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MÉMOIRES

ET

OBSERVATIONS.

MAI 1841.

MÉMOIRE SUR UN MODE DE GANGRÈNE DU POUMON, DÉPENDANT DE LA MORTIFICATION DES EXTRÉMITÉS DILATÉES DES BRONCHES.

Par M. BRIQUET, médecin de l'hôpital Cochin, agrégé honoraire de la Faculté de Paris.

La gangrène du poumon, découverte en quelque sorte par Laennec, étudiée depuis par MM. Andral, Cruveilhier, Louis Corbin, etc., est une maladie dont l'histoire, malgré les nombreuses observations déposées dans les journaux de médecine n'est pas encore complète. Laennec avait décrit les deux principales formes sous lesquelles elles apparaissaient, et il les regardait comme le résultat d'une inflammation de nature gangréneuse. M. Andral a depuis présenté des faits dans lesquels il cherche à prouver qu'elle peut être le résultat d'une inflammation franche. On trouve dans la bibliothèque médicale, mars 1827, un cas de gangrène de poumon, suite de contusion. M. Genest (Gazette médicale, 1836) a fait connaître un nouveau mode de production de cette gangrène, en montrant qu'elle pouvait suivre les apoplexies pulmonaires.

Nous avons le dessein d'indiquer à notre tour un nouveau mode de gangrène du poumon, en montrant que cette maladie

peut attaquer seulement les extrémités des dernières divisions des bronches, et être la suite d'une simple bronchite.

OBS. 1. Gangrène des extrémités dilatées des bronches. Hémorrhagie dans une ancienne caverne.--Van Malden Joseph, âgé de 64 ans, professeur de musique, homme d'une taille assez élevée, brun, à peau assez flasque, à membres amaigris, tousse et crache habituellement, et a depuis trois à quatre ans la respiration un peu courte. En avril 1836, cet homme éprouva une exaspération de sa bronchite habituelle, la toux augmenta, de la douleur se développa dans le bas du côté gauche, les crachats devinrent brusquement roussâtres, très fétides et très abondants; il survint de la fièvre. Après une durée assez longue, ces accidents diminuèrent graduellement, et le malade put sortir de l'hôpital 53 jours après son entrée, dans un assez bon état de santé, et reprendre ses occupations.

Depuis ce moment jusqu'au mois de mai 1838 la santé se main · tint, il y eut peu de toux, l'expectoration n'eut pas la moindre fétiditè, il ne se développa point de fièvre. A cette époque, nouvelle exaspération de la bronchite : le malade entra à l'hôpital Cochin, présentant une expectoration roussâtre abondante très fétide, une haleine extrêmement fétide et une fièvre assez vive. J'ai vu plusieurs fois ce malade, qui était couché dans les salles de mon collègue, et j'ai constaté l'odeur spéciale des crachats et de la respiration.

Après avoir été gravement affecté, à tel point que le médecin pensait qu'il succomberait, cet homme se rétablit peu à peu, et sortit de l'hôpital au bout de 30 à 40 jours après son entrée.

La santé s'est encore remise assez bien pour que Van Malden pût reprendre ses occupations peu pénibles, il conservait seulement de la toux avec crachats grisâtres inodores et une légère dyspnée; il n'y avait point de fièvre et la nutrition se faisait convenablement. Enfin au mois d'août 1839, il survint une troisième et deruière apparition des accidents, qui le ramena à l'hôpital Cochin.

Vers les premiers jours de ce mois, il s'était aperçu que sans cause appréciable quelques uns de ses crachats avaient une odeur fétide; quelques jours après ils étaient tous devenus fétides et plus abondants que de coutume, la toux n'avait pourtant pas notablement augmenté, la respiration n'était pas sensiblement plus gênée que de coutume, il n'y avait pas de douleur dans la poitrine, et l'appétit était conservé.

Lors de son entréc à l'hôpital, qui eut lieu le 17 août, la respira

tion était génée et courte, le pouls était fréquent, sans qu'il y eût notablement de chaleur à la peau, l'expectoration était grisâtre, fétide et très abondante. Le lendemain 18, la toux avait été plus fréquente, et il y avait eu brusquement une expectoration très abondante de matières brunâtres, contenant évidemment du sang altéré d'une extrême fétidité, et tellement acres qu'elles brûlaient la langue du malade. Ce mode d'expectoration ne durera que vingt-quatre heures.

Le 19, les crachats avaient cessé de contenir du sang, et depuis ce jour jusqu'au 22 le malade est resté dans l'état suivant :

La figure ne paraît pas fatiguée, les joues ne sont pas colorées, la toux assez fréquente donne lieu à l'expectoration de matières d'un gris sale, presque opaques, assez visqueuses, mêlées à beaucoup de mucus, contenant un bon nombre de bulles d'air, exhalant une forte odeur de dent cariée, et d'une abondance telle qu'en vingt-quatre beures elle remplissait deux crachoirs. — L'haleine cst très fétide, – la respiration est fréquente; — à la percussion on trouve que dans le tiers inférieur de la partie postérieure du côté gauche du thorax il y a une diminution notable de la sonoréité; à l'auscultation on y entend une respiration bronchique très forte dans les deux temps de la respiration et une bronchophonie très intense; un peu au dessus on distingue du râle muqueux, partout ailleurs le son du thorax est normal et la respiration est vésiculaire; il existe une douleur sourde au bas du côté gauche. Le malade éprouva dans la bouche une cuisson due à l'espèce de brùlure que semblait lui avoir produite l'expectoration roussâtre ; cependant la langue est restée grise et humide, le goût est mauvais, l'appétit qui s'était conservé jusques-là est perdu, il y a de la diarrhée avec quelques coliques. La peau resta fraîche et le pouls se maintint de 70 à 75 pulsations par minute. Il était évident qu'il existait une gangrène du poumon, et les phénomènes d'auscultation paraissaient indiquer qu'elle siégeait en arrière et à gauche. En raison des antécédents et de l'état peu fébrile du malade, on ne supposa pas que cette dégénération fût la suite d'une pneumonie, et l'on mit le malade à l'usage de légers toniques.-Son état ne paraissait pas notablement changer, et rien n'indiquait une issue plus fâcheuse que celle des attaques précédentes lorsque le 23 août il survint de l'oppression, avec une douleur très vive au bas du côté droit; le pouls prit de la fréquence et monta à 90 pulsations; le côté droit du thorax conservait sa sonoréité normale, quoique dans la partie postérieure et inférieure on n'entendit plus l'expansion vésiculaire, mais

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on ne distinguait point de rale. Partout ailleurs la respiration était normale; à gauche, la matité imparfaite, la respiration bronchique et la bronchophonie persistaient au même degré que les jours précédents, le råle muqueux était plus abondant et plus liquide, enfin l'expectoration était souillée de sang, la diarrhée avait persisté. — Je prescrivis l'application d'un vésicatoire au côté droit du thorax. Le 24 l'oppression alla en augmentant; l'expectoration continua à être sanguinolente et fétide; la douleur persista, les phénomènes d'auscultation restant les mêmes; le pouls était de 90 à 100; le malaise s'accrut, et le malade mourut le 25 à huit heures du matin. Autopsie faite le 26 au matin, 22 heures après la mort.

Le cadavre offre des traces de décomposition putride assez avancée. Le long des côtés du cou, sur les espaces intercostaux et sur les parois abdominales existent de larges taches verdâtres. Il y a peu de rigidité cadavérique.

Thorax. On trouve quelques cuillerées de sérosité rougeâtre dans la cavité de la plèvre gauche. Le poumon qui la remplit tout entière y adhère en avant et sur les côtés au moyen de brides celluleuses blanchâtres, laches, tandis qu'en bas, et dans toute la partie postérieure les adhérences sont très serrées. La surface de ce poumon est d'un gris ardoisé, elle est parsemée de taches arrondies, noirâtres, qui ne pénètrent pas dans l'épaisseur de l'organe. Celui-ci crépite dans toute son étendue, excepté dans la moitié postérieure et inférieure du lobe inférieur, où le tissu est dur et non crépitant. La transition de la partie crépitante à la partie dure est brusque. Au centre de ce lobe, est une excavation capable de contenir le poing d'un adulte de force moyenne: elle est remplie complètement par une matière pultacée, mal liée, d'un rouge lie de vin, laquelle s'écrase facilement sous le doigt, et se divise sous un filet d'eau en grumeaux rougeâtres qui paraissent être plutôt du sang altéré que du détritus d'organes; son odeur est celle de la gangrène.

Les parois de cette excavation sont couvertes par une fausse membrane assez épaisse, d'une teinte généralement grisâtre, présentant dans plusieurs points un jaspé noir assez serré, et dans d'autres de larges taches qui ressemblent à des ecchymoses récentes. Cette pseudomembrane est assez consistante, elle s'enlève difficilement des parties subjacentes; on la trouve perforée par des ouvertures rondes, desquelles il va être question. Débarrassées de la fausse membrane, on aperçoit les parois de la cavité représentant assez bien la face interne du ventricule gauche du cœur; de nombreuses saillies se croisent en tous sens, et forment une surface aréolaire revêtue par une membrane

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