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lement les fubtilités & les folles pointes des Italiens du dix-feptiéme fiécle, mais même tout ce qui a l'air trop penfé & trop fin. Cependant, outre qu'il n'a pas toujours obfervé fes propres maximes, comme il en convient lui-même, il lui a plû encore de fe contredire en quelque forte, en exigeant dans l'Eclogue ce qui ne peut s'accorder avec la fimplicité paftorale. » Il faut, dit-il, que "les Bergers ayent de l'efprit, & de l'esprit fin "galant: Ils ne plairoient pas fans cela. « II eft vrai qu'il veut qu'ils n'en ayent que jufqu'à un certain point. Mais qu'eft-ce que ce certain point? Il s'efforce en vain de le fixer par ce raisonnement, qui n'eft pas d'une extrême clarté.

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» Les hommes, dit-il, qui ont le plus d'efprit, » & ceux qui n'en ont que médiocrement, ne dif»férent pas tant par les chofes qu'ils fentent, que par la maniére dont ils les expriment. Les paffons portent avec tout leur trouble une espéce » de lumiére, qu'elles communiquent prefque éga»lement à tous ceux qu'elles poffédent. Il y a une » certaine pénétration, de certaines vûes attachées, » indépendemment de la différence des efprits, à "tout ce qui nous intéreffe & nous pique. Mais ces » paffions qui éclairent à peu près tous les hommes » de la même forte, ne les font pas tous parler » les uns comme les autres. Ceux qui ont l'efprit » plus fin, plus étendu, plus cultivé, en expri»mant ce qu'ils fentent, y apportent je ne fçais » quoi qui a l'air de réflexion,& que la paffion feule » n'inspire point: au lieu que les autres expriment » leurs fentimens plus fimplement, & n'y melent

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» pour ainfi dire rien d'étranger. « Comme tout cela eft un peu énygmatique, M. de F. tache de rendre fa penfée fenfible par deux exemples. Selon lui, » un homme du commun dira bien : J'ai » fi fort fouhaité que ma maitresse fût fidéle, que j'ai » cru qu'elle l'étoit. Mais il n'appartient qu'à M. de la Rochefoucault de dire l'esprit a été en mai la dupe du cœur. Le fentiment est égal, la pénétration égale, mais l'expreffion eft fi différente que l'on croiroit volontiers que ce n'eft » plus la même chose.

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Ce n'eft plus la même chose en effet. Car cette expreffion, l'efprit a été en moi la dupe du cœur, ne représente pas affurément la même idée que ces paroles, j'ai fi fort fouhaité, &c, qui peignent naturellement & clairement un effet particulier de la paffion; au lieu que l'expreffion du Duc de la R. repréfente en général ce que produit la paffion chez tous les hommes à l'égard de toutes choses. Le fentiment n'eft donc point égal. Ce font deux penfées différentes: la premiére eft fimple & naturelle & exprime fans affectation le jugement particulier que forme une perfonne qui defire avec ardeur. La feconde eft une expreffion générale & commune, qui peut s'appliquer à tous les genres de prévention caufée par le cœur, par raport toute forte d'objets. Ces deux exemples loin d'éclaircir le raifonnement de l'Auteur, ne fervent donc qu'à obfcurcir fes idées ; d'autant plus qu'il trouve plus d'efprit & de fineffe dans la feconde expreffion que dans la premiére : ce qui ne me pa roît pas, comme à lui,

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Il veut enfuite que dans l'Eclogue le fimple foit fin. Cela n'a-t-il pas un peu l'air contradictoire? » On ne prend pas moins de plaifir, dit-il, à voir » un fentiment exprimé d'une maniére simple, » pourvû qu'il foit toujours également fin. « Peutêtre que par ce fimple fin, il n'entend que le naïf; mais il ne s'explique point là-deffus; ce qui rend fon difcours moins inftructif. Enfin il condamne l'usage des comparaifons dans l'Eclogue. Il a raifon par raport à celles qui font ufées; mais n'en fçauroit-on faire de neuves? Les comparaisons, felon lui, ne font point du génie de la paffion, & les Bergers ne s'en devroient fervir que par la difficulté de s'exprimer autrement. Il est vrai que la paffion exclut abfolument les comparaifons, qui ne font faites que pour peindre mieux les objets en les raprochant de ceux qui nous font le plus connus, & qui fervent médiocrement pour rendre ce qu'on fent & les mouvemens de fon ame. C'est le langage de l'efprit & non du cœur ; parce qu'il n'appartient qu'à l'efprit de comparer des idées. Mais faut-il donc qu'il y ait toujours de la paffion dans une Eclogue ? Les Bergers font le plus fouvent des perfonnages tranquilles, à qui il fied de n'être que foiblement paffionnés. C'est ce qui rend les Paftorales fi froides fur le théatre, Que leurs dialogues roulent fur les plaisirs, & fur les peines de l'amour, fur le bonheur de la vie champetre ou fur ce qui peut l'altérer; les Bergers peuvent s'entretenir de ces chofes fans que la paffion les tranfporte. En ne leur donnant que des paffions douces, comme il convient on peut af

furément leur faire faire des comparaisons, qui font les fruits de la réflexion, & qui demandent une imagination paisible.

La paffion que M. de F. fuppofe comme effentielle aux Bergers, eft ce qui l'engage à leur défendre en quelque forte les comparaisons, & cette paffion eft l'amour. Il ne connoît, foit dans fa Differtation, foit dans fes ingénieuses Eclogues, que ce fentiment qui convienne aux Bergers: en forte qu'on peut appliquer à toutes ses Pastorales ce vers qui eft au commencement de la premiére:

Toujours de l'amour; toujours.

Si la galanterie qui s'eft emparée de notre théatre eft un grand défaut, au jugement de tous les connoiffeurs; fi au moins l'amour tragique ne doit jamais être fade ni doucereux, comme dans la Bérénice, & l'Alexandre de Racine, & dans plufieurs autres Tragédies Françoifes, cet amour eft-il plus fupportable & moins infipide dans le genre paftoral? Les Eclogues de M. de Fontenelle ne refpirent que l'amour, & un amour de bel efprit. Il dit lui-même, en fon propre & privé nom, au commencement de la cinquiéme Eclogue, en parlant des Bergers:

Ils font toujours Amans ;

De je ne fçais quels feux qui leur femblent charmans
Leur ame eft fans ceffe remplie.

Mais quoi? Tous les Humains font fous par quelque endroit
Et l'amour n'est-il pas la plus fage folie,

Dont on puiffe payer le tribut que l'on doit?

Telle eft la morale de tous fes Bergers, qui font fi galans, que les Madrigaux ne leur coûtent rien. Par exemple Arcas dit, Ecl. 4.

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Dans le cristal des eaux fouvent Philis fe mire, Et là contre mon cœur elle apprête des traits. Ruiffeaux, peignez-lui bien la beauté qui m'attire: Philis en croira mieux les fermens que je fais. Cette Eclogue & toutes les autres du même Au teur sont sur ce ton badin & galant. Mais eft-ce là le vrai ton de l'Eclogue? Plufieurs personnes en doutent. Cependant ôtez de fes Eclogues les mots de hameaux, de brebis, de fleurs, de bois, de fontaines, & fubftituez-y ceux de Versailles, de Paris, d'Opéra, de Tuilleries, de Bal, &c : ce ne feront plus des Eclogues, mais des entretiens de Cour & des difcours de ruelle ; c'eft ce que les Anglois, & entr'autres M. Dryden, ont reproché aux Paftorales de M. Fontenelle. C'eft auffi l'objet de la Critique de M. Remond de S. Mard dans fes Réflexions fur l'Eclogue.

Il feroit à fouhaiter que ce Critique ingénieux nous eût donné quelque Eclogue de fa façon, ayant autant de panchant qu'il en témoigne pour ce genre de Poëfie. » C'est une de mes folies, dit» il, que l'Eclogue. Les prés, les bois m'entraî » nent. Tout ce qui porte un caractére de berge» rie m'enchante: je m'y livre comme un enfant, » & je crois qu'on me féduiroit avec le bruit d'une » fontaine..... Y a-t-il tant de quoi s'étonner

ajoute-t-il dans un autre endroit, qu'au premier mot qu'on nous dit de la Bergerie, nous nous

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