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le sanctuaire d'Apollon et des neuf Sœurs que le rendez-vous de l'oisiveté et de la vanité, qu'il fait parade de ses talents, et n'instruit point ceux qui ne puisent la science que dans les pompeuses déclamations de cette fallacieuse école; mais l'auditoire, qui court moins après Térudition qu'après de vifs plaisirs, a éprouvé des sensations agréables et fait chorus; le temps s'est écoulé, on a joui: chacun se retire édifié et satisfait.

Jamais le grand monde n'a offert au philosophe, plus que de nos jours, la réalité du tableau qu'en ont tracé Socrate ou ses disciples, lorsqu'ils ont dit: « Voyez nos gens du bel air, quand il s'agit des choses divines, des decoirs de la vie, du gouvernement civil, des sciences solides, tout cela se traite légèrement, cavalièrement, d'un ton aisé et badin: peu leur importe de quelle manière l'on pense là-dessus. Mais, n'être pas précisément vêtu à la dernière mode, ne pas savoir nommer ou apprécier les nouveaux mets de la table, ne pas réussir à faire des riens, ne pas suivre le goût dominant sur des minuties, voilà ce qui décide qu'un homme est un sot on prend là-dessus le ton sérieux, on a des règles rigides à quoi il ne faut pas manquer; on raille sur les mœurs et sur la re

ligion, mais on n'entend point raillerie sur les manières. En un mot, le frivole est traité comme Tessentiel, et l'essentiel comme le frivole.

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(Discours socratiques, page 174.)

Dans l'intérieur des ménages, le luxe du mobilier et des habits, la prodigalité de l'ostentation, luttent avec les besoins les plus urgents de la vie animale ou avec l'assiduité et les poursuites des nombreux créanciers. Vos aïeux, au contraire, préféraient la simplicité et les privations aux dettes, « convaincus, comme le dit un ancien philosophe, que les dettes rendent esclaves les hommes libres, et plus qu'esclaves!..» Leurs délassements, leurs plaisirs, étoient toujours innocents, jeu coûteux, concentrés dans leur intérieur, et ndépendants de leur position sociale, parce qu'ils émanoient principalement de leurs facultés spirituelles; ils étoient en rapport avec l'espri du Christianisme, et les rendoient vraimen heureux : les vôtres, sont presque toujour: puisés hors de vous et de vos familles; is sont répréhensibles et quelquefois illicites. Vas les prenez dans le grand monde, au milieu les séductions et des excès de toute espèce; vo jouissances sont essentiellement sensuelles, 't vous saisissez les plaisirs, pour se servir de expression d'un moraliste, comme

le pis-aller du bonheur; enfin, ils sont indignes d'un Chretien, d'un être doué d'intelligence, de raison, et destiné à la perfection céleste.

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En résumé, les anciens Genecois vicoient dans la médiocrité et la retraite, mais ils étoient vraiment libres et indépendarts; ils ne se livroient pas aux délices des sens, mais ils possédoient les jouissances spirituelles ils dédaignoient ainsi, avec sagesse, les bien; périssables pour s'assurer les trésors de l'éternité : vous faites précisément le contraire. Ils vécurent dans des temps difficiles, comme places sur la terre pour y mériter par leurs vertus Immortalité : vous y avez vécu dans des temps nalheureux aussi; vous avez été châties de l'alus que vous fites jadis des faveurs de la Providence, elle vous en accorde de nouvelles, vous viez dans une autre ère de prospérité; mais, helas fils de l'infortune, en êtes-vous meilleurs? Non, vous abusez de nouceau de la felicité du paridis terrestre où Dieu vous a fait rentrer, sans réfléchir que, justement irrité de votre persévérance dans la mauvaise voie, de votre incorrigilité et de votre ingratitude, il peut inopinemnt vous en chasser à jamais, ou le changer en ine terre de malédiction. Vous passez presque tus votre vie dans ce lieu de délices, sans penser l'éternité.

et même comme des êtres, qui, n'ayant rien à espérer après leur trépas, s'y étourdissent dans un perpétuel tourbillon d'indignes jouissances, et dans un constant enicrement des sens; ceux qui s'y livrent le moins tombent dans une complète inertie morale. Qu'il y a loin de là aux principes et à l'esprit religieux de vos ancêtres, qui, après avoir vécu dans la conviction consolante d'une vie à venir, la pratique sanctifiante des decoirs du Christianisme et une honorable simplicité de mœurs, s'endormoient dans les bras de la mort, comme au sein de l'éternelle félicité!

Nous venons de tracer, d'une manière que vous trouverez peut-être hardie et satirique, le tableau moral du siècle; mais rappelezvous que l'histoire n'est point un miroir flatteur. Si vous nous demandez quelle est notre mission ou notre vocation pour vous le présenter, nous acouerons qu'elle consiste uniquement dans notre qualité d'éditeur de cette Collection de Mémoires historiques; que notre infériorité au plus grand nombre de nos Concitoyens nous est plus évidente qu'à vous-mêmes; mais que, dans cette occasion, l'amour de la patrie l'a emporté sur toute autre considération. Nous acouerons aussi avec franchise que c'est une

profonde méditation sur l'histoire de Genève et l'entraînement irrésistible où, comme tant d'autres, nous nous sommes trouvés vers le gouffre qui vous engloutit, qui ont désillé nos yeux: devions-nous garder le silence pour avoir vu de près, et peut-être plus près qu'un autre, cet abîme? Non c'est, au contraire, un motif irrécusable pour le rompre, et le cri de notre conscience, une intime conviction, est la cuirasse que nous opposerons à tous les coups. « Mea mihi conscientia pluris est quam omnium ser

mo. »

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Au surplus, si l'on ne considère ce tableau que comme comparatif et caractéristique; si l'on ne confond point avec les généralités, les nombreuses exceptions qui existent au milieu de vous, nous sommes persuadés d'avance que les amis de la vérité et de la patrie ne le trouveront point chargé. Examinons actuellement, avec la même sincérité, les causes et la marche de votre décadence politique et morale.

L'austérité et la pureté des mœurs publiques et privées ont cessé, à Genève, bien avant la chute de l'ancienne République. Depuis longtemps, sous une forme républicaine, l'Etat n'étoit gouverné que par une oligarchie plus ou moins habilement voilée, et par des principes

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