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fendirent à coups de pierre. Le duc de Guise, accouru à l'aide des siens, fut atteint à la joue; alors toute sa suite se jeta sur ces malheureux sans armes, en tua soixante, en blessa plus de deux cents, sans distinction d'âge ni de sexe. Quelques jours après, à Sens, dont le cardinal de Lorraine était archevêque, d'autres furent massacrés en revenant du prêche. Première guerre civile (1562). Ce fut le signal d'une guerre qui, sept fois suspendue par des traités précaires, recommença sept fois, et, pendant trente-deux années, couvrit la France de sang et de ruines. A la nouvelle du massacre de Vassy, les huguenots prirent partout les armes ; le duc de Guise enleva le roi de vive force, avec sa mère, dans Fontainebleau, et l'amena à Paris, où les protestants étaient en petit nombre. « Quant à la force nerveuse et asseurée de quoi ceux de la religion fesaient état, dit Castelnau, elle consistait en 300 gentilshommes et autant de soldats expérimentés aux armes; plus en 400 écoliers et quelques bourgeois, volontaires sans expérience. Et qu'étoit-ce que cela contre un peuple infini, sinon une petite mouche contre un grand éléphant? » Mais hors de Paris, ils croyaient pouvoir compter sur le dixième de la population, et ils avaient pour eux la meilleure partie de la noblesse de province.

Ils proclamèrent Condé défenseur du roi et protecteur du royaume; en quelques semaines ils s'emparèrent de plus de deux cents villes, parmi lesquelles Rouen, Lyon, Tours, Montpellier, Poitiers, Grenoble, Orléans et Blois. Les Guise ne s'attendaient pas à des résolutions si promptes. Ils étaient mal préparés, mais ils avaient le roi entre leurs mains; ils firent déclarer les calvinistes rebelles, et Condé criminel de lèse-majesté. Philippe II, le champion du catholicisme par toute l'Europe, leur donna un corps de 3000 hommes de ces vieilles bandes espagnoles d'une bravoure froide et féroce. Condé, de son côté, recourait à la protestante Élisabeth, qui lui envoya autant de soldats pour défendre Rouen, à la condition qu'on lui livrerait le Havre, en gage des sommes qu'elle avançait. Ainsi, des deux côtés, on commettait le crime d'appeler l'étranger.

Dans le midi, la

Montluc et le baron des Adrets. guerre se fit partout à la fois, sans ordre et sans plan, selon les sollicitations de la haine ou de la vengeance, et avec ce caractère de cruauté qu'ont toutes les guerres civiles. On

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s'attaqua de ville à ville, de château à château, de maison à maison. A Toulouse, les calvinistes s'étant emparés du Capitole, le parlement les y assiégea, et il y eut une bataille de huit jours. A Montpellier, le baron de Crussol fit détruire, pour se défendre contre une armée catholique, tous les faubourgs, qui contenaient six couvents des plus beaux, quatre églises et la tour de l'université. Des chefs de bandes couraient les campagnes. Les protestants tuaient comme les catholiques, mais de plus dévastaient les églises, violaient les tombeaux, brisaient les statues. Que de chefs-d'œuvre périrent alors! Nos églises portent encore les traces de ces dévastations'. Deux chefs de parti se signalèrent entre tous par leurs cruautés : le catholique Blaise de Montluc, le boucher royaliste, dans le Languedoc et la Guyenne; le protestant des Adrets, dans la Provence et le Dauphiné. Le premier était toujours accompagné de deux bourreaux qu'il appelait ses laquais. « Il ne fit point le doux, dit-il lui-même, mais contre son naturel usa non-seulement de rigueur, mais de cruauté. » Il faillit un jour étrangler de ses propres mains un ministre protestant qui était venu pour négocier avec lui. Une autre fois, il en mit sur la roue 30 ou 40; dans une autre ville, il en fit pendre 70 aux piliers de la halle ; « ce qui donna une grande peur dans le pays, un pendu étonnant plus que cent tués. Et dans cette pensée, il multipliait les pendaisons. On pouvait connoître par où j'avois passé, car par les arbres, sur les chemins, on trouvoit les enseignes. >> Ces cruautés le rendirent maître de la Guyenne, dont il tenait, disait-il, avec la Garonne et la Dordogne, « les deux mamelles. >>

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Le baron des Adrets dut une reputation pareille à des actes semblables. Après la prise de Montbrison, il fit couper la tête à la moitié des défenseurs de la place, et força les autres à se précipiter du haut d'une tour sur la pointe des piques de ses soldats.

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Siége de Rouen (1562). Au nord, où se trouvaient les chefs, on combattit avec plus d'ensemble, et le destin de

1. A Orléans, en 1562, Condé et Coligny appienant que leurs gens dévastaient l'église de Sainte-Croix, y courent et font des efforts inutiles pour les arrêter; Condé saisit alors une arquebuse et couche en joue un homme qui brisait une statue : < Monsieur, lui crie cet homme, ayez patience que j'abatte cette idole; vous me tuerez après.. (Théodore de Bèze, Histoire des Eglises réformées, t. II, p. 32).

la guerre s'y décida. A la tête de l'armée catholique, qu'avait rejointe Antoine de Bourbon, le duc de Guise se dirigea sur Rouen. Cette ville, dominée par des hauteurs, n'était pas tenable; elle résista pourtant. Antoine de Bourbon y reçut une blessure dont il mourut; mais, au bout de quelques jours, la place fut emportée. Montaigne raconte qu'à ce siége on

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découvrit un gentilhomme protestant qui s'était chargé d'assassiner le duc de Guise. Le duc lui pardonna: « Or, lui ditil, je veux vous montrer combien la religion que je tiens est plus douce que celie de quoi vous faites profession: la vôtre vous a conseillé de me tuer sans m'ouïr, n'ayant reçu de moi aucune offense; et la mienne me commande que je vous pardonne, tout convaincu que vous êtes de m'avoir voulu tuer sans raison. » C'étaient de ces belles paroles que les ambi

tieux, qui veulent toutes les gloires, trouvent quelquefois, mais que leur vie dément. Le duc, en ce moment si magnanime, ne l'avait été ni à Vassy, ni à Amboise, où il répondait à une des victimes: « Mon métier n'est pas de parler, mais de couper les têtes; » il ne le fut pas davantage à Rouen. « Cette grande ville, dit Castelnau, pleine de toutes sortes de richesses, fut pillée l'espace de huit jours, sans avoir égard à l'une ni à l'autre religion, nonobstant que l'on eût, dès le lendemain de la prise, fait crier, sous peine de la vie, que chaque compagnie et enseigne, de quelque nation qu'elle fût, eût à sortir de la ville. » Après le pillage vinrent les exétions juridiques.

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Bataille de Dreux (1562). Condé, avec 7000 hommes de renfort qu'il reçut de l'Allemagne, tenta de réparer cette perte et vint attaquer les faubourgs de Paris. Repoussé par les Espagnols, il se replia vers le Havre pour y recueillir les Anglais et revenir en plus grande force, mais il fut contraint, par le duc de Guise, de s'arrêter près de Dreux (19 décembre). Quinze à seize milles hommes s'y trouvèrent en présence de chaque côté. Une bataille était inévitable. Les deux armées restèrent quelque temps face à face: « Chacun, dit la Noue, repensoit en soi-même que les hommes qu'il voyait venir vers soi n'étoient Espagnols ni Italiens, mais François, voire des plus braves, entre lesquels il y en avoit qui étoient ses propres compagnons, parents et amis, et que, dans une heure, il faudroit se tuer les uns les autres; ce qui donnoit quelque horreur du fait, néanmoins sans diminuer le courage. Condé enfonça le centre des catholiques, blessa et prit le connétable; mais les Suisses rétablirent le combat, et le duc de Guise acheva la victoire par un mouvement de flanc le prince de Condé fut pris.

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Mort du duc de Guise (fév. 1563). C'était un grand succès pour Guise. De ses deux rivaux d'influence, l'un, le maréchal de Saint-André, était tué; l'autre, Montmorency, était captif, et il tenait le chef même de l'armée huguenote. Il le traita chevaleresquement, voulut qu'il partageât son lit, et dormit bien à côté de cet ennemi mortel, qui avoua n'avoir pu fermer les yeux. On avait d'abord annoncé à Catherine de Médicis que la bataille était perdue. « Eh bien! avait-elle tranquillement répondu, nous prierons Dieu en français. » Les Guise l'effrayaient; et quand elle sut la vérité, ils l'effrayèrent bien davantage, malgré la joie qu'elle

affecta pour leur succès; elle parla de négocier et fit rendre un décret d'armistice pour tous ceux qui poseraient les armes. Mais Guise n'entendait pas qu'on relevât ceux qu'il avait abattus; il poussa vivement sa victoire et vint assiéger Orléans, afin de couper les communications entre les protestants du nord et ceux du midi. « Le terrier étant pris où les renards se retirent, disait-il, nous les courrons à force par toute la France. » La ville n'eût pas résisté longtemps sans un crime du fanatisme. Un protestant, Poltrot de Méré, exalté par les exemples de Judith et de Débora, d'Aod et de Jahel, passa dans son camp comme transfuge, et le trouvant seul un soir, le blessa mortellement d'un coup de pistolet.

C'était un grand capitaine; la France lui doit Calais et il lui conserva Metz; mais elle lui doit aussi les guerres de religion qui l'arrêtèrent trente années dans le sang et les ruines. Ces guerres pouvaient-elles être évitées? Je n'ose l'affirmer. Pourtant les Guise de moins dans le gouvernement, et l'Hôpital restait libre de pratiquer la sage politique qui donna en 1563 l'édit d'Amboise, et en 1598 l'édit de Nantes. Je sais que parler de tolérance à ces furieux qui regardaient comme acte méritoire de tuer quiconque priait Dieu autrement qu'eux, c'était leur parler une langue qu'ils ne comprenaient pas. Mais ce qui n'était plus possible après Orléans, après Vassy et Amboise, ne l'était-il pas auparavant? Le sang appelle le sang. On continua de s'égorger parce qu'on avait commencé de le faire; mais qui commença?

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Paix et édit d'Amboise (mars 1563). Guise mort, Condé et Montmorency captifs, la reine mère restait maîtresse du gouvernement. Elle savait bien ce qu'au fond voulaient ces ambitieux, le triomphe de leur croyance sans doute, mais surtout celui de leur pouvoir. Elle voyait la guerre civile ébranler le respect pour l'autorité royale. Quel roi? disaient les Huguenots, au rapport de Montluc, quand on leur parlait de Charles IX, nous sommes les rois. Celui que vous dites est un petit royot...; nous lui donnerons des verges et lui baillerons un métier pour lui faire apprendre à gagner sa vie comme les autres. Les paysans refusaient les anciens droits aux gentilshommes. « Qu'on nous montre dans la Bible, disaient-ils, si nous devons payer ou non. Si nos prédécesseurs ont été sots ou bêtes, nous n'en voulons point être. » Tout le vieil édifice social était ébranlé. Catherine de Médicis, pour arrêter cette hésitation, offrit la paix à Condé;

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