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Sur la matière cireuse de la canne à sucre;

PAR M. AVEQUIN,

Pharmacien à la Nouvelle-Orléans.

Un grand nombre de plantes laissent exsuder sur leurs feuilles ou sur leurs fruits une substance à laquelle on a donné le nom de cire végétale. Tingry, de Genève, est le premier chimiste qui en ait parlé. Proust avait depuis étendu la découverte de Tingry à un grand nombre de fruits, les prunes, les cerises; à presque toutes les feuilles, spécialement aux feuilles glauques. Les choux, les iris, plusieurs graminées, les roseaux en donnent aussi. Les giraumonts récoltés sous les tropiques sont recouverts d'une couche épaisse de cette matière; mais aucune plante n'en fournit autant que la canne à sucre.

Cette substance n'est pas identique sur tous les végétaux qui en produisent: on pourrait même affirmer qu'elle diffère toujours par quelques nuances dans ses propriétés physiques et chimiques, et que chaque végétal produit une substance cireuse qui lui est propre. Je me propose d'en fournir la preuve évidente dans une Notice sur cette matière. Celle qui existe sur la canne à sucre est une substance qui a quelque analogie avec la cire du myrica, et n'a jamais été examinée, du moins que je sache. Je l'avais signalée dans l'analyse comparative de la canne à rubans et de la canne de O'tahiti, mais sans en étudier les propriétés, parce qu'à cette époque je n'avais pas pu m'en procurer une assez grande quantité. Je donne le nom de Cérosie à cette substance (de xɛpoo, cire), ce qui rappellera sa composition et quelques-unes de ses propriétés les plus importantes.

Cette substance se trouve en plus grande abondance à la surface de l'écorce de la canne violette que sur toutes les autres variétés de cannes. La base amplexicaule des feuilles en est aussi recouverte. Elle se présente sous

forme de poussière blanche ou glauque, adhérente à l'écorce, et elle peut facilement en être détachée en la grattant avec la fame d'un couteau ou tout autre instrument tranchant. Vient ensuite la canne à rubans qui en fournit beaucoup. La canne de O'tahiti en contient à peine le tiers de la canne à rubans, et la canne créole n'en donne presque pas. Sur cette dernière il n'y en a qu'un anneau à la base de chaque noeud, et en bien petite quantité. A cet égard je ferai observer que c'est la plus mauvaise variété de canne qui fournit le plus de stéarine. La canne violette est très dure, très ligneuse et contient peu de jus (1).

Après m'être procuré une certaine quantité de cette substance brute, par le grattage, comme il vient d'être dit plus haut, pour l'amener à l'état de pureté, je la fais macérer à froid dans l'alcool, à 35 ou 36o, pour la débarrasser de la matière violette, matière identique à la chlorophylle avec laquelle elle est mélangée; quand elle a subi ce traitement à plusieurs reprises, et que l'alcool ne lui enlève plus rien, je la traite par l'alcool à 36o bouillant, qui la dissout complétement. Je passe à travers une toile de lin serrée, en exprimant fortement, et je retire l'alcool par la distillation. Il ne reste plus qu'à faire fondre cette substance au bain-marie pour l'avoir pure.

Cette matière est insoluble dans l'eau; elle est également insoluble dans l'alcool à 36° à froid.

Elle est entièrement soluble dans l'alcool bouillant, et ne s'en sépare point par le refroidissement. Elle se prend, au contraire, en masse opaline et ressemble à une solution alcoolique de savon animal. Plus l'alcool est fort et mieux elle s'y dissout à chaud. 4 grains de cette substance suffisent pour solidifier I once d'alcool à 36o, et lui donner la consistance et l'apparence de l'opodeldoch; on pourrait même s'y méprendre à la vue.

Elle est insoluble dans l'éther sulfurique à froid.
Elle s'y dissout difficilement à chaud, et en petite quan-

(1) Cannes à rubans..

Canne de O' tahiti
Canne créole....

Batavia, Java.
O'tahiti.

Malabar, Bengale, Bourbon.

tité; par le refroidissement l'éther la laisse déposer sous forme de petits cristaux grenus.

Cette substance a une teinte jaunâtre un peu terne.

Elle est excessivement dure; sa cassure est nette, et l'on peut facilement la réduire en poudre en la triturant dans un mortier; elle est alors d'une grande blancheur. Réduite sous forme de bougie, elle brûle avec une belle flamme blanche, comme la cire ou le spermacéti.

Elle fond à 82o centig. ; à 80° elle se solidifie. C'est, je crois, la substance de ce genre dont le point de fusion est le plus élevé.

Fondue au bain-marie et coulée en petite masse dans un vase froid et bon conducteur du calorique, elle se prend à l'instant même, se crispe en touchant le corps froid; sa surface inférieure présente alors des guillochures déterminées par le retrait subit que cette matière prend en se figeant.

Son poids spécifique est égal à 0,961, à la température de 10o.

Elle est sans odeur, ou presque sans odeur définissable. Elle se combine très difficilement avec les alcalis.

L'air atmosphérique n'a aucune action sur cette substance. J'ai conservé de la cérosie de cannes pendant plusieurs années dans un flacon mal bouché, sans qu'il en soit résulté aucun changement dans ses propriétés physiques.

Elle est susceptible d'affecter une forme cristalline; pour l'obtenir sous cet état, on la fait fondre au bainmarie dans une capsule de porcelaine, et on la laisse refroidir lentement. Lorsque la surface est solidifiée, on la perce au moyen d'une lame de couteau chauffée, et l'on fait écouler la portion liquide. L'intérieur de la capsule présente alors une foule d'aiguilles cristallisées tronquées et entrelacées, bien apparentes. Je dirai cependant que cette cristallisation ne peut s'obtenir qu'en agissant sur une livre de matière au moins; sur une plus petite quantité le résultat n'est pas assez satisfaisant, bien qu'il soit

très sensible.

Cette substance est identique sur toutes les variétés de cannes à sucre, et elle offre de l'intérêt sous plusieurs.

points de vue: 1° son point de fusion très élevé; 2o sả consistance, qui la rapproche de la dureté du bois; 3o sa cristallisation; 4° son application possible à l'éclairage comme bougie de luxe; 50 sa propriété de solidifier l'alcool, propriété qu'aucune substance de ce genre ne partage avec elle.

153 cannes violettes m'ont donné 170 grammes de cérosie, grattées avec soin et sans avoir enlevé l'épiderme. Cette matière fut pesée deux mois après avoir été retirée. J'estime que je n'en ai pas extrait plus de la moitié par ce moyen mécanique, et qu'il en est bien resté une égale quantité sur les cannes.

Je la fis macérer à froid dans l'alcool à 36° pour la débarrasser de la matière violette, matière identique à la chlorophylle qui avait été enlevée par le grattage. Elle subit ce traitement jusqu'à ce que l'alcool sortît sans couleur. Après ces divers traitements elle pesait 154 gramm. Elle fut alors traitée par l'alcool bouillant pour la purifier.

Le procédé par le grattage serait très long et peu économique; j'ai employé un autre moyen plus expéditif et qui permet de l'obtenir plus facilement. En passant les cannes au moulin, pour en extraire le jus, une partie de cette matière se détache par la pression. Elle est entraînée par le jus de cannes et vient nager à la surface des bacs, sous forme de poudre blanche. On prend ce jus de cannes, on le porte à l'ébullition, à une chaleur douce, sans y ajouter du lait de chaux; on recueille soigneusement toutes les écumes lorsqu'elles sont bien formées, on les lave, on les fait macérer dans l'alcool faible pour enlever toute la partie sucrée, et pour détruire la viscosité qui s'oppose aux lavages à l'eau. On les met égoutter sur une toile et on les fait sécher. Amenées à cet état, on les réduit en poudre, on les traite par l'alcool à 36° à froid, dans le but d'en séparer la chlorophylle ou matière verte. On renouvelle l'alcool à plusieurs reprises, ou jusqu'à ce qu'il ne prenne plus de teinte verte; alors on jette le tout sur un filtre et on le fait sécher. On prend ce résidu qui contient la cérosie, on le traite par l'alcool à 36o bouillant; on passe à travers une toile de lin serrée, et on ex-prime fortement. L'alcool, en se refroidissant, se prend en

masse, comme s'il contenait une solution de savon animal. On réitère ce traitement par l'alcool bouillant jusqu'à ce qu'il n'enlève plus de cérosie; enfin on sépare l'alcool par la distillation au bain-marie; mais par ce moyen la cérosie a toujours une teinte verte. Cette matière retient une portion de chlorophylle avec tant de force, que l'alcool à froid ne peut l'en dépouiller entièrement. C'est au moment de sa fusion à la surface du jus de cannes bouillant, qu'elle se combine avec la chlorophylle provenant des débris d'écorce de la canne.

En passant les cannes au moulin, toute la cérosie ne se détache pas, il en reste une grande partie sur les bagasses. 30 litres de jus de cannes à rubans m'ont donné 228,50 de cérosie d'une belle couleur verte. Par ce dernier moyen elle n'est pas pure, elle se trouve mélangée de chlorophylle.

Dans un autre essai j'ai retiré plus de 2 grammes de cérosie d'une canne violette, par le grattage.

Un arpent de cannes donne à peu près 18000 cannes; par conséquent 18000 cannes donneraient 36 kilogrammes de cérosie. Une habitation qui roule par an 300 arpents de cannes, pourrait fournir plus de 10 000 kilogrammes de cérosie.

Note sur la composition de la Cérosie;

PAR M. J. DUMAS.

Je n'ajouterai rien à l'excellente description qui précède; elle est parfaitement exacte. C'est surtout la composition de la cérosie qui a fixé mon attention. Pour la déterminer, j'ai fait dissoudre la matière dans l'alcool bouillant, je l'ai laissée cristalliser par le refroidissement et je l'ai recueillie sur un filtre, où elle a été lavée et séchée.

Elle se présente alors en fines lamelles nacrées, très

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