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Un grand nombre d'élèves en médecine de la ville et des hôpitaux, les membres de l'académie de médecine, les professeurs et les agrégés de la faculté, ont assisté à son convoi, et témoignaient par leur présence de l'estime qu'ils font tous du talent modeste et honnête. M. Cruveilhier, chargé de porter la parole au nom de ses collègues de la faculté, a bien voulu nous communiquer le discours qu'il a prononcé dans cette triste cérémonie; nous l'en remercions pour nos lecteurs. Ce discours, qui a vivement ému tous ceux qui l'ont entendu, contient à la fois une biographie et une appréciation de Sanson, homme de cœur et de grand savoir, et exprime, mieux que nous n'aurions pu le faire ici, les sentiments de vifs regrets que ce professeur laisse à tous ceux qui l'ont connu.

Messieurs,

C'est une grande, c'est une irréparable perte pour la chirurgie, pour la science et pour l'humanité, que celle que nous verons de faire dans la personne du professeur Sanson.

Interprète des regrets de la Faculté, pour remplir cette noble et triste mission, je n'ai besoin que d'être vrai et de raconter dans une grande simplicité de langage, cette vie modeste, cette vie d'honnête homme, celle vie de labeur, si longtemps malheureuse qui a été brisée, à l'âge de 51 ans, au moment où notre collègue venait de triompher de sa mauvaise fortune et d'atteindre le terme de ses espérances. Né à Paris, le 24 janvier 1790, d'une famille peu favorisée de la fortune, Sanson, à l'exemple de J. L. Petit, commença avant l'adolescence l'étude de l'anatomie et de la chirurgie; ce fut à 13 ans, sur la recommandation de notre collègue Richerand, que Sanson fut admis à l'Hôtel-Dieu comme élève externe provisoire. Marandel préparait alors les cours d'anatomie normale et pathologique de Dupuytren, Sanson obtint la faveur de lui servir d'aide, et il sut si bien profiter de sa position que, Marandel étant mort, Dupuytren, dont le coup d'oeil d'aigle avait deviné le jeune étudiant, le jugea digne de remplacer Marandel comme prosecteur. Je n'oublierai jamais et je crois encore entendre une leçon de Dupuytren sur l'anatomie genérale des membranes séreuses : c'était la première fois que j'assistais au cours de cet éloquent professeur; toutes les membranes séreuses, et nominément les plèvres et le péritoine, avaient été détachées des parois qu'elles revêtent, puis insuflées d'air. C'était une magnifique préparation conçue et exécutée par Sanson, alors âgé de 19 ans.

Mais déjà deux ans avant cette époque, à 17 ans, Sanson avait été nommé au concours élève interne des hôpitaux; dès ce moment, il s'était consacré à l'Hôtel-Dieu et à Dupuytren, et il leur est resté àìdèle.

Atteint par la conscription en 1807, ce fut encore Richerand, toujours plein de cœur, toujours ardent à servir, qui le fit nommer sous-aide de la garde départementale, dont Richerand était le chirurgien en chef.

Devenu chirurgien-militaire en 1812, et attaché en qualité de sous-aide et bientôt d'aide-major aux ambulances de la garde impériale, il fit la campagne de Saxe, celle de Paris, puis celle de Waterloo, et c'est sous la tente, et dans quelles journées! et sous quelles dates! qu'il se lia avec Boisseau, Blaguerie, Bégin, Jourdan et Roche, qui devinren! ses meilleurs amis.

Licencié avec l'armée de la Loire en 1815, il reprit ses cours particuliers d'anatomie et de chirurgie, et fut reçu docteur en 1817, à 27 ans. Sa thèse inaugurale intitulée: De la meilleure manière d'arriver à la vessie par le rectum, est un travail extrêmement remarquable, qui fit sensation, révéla dans son auteur une gran le capacité chirurgicale, et lui assura un rang distingué parmi les jeunes chirurgiens de son temps.

Depuis 1817 jusqu'en 1836, époque de sa nomination à la chaire de professeur de clinique à la Faculté, la vie de Sanson est remplie par la publication d'ouvrages importants, et par des concours de tous genres.

Nommé au concours, en 1823, chirurgien du bureau central des hôpitaux, il devint en 1825, sous les auspices de Dupuytren, chirurgien ordinaire de l'Hôtel-Dieu.

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Ce fut encore au concours qu'il dut en 1830 le titre d'agrégé à la Faculté; car Sanson n'a jamais rien obtenu par la faveur; tous ses titres, il les a conquis pour ainsi dire les armes à la main. Athlète infatigable, il se présenta quatre fois dans la lice pour une chaire de professeur trois fois vaincu, chaque revers sembla lui donner de nouvelles forces, et le quatrième concours le proclama vainqueur. Pendant cette longue période d'années, notre collègue a publié un grand nombre de travaux scientifiques, tous remarquables par l'excellent esprit qui a présidé à leur rédaction, et réunissant à un haut degré cette sagesse de vues, cette logique sévère, cette exposition claire, précise et élégante tout à la fois, qui les ont placés au premier rang parmi les ouvrages classiques.

Les principaux sont :

1o La Pathologie médico-chirurgicale, par Roche et Sanson; ouvrage dans lequel la partie chirurgicale, qui constitue un traité complet de chirurgie, lui appartient tout entière.

2o La Médecine opératoire de Sabatier, publiée sous les yeux de Dupuytren, par Sanson et Bégin.

3° Un très grand nombre d'excellents articles, ou plutôt de monographies dans le Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques.

4° Ses thèses de concours, parmi lesquelles je signalerai celle sur la nécrose et celle sur les hémorrhagies traumatiques.

Sanson a partagé avec M. Bégin l'insigne honneur d'avoir été désigné par un article spécial du testament de Dupuytren pour rédiger un mémoire sur la taille bilatérale.

Sanson était un praticien complet. Riche des traditions de Dupuytren, il était le principal représentant de son école, de cette école qui ne se rallie ni autour d'innovations retentissantes, ni autour d'une idée systématique dont le mérite n'est bien souvent que dans l'exagération d'une vérité depuis longtemps acquise à la science; mais à cette école, toute classique, toute pratique, toute positive,

qui se distingue par de fortes et saines doctrines, par une bonne et large méthode d'observation, par un diagnostic qui va droit au fond des choses, parce qu'il repose sur l'étude approfondie de l'organisation saine et morbide; par une thérapeutique toujours sage, toujours mesurée, lors même qu'elle est énergique, également éloignée de l'audace, fille de l'ignorance, et de la timidité, fille de la faiblesse.

Doué d'une rectitude d'esprit qui lui faisait démêler le vrai du faux avec une sûreté de tact incroyable, Sanson excellait dans l'art du diagnostic, et sous ce rapport il était le véritable continuateur de Dupuytren. Je ne connais aucun fait clinique plus beau que le diagnostic de la cataracte, à l'aide de l'absence de telle ou telle image d'une lumière réfléchie dans l'œil.

Sanson n'était pas moins habile dans la pratique des opérations : élève assidu de Dupuytren pendant plus de vingt-ans, il avait acquis cette sûreté, cette rapidité, ce brillant d'exécution, et ce sang froid imperturbable qui caractérisaient le maître.

Sanson n'était pas seulement grand opérateur, il était grand thérapeutiste personne n'était plus pénétré de cette grande vérité, que la perfection de la chirurgie consisterait à savoir s'abstenir d'opérations; qu'une opération, quelque légère qu'elle soit, est un moyen extrême, qui compromet toujours plus ou moins la vie des malades, et, par conséquent, ne doit être pratiquée que dans le cas où elle est d'une indispensable nécessité. Sa probité chirurgicale se révoltait contre toutes ces opérations, dites de complaisance, contre toutes ces opérations téméraires qui ne sont pas commandées par des indications suffisantes.

Croirez-vous, Messieurs, qu'avec une instruction aussi profonde, qu'entouré de l'estime générale de ses confrères, auteur d'ouvrages importants devenus classiques, praticien du premier ordre, Sanson, jusqu'au moment de sa nomination à la Faculté, disons-le, jusqu'à la mort de Dupuytren, auquel il a succédé dans sa chaire de clinique chirurgicale, Sanson ait végété, confondu dans la foule des chirurgiens ordinaires. Ses travaux de cabinet et de pratique suffisaient à peine à l'existence de sa famille, et pendant bien des années ses recettes ne se sont pas élevées au delà de 3,000 fr., souvent même de 1800 fr. Ce souvenir fait mal, Messieurs, et l'idée de Dupuytren millionnaire se présente malgré moi à mon esprit.

Le triste privilège de Dupuytren était d'éclipser, d'annuler tout ce qui l'entourait. Sanson était modeste, défiant de lui-même, plein de respect et de déférence pour son maître en présence duquel il s'effaçait toujours; mais indépendant et fier, incapable de la moindre concession, il ne pouvait convenir à celui auprès de qui il fallait ou dominer ou être dominé ; le rôle d'un noble cœur était de se taire et de s'éloigner.

Il est si difficile à un chirurgien sans renom d'appeler sur lui la confiance publique. Il n'en est pas en effet sous ce rapport de la chirurgie comme de la médecine. Pour les cas ordinaires, les clients du second ordre, les supériorités sociales elles-mêmes consentent à appeler auprès du lit des malades, ce qu'ils appellent, dans leur langage dédaigneux, un petit médecin; mais pour les cas chirurgicaux, lorsqu'il s'agit de décider d'une opération, tous veulent avoir

recours aux sommités, ce n'est plus l'élève qu'il leur faut, c'est le

maître.

Mais d'un autre côté, une vérité bien constante, c'est qu'il est moralement impossible qu'un homme de l'art qui a toutes les qualités requises pour être un bon praticien, et qui ne met pas obstacle à ses succès par quelques travers d'esprit, de conduite où de caractère, il est moralement impossible qu'il ne triomphe pas tôt ou tard de tous les obstacles.

Je dirai donc à ceux qui désespèrent de leur avenir : voyez Sanson: il était isolé, sans appui, sans fortune, sans relations sociales, sans position, roide, austère, seul avec son mérite, et cependant il est arrivé à force de persévérance; et une fois arrivé, ses succès ont été si rapides que dix années de vie active l'auraient amplement dédommagé de tant d'années passées dans la détresse.

J'ai déjà beaucoup abusé de votre attention, Messieurs, et pourtant ma lâche n'est pas encore terminée. Je viens de vous présenter Sanson comme homme de science et comme praticien; mais dans cette triste cérémonie, il m'était impossible d'oublier la gloire de sa vie, en présence de la mort, c'est de l'homme moral qu'il faut surtout parler, c'est de son cœur, c'est de ses vertus, c'est de ses bonnes actions.

Sanson était honnête homme dans toute la force d'acception de ce mot. Sa probité avait quelque chose d'antique; sous une écorce de froideur et de rudesse, Sanson cachait la sensibilité la plus vraie, l'ame la plus bienfaisante. Ainsi il fut encore donné à cet homme si naturellement modeste de devoir à ses défauts de voiler ses vertus.

Dans les moments de sa plus grande pénurie, il partageait avec ses parents, âgés et infirmes, le modeste fruit de ses travaux. Un pareni très éloigné meurt en juillet 1830, Sanson adopte son fils, le jeune Fleury, et le fait élever dans un collège royal. Au moment où notre collègue a été frappé de la longue et cruelle maladie qui devait le conduire au tombeau, il venait d'adopter un autre parent, le jeune Bardel. Sa mère, souffrante d'une maladie chronique incurable, désire ardemment finir ses jours à la campagne, Sanson ne calcule rien, et il achète sa maison de Nogent. Personne ne fut meilleur époux, meilleur ami.

Que de droiture. que de sûreté, que de modestie dans ses relations avec ses confrères; que de candeur dans l'aveu de ses fautes ou de ses erreurs; que de désintéressement dans ses relations avec ses malades! Le moment où on lui demandait la note de ses honoraires était pénible pour lui; et presque toujours il répondait brusquement: Ce que vous voudrez.

Et vous, Messieurs les élèves, élèves d'élite, qui vous pressez autour de ses restes chéris; vous qui suiviez avec tant de fruit les excellentes, les sages, les substantielles leçons de ce grand maître, qui rappelait la manière de l'excellent Boyer, vous avez fait comme nous une perte irréparable. Vos larmes devaient couler avec les nôtres sur sa tombe; vous ne l'oublierez jamais, car vous étiez l'objet de sa constante, de sa paternelle sollicitude; il vous entourait de son patronage pour peu qu'il découvrit en vous le goût du travail et l'amour de la science, comme aussi il poursuivait avec une inflexible sévérité

ceux qui, méconnaissant l'importance et la dignité de leur profession, ne préparaient pas leur avenir par des études sérieuses, la fréquentation assidue des hôpitaux et des mœurs sévères.

Vous avez été dignement représentés, dans le cours de sa maladie, par deux d'entre vous, MM. Pigné et Magne, qui, pendant plus d'une année, ont fait à leur maître le sacrifice de leur temps, passant tour à tour auprès de lui les jours et les nuits, comme auprès du père le plus tendre, et qui, par l'industrie de leur soins assidus, on allégé ses douleurs et prolongé sa vie.

Adieu cher collègue, adieu mon ancien camarade, mon vieil ami! Puisses-tu dans cette autre vie, où tu nous as précédés de bien peu, peut-être, avoir déjà reçu la récompense de tes vertus, de tes longues douleurs et de ton utile et laborieuse vie.

BIBLIOGRAPHIE.

Traité des névralgies ou affections douloureuses des nerfs, par M. VALLEIX, médecin du bureau central des hôpitaux, etc., 1841, in-8°, 720 pages, chez J.-B. Baillière.

A l'époque où Chaussier réunit dans un même cadre, sous le nom de névralgies, certaines affections des nerfs décrites jusque-là séparément, on dut espérer que l'histoire générale de ces maladies si fréquentes et si souvent rebelles ne tarderait pas à venir combler une lacune importante en nosologie. Cet espoir ne se réalisa pas. La classification du savant professeur fut généralement adoptée; mais la science, tout en consacrant des noms nouveaux, resta, quant au fond, stationnaire ; à tel point que, de nos jours, elle n'était guère plus avancée dans la connaissance des névralgies, qu'au temps du chirurgien André et de Cotugno. Et pourtant depuis Chaussier, plusieurs écrits ou mémoires fort intéressants ont été publiés sur ces affections; mais la plupart, ayant rapport aux névralgies les mieux étudiées, ont eu moins pour but de donner des notions plus précises sur leur histoire, que de préconiser quelque nouvelle méthode thérapeutique. On pourrait à peine citer quelques exceptions à ce que j'avance, exceptions, d'ailleurs, peu importantes au point de vue général.

Aussi les auteurs qui ont voulu résumer l'état de la science ontils été obligés d'introduire, tant bien que mal, dans le cadre anatomique du professeur Chaussier, les anciennes descriptions insuffisantes pour le remplir: de sorte que la fameuse table synoptique est demeurée en pariie à l'état de programme proposé aux observateurs. Un appel de cette nature resté sans réponse satisfaisante pendant près de quarante ans, est une circonstance extraordinaire qui ne peut être expliquée qué par les nombreuses difficultés du sujet. Enfin, la réponse est venue: l'honneur en appartient à M. Valleix. Ce médecin distingué, à qui la science est déjà redevable d'excellents travaux, ne s'est pas proposé seulement de remplir les vides du caIII-XI. 33

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