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Plusieurs villes et provinces, comme Bordeaux et une partie de la Guyenne, restaient neutres; quelques gouverneurs ou seigneurs puissants, d'Épernon, Damville, en Languedoc, Ornano, en Dauphiné, attendaient les événe

ments.

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Campagne de Henri IV en Normandie (1589). Il fallait faire reconnaître le vrai roi à ses actes. Henri IV envoya Longueville en Picardie, d'Aumont en Champagne, pour lui en ramener ce qu'ils pourraient y lever de troupes et d'argent, et il se dirigea lui-même vers la Normandie. Senlis, Compiègne, Gournay, Gisors, reçurent garnison royale et livrèrent leurs recettes, dont l'armée avait grand besoin. Une tentative contre Rouen échoua; mais Henri, tournant tout à coup sur Dieppe, y fut reçu à bras ouverts. C'était une précieuse acquisition, qui le mettait en communication avec l'Angleterre dont il attendait des secours. La grande Élisabeth comprenait que le roi de Navarre combattait autant pour elle-même que pour lui. « Le dernier jour de la France, disait-elle, sera la veille du dernier jour de l'Angleterre. » Le gouverneur de Caen vint à Dieppe faire au roi hommage de la moitié de la Normandie.

A Paris on commençait à murmurer contre les lenteurs de Mayenne. Philippe II, Sixte-Quint lui avaient envoyé de l'argent pour faire des recrues en Allemagne. Il se décida enfin à sortir de la ville avec 25 000 hommes, en rallia 8000 en route, et se dirigea sur Dieppe, promettant de ramener le Béarnais captif ou de le jeter à la mer. Henri avait moins de 10 000 hommes. Les membres du conseil étaient d'avis qu'il s'embarquât pour l'Angleterre. Le maréchal de Biron s'y opposa: « Sortir de France, s'écria-t-il, pour vingt-quatre heures, c'est s'en bannir pour jamais!» Henri IV était de cet avis: il s'empara d'Eu, du Tréport, et s'établit fortement autour de Dieppe, ayant son camp sur les hauteurs d'Arques, au pied du château, à une lieue et demie de là, et une bonne garnison au Pollet, principal faubourg de la ville. Son artillerie était insuffisante; il mêla quelques petits canons à sa cavalerie. Ce ne fut cette fois qu'une ruse de guerre et elle réussit. Pour Gustave Adolphe, Frédéric et Napoléon, ce sera un principe d'attaque, lorsqu'ils organiseront l'artillerie légère comme un élément essentiel de leurs armées.

La grosse

Combats d'Arques (16 sept.-6 oct. 1589). armée de Mayenne échoua pendant trois semaines d'attaques consécutives contre ces habiles dispositions et plus encore contre la valeur de Henri et de ses troupes. Elle ne laissa pas un point de la ville ou des retranchements sans tenter l'assaut ou l'escalade, et fut partout repoussée. Le 21 septembre, à l'attaque du camp, les lansquenets de Mayenne firent mine de l'abandonner; on les introduisit dans les lignes; aussitôt ils se jetèrent sur ceux qui venaient de leur tendre la main, et s'emparèrent d'une maladrerie qui servait de défense de ce côté. Quelques-uns de leurs chefs pénétrèrent même jusqu'au roi et lui crièrent de se rendre. Le désordre fut tel, que Henri désespéré demandait à grands cris « s'il ne se trouverait pas cinquante gentilshommes pour mourir avec leur roi ». Châtillon, avec des fantassins huguenots, partit du Pollet et parvint à débusquer les traîtres. Mayenne alors tourna le camp royal et parut le 26 devant Dieppe par l'ouest. Mais Henri l'avait deviné et prévenu. Le 23, il avait reçu d'Angleterre 1200 hommes, des provisions, et la promesse d'un nouvel envoi de 4000 hommes. Longueville, la Noue et d'Aumont arrivaient à son secours avec une autre armée. Mayenne se retira sur la Somme, appelant à l'aide les Espagnols des Pays-Bas. Henri écrivit à Crillon avec sa joviale humeur : << Pends-toi, brave Crillon; nous avons combattu à Arques, et tu n'y étais pas. >>

Surprise tentée sur Paris (1589). Henri se trouvait à son tour à la tête de 25 000 hommes. Il gagna trois marches sur Mayenne et se porta rapidement sur Paris, en donnant ordre à Montmorency-Thoré de couper derrière lui le pont de Sainte-Maxence sur l'Oise. A la faveur d'un épais brouillard, tous les faubourgs de la rive gauche, Saint-Germain, Saint-Jacques, Saint-Marceau et SaintVictor furent enlevés, les royalistes s'y jetèrent au cri de: << Saint-Barthélemy! Si les moines et les bourgeois ne s'étaient trouvés aussitôt prêts, le coup de main eût réussi. La Noue essayait déjà de passer la Seine près de la tour de Nesle. Mais on apprit l'arrivée de Mayenne par le pont qu'on avait négligé de couper. Henri se contenta de piller les faubourgs, ce qui devait tenir lieu aux siens de la solde qu'il ne leur donnait pas et prit la route de Tours, capitale du parti royaliste.

D

Succès du roi dans l'ouest (1589). Chemin faisant, il emporta Etampes, Châteaudun, Vendôme, et, de Tours, décida le Mans, Alençon, Angers, Laval à le reconnaître. En quelques semaines toute la Normandie, de la Seine à la Vire, fut soumise de gré ou de force. La nouvelle de ces succès entraînait les neutres; deux cardinaux étaient venus le recevoir à Tours; le parlement de Rennes fit sa soumission avec une partie de la Bretagne; Ornano et Lesdiguières en Dauphiné, la Valette en Provence, Damville en Languedoc, se déclarèrent pour lui. Au dehors, la république de Venise le reconnut comme roi légitime; déjà même Sixte-Quint se laissait ébranler par les raisons que lui avaient fait porter les catholiques qui suivaient le Béarnais.

Rivalités dans le parti de la Ligue. Les ambitions rivales des ennemis de Henri IV servaient sa cause. Les ducs de Lorraine et de Savoie, renonçant à l'idée de s'assurer la couronne, tâchaient au moins de démembrer le royaume : l'un trouvait les Trois-Évêchés et la Champagne fort à sa convenance; pour l'autre, c'étaient le Dauphiné et la Provence. Les ducs de Mercœur, de Nevers, de Nemours voulaient des principautés indépendantes. Philippe II, qui tenait à sa solde le conseil de l'Union et les Seize, leur demandait le titre de protecteur du royaume au nom de sa fille et les Seize, de leur côté, rêvaient un État sans roi et sans noblesse, une sorte de république théocratique gouvernée du haut de la chaire. Mayenne avait bien, lui aussi, ses secrètes espérances; mais il ne pouvait les afficher qu'après une victoire; il se remit donc en campagne. Avant de quitter Paris, il eut soin de réformer le conseil de l'Union, pour y faire entrer ses créatures.

Bataille d'Ivry (1590). Le roi assiégeait Dreux. Mayenne, pour sauver la ville, livra bataille dans la plaine de Saint-André, près d'Ivry (14 mars). Les ligueurs avaient 15 à 16 000 hommes dont 4000 à cheval, de sorte que leur front se montrait comme une épaisse forêt de lances; les royalistes avaient 8000 fantassins et 3000 cavaliers, armés seulement d'épées et de pistolets. On parlait à Henri d'assurer sa retraite en cas de revers : «Point d'autre retraite, dit-il, que le champ de bataille. » Et il ajouta : « Compagnons! gardez bien vos rangs; si vous perdez vos enseignes, cornettes ou guidons, ce panache blanc que

vous voyez en mon armet, vous le trouverez toujours au chemin de l'honneur et de la gloire!:

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Tous les escadrons s'ébranlèrent à la fois. Le roi chargea les lanciers français et wallons; il passa avec les siens

1 Henri IV appelait les deux tours « de beaux bijoux auxquels il ne manquait que des étuis ».

sous leurs lourdes et longues lances, les attaqua vigoureusement corps à corps, d'estoc et de taille, et les mit en fuite. Les chevau-légers royalistes cédaient devant un escadron de Wallons; Henri court à eux : <<< Tournez visage, leur crie-t-il, et, si vous ne voulez pas combattre, regardez-moi mourir! » Au bout de deux heures, toute l'armée de la Ligue était en fuite. La victoire gagnée, le Béarnais se rappela qu'il était roi : « Quartier aux Français, cria-t-il, main basse sur les étrangers! » Cinq pièces de canon, 80 enseignes d'infanterie, 20 cornettes de cavalerie furent les trophées des vainqueurs. La route de Paris leur était ouverte; Henri les y mena.

Siège de Paris (1590). Il y avait dans la ville peu de munitions, peu de vivres, et les murailles se trouvaient en mauvais état. Les Parisiens suppléèrent à tout par leur exaltation religieuse. Le moine Chrestin avait été chargé d'annoncer au peuple la nouvelle de la défaite d'Ivry; il prit pour texte de son sermon ces paroles de l'Écriture: «Je châtie ceux que j'aime. » Comme il commençait, un courrier aposté vint lui remettre une lettre ; il continua, raconta les longs détails de cette leçon donnée aux siens par le Seigneur, et envoya aux murailles tous ceux qui l'écoutaient. Les prédications de Rose, de Boucher, de Lincestre, entretinrent chaque jour cet enthousiasme. La présence du légat du pape, Cajetano, fit encore davantage. Il jura de ne point quitter Paris, quoi qu'il advînt, et fit rendre par la Sorbonne un décret déclarant coupable de péché mortel quiconque parlerait de traiter avec le Bourbon, et promettant à ses ennemis la palme du martyre.

Trente mille hommes s'enrôlerent; on fondit les cloches pour en faire des canons; un frère de Mayenne, le jeune duc de Nemours, qui se fit recevoir bourgeois de Paris pour flatter la démocratie de la Ligue, dirigea la défense. Le lendemain du premier assaut, livré le 30 mai, une étrange procession parcourut toute la ville. Les principaux héros de la Ligue, Rosc, Boucher, Lincestre, la barbe et la tête rasées, un hausse-col par-dessus le camail et le rochet, l'épée au côté et la pertuisane au bras, ouvraient la marche; suivaient quatre par quatre, au nombre de 1300, les cordeliers, jacobins, carmes, capucins, feuillants, en ordre de bataille, la hache ou l'arquebuse sur l'épaule, dans un accoutrement moitié religieux et moitié militaire

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