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aventureuse; le Béarnais Ducasse, gouverneur de Saint-Domingue; Pointis, qui enleva Carthagène en Amérique et y fit un immense butin; Cassart, qui, tombé un jour avec un seul bâtiment au milieu de 15 navires ennemis, se bat douze heures, coule un vaisseau anglais, en démonte deux, puis s'échappe. « Je donnerais toutes les actions de ma vie, disait un de nos plus braves chefs d'escadre, pour une seule des siennes. >>

C'était Duguay-Trouin qui parlait ainsi. Il était fils d'un armateur de Saint-Malo, né en 1673, et fit ses premières armes sur des vaisseaux de sa famille. A dix-huit ans on lui confia un navire de 14 canons. Depuis ce jour il marqua chaque année par des courses plus hardies, par des prises plus nombreuses; mais le temps de la grande guerre était passé quand Duguay-Trouin fut appelé dans la marine militaire; son brevet de capitaine est de 1706. Alors il n'y avait plus que des combats individuels à soutenir, des convois à enlever, les côtes ennemies à désoler. Duguay-Trouin fit cette guerre comme Jean-Bart l'avait faite dix ans auparavant. Il eût pu remplir un rôle plus important. Il en donna la preuve dans son expédition contre Rio Janeiro, où la vigueur de l'exécution répondit à la hardiesse du plan (6 octobre 1711). Cette place, qui semblait imprenable, fut enlevée après 11 jours teur de Dunkerque. La guerre changea l'armateur en corsaire, et le commerce anglais et hollandais eut singulièrement à souffrir, dans la mer du Nord, de ses courses hardies, qui on fait de lui le marin le plus populaire de la France. Nul ne connaissait plus que lui les passes, les courants, l'heure des marées, et les plus braves égalaient à peine son courage. Le bruit de ses exploits étant venu jusqu'à Seignelay, il se hâta d'appeler un tel homme dans la marine militaire. En 1689, Jean-Bart et Forbin furent faits prisonniers, après un combat inégal contre deux vaisseaux anglais; mais ils s'échappèrent de prison, franchirent la Manche sur une barque et recommencérent aussitôt leurs courses. En 1691, Louis XIV voulut voir à Versailles le brave capitaine dont tout le monde parlait, et lui annoncer lui-même qu'il le faisait chef d'escadre. Sire, vous avez bien fait, répondit le marin. Les courtisans rirent aux éclats de cette naïvete. Les ennemis n'en rirent pas. On armait pour Jean-Bart 7 frégates dans Dunkerque. 40 vaisseaux vinrent bloquer le port: Jean-Bart traversa la ligne de blocus, et courant toute la mer du Nord, enleva les convois, prit les navires qui leur servaient d'escorte et fit une descente sur les côtes d'Écosse. Dans cette campagne, il brûla plus de 80 navires ennemis et entra à Dunkerque avec 1 500 000 francs de prises. En 1692, il dispersa la flotte hollandaise de la Baltique, et l'année suivante aida Tourville à la journée de Lagos. En 1694, on manquait de blé, il fit entrer un convoi de grains à Dunkerque et dégagea un autre convoi, enlevé par les Hollandais, dont il prit à l'abordage le vaisseau amiral. Il montra encore en 1697 ce que la France peut faire avec la guerre de course. Une pleurésie l'enleva à cinquante ans, en 1702, au moment où il eût été le plus nécessaire à la France. Les Anglais se souvenaient de lui quand ils demandèrent la destruction de Dunkerque

d'attaque. 60 navires marchands, 3 vaisseaux de guerre, 2 frégates et une immense quantité de marchandises furent pris ou brûlés. La ville souffrit un dommage de plus de 23 millions.

Malheureusement les exploits de ces braves marins n'eurent aucune influence sur la guerre.

Succès de Villars sur le Rhin (1711); traités d'Utrecht, de Rastadt et de Bâle (1713-1714). — La victoire de Denain hâta la conclusion de la paix. Il y eut trois traités celui d'Utrecht (11 avril 1713), entre la France, l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande, la Savoie et le Portugal; celui de Rastadt (7 mars 1714), entre la France et l'Empereur; celui de Bade (7 juin 1714), entre la France et l'Empire, Le traité de Rastadt fut retardé d'une année par l'obstination de l'empereur Charles VI, qui continua la guerre malgré l'abandon de ses alliés. Villars, envoyé sur le Rhin, où il se trouva en face d'Eugène, déconcerta encore les Impériaux par l'impétuosité de ses attaques. Il reprit Landau, escalada avec ses grenadiers, que son courage électrisait, la montagne de Roskhof, dont les lignes formidables couvraient Fribourg, et emporta cette ville. Ces succès obligèrent l'Empereur à donner enfin aux peuples le repos que, depuis longtemps, ils ne connaissaient plus.

Par ces traités, Louis XIV conservait les premières acquisitions de son règne : l'Alsace, l'Artois, le Roussillon, que la France devait à Richelieu et à Mazarin; la Flandre, où Lille lui était rendue, la Franche-Comté, Strasbourg, Sarrelouis, Landau, et aux colonies, les Antilles, Cayenne, Bourbon et le Sénégal; il acquérait la vallée de Barcelonnette, mais il abandonnait au duc de Savoie Exiles, Fénestrelles et ChâteauDauphin; à l'Angleterre Terre-Neuve, c'est-à-dire la grande pêche, la baie d'Hudson, ou le grand commerce de pelleteries, l'Acadie qui, avec ses ports abordables en toute saison, est l'avant-poste du Canada, où nous allions être bloqués : il faisait démolir et combler le port de Dunkerque; il reconnaissait l'électeur protestant de Hanovre, Georges Ier, comme héritier présomptif de la reine Anne; il s'engageait à renvoyer de France le prétendant Jacques III, à ouvrir les prisons à ceux de ses sujets qui y étaient retenus pour cause de religion, et à ne se faire donner par l'Espagne aucun privilége commercial exclusif, tandis qu'il accordait lui-même à l'Angleterre pour son négoce des avantages considérables, et

lui cédait le monopole de la traite des nègres sur la côte d'Afrique pour approvisionner d'esclaves les colonies espagnoles commerce immense et très-lucratif, un noir étant vendu à la Havane trois ou quatre fois son prix d'achat.

Philippe V gardait l'Espagne et ses immenses colonies; mais il renonçait, pour lui et ses enfants, à la couronne de France il cédait aux Anglais Gibraltar, forteresse imprenable, et Minorque, qui a un des meilleurs ports de la Méditerranée (Port-Mahon); au duc de Savoie, la Sicile; à l'Empereur, les Pays-Bas, le Milanais, le royaume de Naples et la Sardaigne.

Le duc de Bavière, allié malheureux de Louis XIV, était rétabli dans ses États. L'électorat de Brandebourg, érigé depuis 1700 en royaume de Prusse, était agrandi de la Gueldre. Le titre de roi était aussi reconnu au chef de la maison de Savoie, qui le convoitait depuis un siècle. Enfin, la Hollande obtenait le droit de mettre garnison dans les plus importantes places des Pays-Bas autrichiens, pour s'en servir comme d'une barrière contre la France, et jusqu'en 1787, elle se fit donner annuellement 1 250 000 florins par les Flamands, pour être les maîtres chez eux.

Ces conditions étaient honorables, si l'on se rappelle les propositions humiliantes des triumvirs à la Haye, et surtout leurs espérances. La France, on peut le dire, s'était sauvée elle-même par sa persévérance, sa forte unité, l'énergie de son roi, et c'était elle qui avait remporté la dernière victoire : elle sortait de cette terrible épreuve, affaiblie, mais non humiliée, et avec les honneurs de la guerre.

Deux puissances avaient surtout gagné à cette guerre : l'Autriche, de magnifiques domaines en Italie et aux PaysBas; l'Angleterre, l'empire des mers, qu'elle avait saisi. En outre, l'une avait recouvré la Hongrie, qui lui était plus nėcessaire que l'Italie; l'autre restait à Port-Mahon, d'où elle pouvait tenir Toulon en échec, et à Gibraltar, d'où elle menaçait l'Espagne et gardait l'entrée de la Méditerranée. Mais les Espagnols, en quittant les Pays-Bas, cessaient aussi d'avoir contre nous une cause permanente de guerre, et, après avoir été durant deux siècles nos ennemis, pouvaient maintenant devenir à jamais nos alliés.

Nombreuses morts dans la famille royale (1712Les dernières années du règne de Louis XIV furent aussi tristes que les premières avaient été brillantes.

1714).

Aux malheurs nationaux vinrent se joindre pour le roi de cruelles afflictions domestiques: il perdit son fils unique, le grand dauphin (14 avril 1711); la seconde dauphine (le 12 février 1712), et son mari le duc de Bourgogne (le 18); leur fils aîné le duc de Bretagne (8 mars); le duc de Berry, fils du grand dauphin, en 1714. De sa nombreuse famille, il ne restait à Louis que son petit-fils, Philippe V, roi d'Espagne, et son arrière-petit-fils, le duc d'Anjou, alors âgé de 5 ans, qui fut Louis XV.

Tant de pertes arrivées coup sur coup décidèrent le roi à prendre une mesure qui était un nouvel attentat à la moralité publique et comme une réhabilitation de l'adultère : ses fils légitimés, le duc du Maine et le comte de Toulouse, nés de la marquise de Montespan, furent déclarés héritiers de la couronne à défaut de princes du sang. Il les appela, par son testament, à faire partie d'un conseil de régence, composé en majorité de leurs amis et dont le duc d'Orléans, son neveu, n'eut que la présidence; le duc du Maine obtint en outre la tutelle et une autorité sans contrôle sur la maison militaire, avec la surintendance de l'éducation du jeune roi, dont le maréchal de Villeroi était nommé gouverneur. Ce testament était un acte malheureux'. Il faisait planer sur le duc d'Orléans le soupçon de vouloir supprimer l'héritier légitime pour prendre sa place et il organisait la guerre au sein même du gouvernement. Louis XIV léguait l'anarchie à la France.

Mort du roi (1715). Louis XIV mourut le 1er septembre 1715, à l'âge de 77 ans, après en avoir régnė 72. Il laissait la France dans un épuisement prodigieux. L'État était ruiné et semblait n'avoir d'autre ressource que la banqueroute. Avant la guerre de la succession, Vauban écrivait déjà : « Près de la dixième partie du peuple est réduite à mendier; des neuf autres parties, cinq ne peuvent faire l'aumône à celle-là, dont elles ne diffèrent guère; trois sont fort malaisées; la dixième ne compte pas plus de 100 000 familles, dont il n'y a pas 10 000 fort à l'aise2. » Que fut-ce donc

1. Il le sentait confusément, mais cédait aux obsessions intéressées de Mme de Maintenon,. témoin la conversation de Saint-Germain, avec la Veuve de Jacques II, que Saint-Simon et Berwick rapportent dans les mêmes termes.

2. Dime royale, collection des économistes, t. I, p. 34. Fénelon écrivait an roi, en 1694: Vos peuples meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée; les villes et les campagnes se dépeuplent, tous

en 1715, après cette terrible guerre où l'on s'était vu contraint d'emprunter à 400 pour 100', de créer de nouveaux impôts, de consommer à l'avance les revenus de deux années, et d'élever la dette publique à la somme de 2 milliards 400 millions, qui feraient aujourd'hui près de 8 milliards?

L'acquisition de deux provinces (Flandre, Franche-Comté) et de quelques villes (Strasbourg, Landau, Dunkerque) n'était pas une compensation à de si affreuses misères, et, en se souvenant de l'état de l'Europe en 1661, on pensera que Louis XIV n'a pas tiré de la situation tout ce qu'elle offrait d'avantageux pour la France. Mais les fils oublient bien vite les souffrances de leurs pères; les générations suivantes n'ont voulu se rappeler que tant de victoires, l'Europe bravée, la France pendant 20 années prépondérante, enfin l'éclat incomparable de cette cour de Versailles et ces merveilles des lettres et des arts qui ont fait donner au dix-septième siècle le nom de siècle de Louis XIV. C'est à l'histoire de montrer le prix dont la France a payé l'œuvre impossible de son roi au dehors dominer l'Europe, ce qui amena les haines, les coalitions, enfin les désastres des dernières années; au dedans asservir les volontés et les consciences, ce qui provoqua la terrible réaction de l'âge suivant.

CHAPITRE LIII.

GOUVERNEMENT DE LOUIS XIV2.

Affermissement de la monarchie absolue. - Si l'administration du royaume fut l'œuvre des ministre de Louis XIV,

les métiers languissent. Tout le commerce est anéanti. (OEuvres de Fénelon, édit. Didot, t. III, p. 427.) Les procès-verbaux de visite constatèrent qu'en 1715, dans l'élection de Limoges, un cinquième des fermes étaient abandonnées. (Dareste, Histoire des classes agricoles, p. 285.)

1. Dutot.

2. Ouvrages à consulter: Saint-Simon, Mémoires; Boisguilbert, Détail de la France sous le règne actuel, Cologne, 1707; Lemontey, Essai sur l'é

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