à substituer les coups de main au jeu régulier des institutions, habitude qui nous a valu vingt révolutions en 80 ans. L'Angleterre a

1. La grande cour des Tuileries était alors séparée de la place du Carrousel par un mur au milieu duquel il y avait une porte cochère, et divisée par d'autres murs intérieurs en trois parties avec communication au pied du château au midi, la cour de Flore; au centre, la cour royale; au nord, la cour de Marsan,

procédé autrement. Depuis 1688, elle n'a eu, au lieu d'insurrections sanglantes, que des changements de ministres : chacun en haut, comme en bas, y a pratiqué le respect de la loi et on y a tout attendu de la discussion, rien de la force.

Louis XVI sortit de l'Assemblée pour être conduit à la prison du Temple. Un parti sans scrupule, celui de la Commune', devenait le maître; il avait à sa tête Danton, ministre de la justice, le Mirabeau de la populace. Les dangers du dehors changèrent son énergie en fureur.

Prise de Longwy et de Verdun; massacres de septembre (1792). · Les Prussiens venaient de prendre Longwy, le bruit se répand qu'ils sont dans Verdun, qu'ils franchissent la Meuse, qu'ils s'ouvrent la Champagne. On propose dans l'Assemblée de se retirer au delà de la Loire. Danton démontre que livrer Paris, c'est livrer la France. Comme on tirait le canon, il s'écrie: « Le canon que vous entendez n'est pas le canon d'alarme, c'est le pas de charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, pour les atterrer, que faut-il? de l'audace, encore de l'audace, et toujours de l'audace. » Mais Danton poussait l'audace jusqu'au crime. Il crut qu'avant d'aller vaincre les ennemis du dehors il fallait exterminer ceux du dedans, au moins faire peur aux royalistes. C'est alors qu'il ordonna ou laissa ordonner par le comité de surveillance, dont Marat était membre, ces affreux massacres des 2, 3, 4, 5 et 6 septembre, qui ensanglantèrent toutes les prisons de Paris. Une bande de quatre à cinq cents égorgeurs, soudoyés par la Commune, s'empara des prisons. Les uns se constituèrent en tribunal, les autres servirent de bourreaux. On appelait les prisonniers, suivant l'ordre du registre d'écrou, et, après quelques questions, ils étaient mis en liberté au cri de: « Vive la nation! « ou conduits dans la cour de la prison et dépêchés à coups de sabre, de pique, de hache et de massue. Il n'y eut point de pitié pour les prêtres non assermentés, les Suisses, les gardes du corps, les royalistes avoués. La princesse de Lamballe, l'amie de la reine, fut déchirée en lambeaux, et sa tête promenée dans les rues, jusque sous les fenêtres de la prison du Temple. Après

1. C'est-à-dire celui dont les chefs avaient su se faire élire à toutes les charges municipales de Paris, et qui, par conséquent, avait les moyens de soulever à son gré le peuple et de le jeter sur le château, comme au 10 août, ou sur l'Assemblée, comme il arriva plus tard aux 31 mai et 2 juin 1793.

avoir égorgé les prisonniers politiques, ils égorgèrent les prisonniers de toute classe; à la Salpêtrière, des femmes; à Bicêtre, des pauvres, des fous, des enfants. Le chiffre des morts s'éleva à 966. A Reims, à Meaux, à Lyon, à Orléans il y eut aussi des victimes; à Versailles, 46. L'Assemblée, terrifiée et impuissante, n'avait rien su arrêter. La Révolution, commencée au nom des principes de justice et de fraternité, venait de se laisser marquer d'une tache de sang ineffaçable.

Victoire de Valmy (30 septembre 1792). . Mais le courage de nos soldats permet de détourner les yeux de ces abominables scènes pour contempler une des plus heureuses victoires de nos longues guerres. Quelques jours après les massacres, Dumouriez, à la tête de la jeune armée française gagnait la victoire de Valmy. 160 000 Prussiens et Impériaux étaient partis de Coblentz le 10 juillet, divisés en plusieurs corps. La France n'avait à leur opposer que 96000 hommes sans discipline, sans confiance en eux-mêmes ni en leurs chefs, et qui, il faut bien le dire, car les armées fermes et solides ne s'improvisent point, n'eussent pu empêcher l'ennemi d'arriver jusqu'à Paris, si l'ennemi eût été habile et la marche prompte. Le 22 août il n'était encore qu'à Longwy, dont il s'empara: Verdun ouvrit ensuite ses portes. Le commandant Beaurepaire voulait se défendre. Le conseil municipal s'y opposa : « J'ai juré, s'écria Beaurepaire de sauver la place ou de périr, je tiendrai mon serment; » et tirant un pistolet, il se fit sauter la cervelle dans la salle même du conseil (2 sept.). Un soldat refusa aussi de capituler. A l'approche des Prussiens il déchargea sur eux son fusil. Saisi aussitôt, il fut laissé libre, quoique gardé à vue, en attendant qu'on décidât de son sort. C'était un beau jeune homme au regard assuré, à la contenance calme et fière. Près du poste où on le gardait était un pont de la Meuse, il gravit le parapet, reste un instant immobile, puis se précipite dans le gouffre et y meurt. Voilà où les âmes étaient alors montées.

Cet acte d'héroïque énergie fit-il réfléchir Brunswick? Il ne trouvait pas la France telle que les émigrés la représentaient; et quoiqu'il n'y eût pas une seule place forte entre son armée et Paris, il hésitait à s'enfoncer au milieu de ce peuple irrité. Il s'étendit lentement derrière la Meuse; Dumouriez eut le temps d'accourir, et montrant à ses lieutenants les défilés de l'Argonne : « Voilà les Thermopyles de la

France, dit-il. Il les occupa, forma en arrière deux camps retranchés sous Reims et Châlons, un autre à Meaux, où on recevait les soldats qui accouraient de tous côtés. Deux mille volontaires sortaient chaque jour de Paris.

Cependant un des défilés fut forcé; la route de Châlons était libre. Dumouriez, au lieu de se réfugier sous cette ville, persiste à rester dans l'Argonne, pays de facile défense, et à s'établir au besoin sur les derrières des Prussiens. Ceux-ci s'arrêtent pour le combattre. Kellermann venait de le rejoindre. L'effort principal porta sur la butte de Valmy, où Kellermann avait pris position avec ses conscrits, que les émigrés appelaient des tailleurs et des cordonniers; mais il se trouva que ces courtauds de boutique respiraient, comme de vieux soldats, l'odeur de la poudre. Ces conscrits supportèrent le feu avec un sang-froid sur lequel l'ennemi ne comptait pas. L'action ne fut guère qu'une canonnade de plusieurs heures. Les obus ayant mis le feu à quelques caissons des batteries françaises, l'explosion blessa ou tua beaucoup de monde, et il y eut un moment de désordre. Brunswick en profita pour lancer son infanterie en colonnes d'attaque. Kellermann les laisse avancer sans tirer un coup de feu, puis se met au premier rang, et, au cri de Vive la nation! que toute la ligne répète, s'apprête à charger l'ennemi à la baïonnette. Ce cri immense qui se prolonge durant plusieurs minutes, cette fière attitude, arrêtent les Prussiens; le canon de Dumouriez laboure le flanc de leur colonne; ils redescendent à la hâte et Brunswick fait cesser l'action.

Le lendemain de Valmy, la Convention se réunissait et proclamait la république. Sa première réponse aux négociations proposées par Brunswick fut digne du vieux Sénat de Rome: « La république française ne peut entendre aucune proposition avant que les troupes prussiennes aient entièrement évacué le territoire français. Les Prussiens, cruellement décimés par la disette et les maladies, commencèrent le 1er octobre leur mouvement pour sortir de France.

Défense de Lille: victoire de Jemmapes. · Pendant que Dumouriez arrêtait à Valmy l'armée d'invasion, mais la poussait mollement dans la retraite, Custine, le long du Rhin, avait pris l'offensive, enlevé Spire, Worms, même la grande ville de Mayence. Sur les Alpes, Montesquiou conquit la Savoie, et Anselme le comté de Nice. Aux Pays-Bas, les Autrichiens avaient attaqué Lille avec une barbarie sau

vage; ils y avaient lancé six jours durant de bombes et des boulets rouges, qui y brulèrent quatre cent cinquante maisons, en endommagèrent sept à huit cents, mais ne purent vaincre la constance de cette patriotique cité (20 sept.-7 oct.) On vint dire sur le rempart à un canonnier que sa maison brûlait : « Mon poste est ici, dit-il, feu pour feu; » et il continua de servir sa pièce. Dumouriez arrivait avec l'armée de Valmy pour venger cette cruauté inutile. Il gagna la bataille de Jemmapes (6 novembre), qui nous donna les Pays-Bas. Le 13 novembre il entrait à Bruxelles. Un de ses lieutenants à Valmy et à Jemmapes avait été le fils du duc d'Orléans, plus tard le roi Louis-Philippe.

Ainsi, dès la première campagne, la France nouvelle, formant sous le feu ses jeunes soldats, repoussait l'attaque des rois et mettait la main sur les terres à demi françaises que Louis XIV lui-même n'avait pu saisir.

A Valmy, le grand poëte de l'Allemagne, Goethe, se trouvait dans l'armée prussienne, non comme soldat mais en curieux, car c'était moins une guerre que les coalisés croyaient faire qu'un voyage à Paris, une course rapide et au bout une entrée triomphale. Il partageait leur confiance présomptueuse; le canon de Valmy dissipa cette fumée. Le soir, au bivac, on demandait au poëte de chasser avec sa verve ordinaire les sinistres pressentiments qui déjà s'éveillaient. Mais ils l'avaient saisi lui-même; il resta longtemps silencieux. Lorsqu'il parla enfin, sa voix était grave, solennelle, et il ne dit que ces mots: En ce lieu et dans ce jour, commence une nouvelle époque pour l'histoire du monde. »

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10 août. La Convention n'avait plus qu'à écrire dans la loi ce qui existait déjà dans les faits: son premier acte fut de pro

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