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MÉMOIRES

ET

OBSERVATIONS.

JUIN 1841.

RECHERCHES PATHOLOGIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES FONCTIONS DES FAISCEAUX DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DES RACINES DES NERFS RACHIDIENS; PRÉCÉDÉES D'UN EXAMEN HISTORIQUE ET CRITIQUE DES EXPÉRIENCES FAITES SUR CES ORGANES, DEPUIS SIR CH. BELL;

Par F.-A. LONGET, D. M. P. professeur d'anatomie et de physiologie, chirurgien de la première succursale de la maison royale de Saint-Denis, membre de la société anatomique.

(Suite.)

DEUXIÈME PARTIE.

Relation critique des faits pathologiques.

Considérations préliminaires.—Quiconque a étudié avec persévérance les lésions matérielles de nos organes, est convaincu que les lésions ayant le même siège, toutes choses égales d'ailleurs, déterminent constamment les mêmes effets, se traduisent par les mêmes symptômes, et que les différences à cet égard tiennent à diverses conditions qui ont échappé à l'observateur. Dès lors, si les lésions morbides peuvent rigoureusement se limiter à certains faisceaux de la moelle épinière ou à une seule espèce de racines des nerfs rachidiens, la pathologic doit nous III-XI. 9

fournir le moyen le plus sûr, le meilleur, de déterminer les usages de ces parties: il est vrai que, la nature n'expérimentan pas, pour ainsi parler, afin d'obtenir, comme nous, des résultats simples et nettement définis, cet isolement dans les altérations et par conséquent dans les symptômes, ne s'observe qu'à de rares intervalles; tandis que trop souvent, au contraire, ces symptômes sont complexes, parfois un peu incertains comme le sont, dans leur siège, les altérations pathologiques elles-mêmes. En effet, après avoir passé en revue près de trois cent cinquante observations de maladies de la moelle épinière (1) et en avoir médité un certain nombre, je n'ai pu en rassembler que quatorze dans lesquelles la lésion se bornait exactement à tel ou tel faisceau médullaire, et cinq autres qui offraient des altérations limitées, soit aux racines antérieures, soit aux postérieures. Donc, dans l'immense majorité des cas, la moelle a été compromise dans toute son épaisseur, d'où l'abolition ou des troubles variés de la sensibilité et du mouvement à la fois : ce qui a fait dire avec juste raison, par M. Cruveilhier(Anatomie pathol. 35o livraison, p. 3) que, tandis qu'à peu près constamment dans l'hémiplégie,suite de l'hémorrhagie cérébrale, le mouvement est intéressé à l'exclusion de la sensibilité; dans la paraplégie, au contraire, l'un et l'autre sont affectés, soit qu'il y ait exaltation du sentiment comme dans la paraplégie douloureuse, soit qu'il y ait diminution ou abolition de celui-ci, comme dans la paraplégie sans douleur. A notre sens, celui là s'abuserait étrangement, néanmoins, qui croirait que la distinction de fonctions, dans les divers faisceaux et racines, rendue si évidente par les expériences sur les animaux, cesse de l'être quand on cherche à

(1) J'ai principalement eu recours pour ces sortes de recherches: 1° au grand ouvrage d'Anatomie pathologique de M. le professeur Cruveilhier; 2° à l'excellent livre de M. Ollivier (d'Angers) qui a attaché son nom à l'histoire des maladies de la moelle épinière ( 160 observations y sont consignées). 3° Aux mémoires : 1o de M. Velpeau. In archiv. géner. de Med. T. VII, 1825; 2o de M. Hutin, In Biblioth. medic. T. Ier 1828. 4o Au traité des maladies de l'encéphale et de la moelle epinière; par Abercrombie. Trad. de Gendrin, 2o édition ; 5° à la collection des thèses inaugurales, surtout depuis 1822, etc., etc.

la juger par la pathologie humaine; aussi n'est-ce pas sans quelque étonnement que nous voyons un physiologiste aussi savant que Müller prétendre que l'opinion qui attribue d'une manière précise, des usages distincts aux cordons antérieurs et postérieurs de la moelle n'a pour elle aucune preuve satisfaisante, ni expérimentale, ni pathologique (1). » Nous croyons donner le premier genre de preuve dans la 3° partie de ce Mémoire; quant aux preuves pathologiques, elles se trouvent dans la science, seulement les faits étaient épars, disséminés çà et là et partant peu faciles à connaître : il nous a donc paru utile de grouper les plus remarquables, pour établir plus solidement encore la doctrine physiologique que nous adoptons. Il y a, en effet, toute satisfaction pour l'esprit quand la pathologie et la physiologie expérimentale se prêtent, comme dans ce cas, un mutuel appui.

Mais on objectera sans doute que, comme tout systématique, j'ai dù choisir les faits confirmatifs de mon opinion, sans m'embarrasser de ceux qui pourraient l'invalider et que par conséquent elle est seulement assimilable à une foule d'autres opinions physiologiques hasardées, en faveur desquelles on ne manque jamais d'avoir aussi en réserve quelques faits pathologiques. A cela, je répoudrai qu'il m'aurait fallu un bien grand aveuglement ou un hasard bien favorable à mes convictions, pour que, sur près de trois cents cinquante observations, je n'eusse pu en trouver qu'une seule, rapportée en cinq ou six lignes (2), qui fût formellement contraire à la vérité que nos efforts tendent à propager. L'ouvrage de M. Ollivier (d'Angers) contient bien aussi, il est vrai, deux cas dans lesquels, avec une paralysie complète du mouvement et une altération fort légère de la sensibilité coïncidait un ramollissement aussi bien des cordons postérieurs que des cordons antérieurs de la moelle; mais comme il n'est pas dit combien d'heures, après la mort,

(1) Physiologie du système nerveux; par Müller, traduct. de Jourdan, T. Ier p. 354.

(2) Voir la XI observation.

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et à quelle saison de l'année on pratiqua l'autopsie, il n'est permis à personne d'avoir la certitude que l'altération avait été sur le vivant, ce qu'elle était sur le cadavre. En regard des preuves incontestables que nous allons émettre, de pareils faits nous semblent néanmoins d'un utile enseignement; ils apprennent à se défier de ces lésions fugaces qu'accroissent si facilement les phénomènes cadavériques et dont l'imagination prévenue augmente ou diminue la valeur, suivant le besoin de la théorie. Quant aux lésions que l'on détermine, par suite de l'emploi de divers rachitômes, sur des moelles qui ne peuvent être examinées que vingt-quatre ou trente-six heures, après la mort (malgré une température souvent élevée), ces lésions ne sauraient être révoquées en doute, et elles nous expliquent pourquoi tant de rachis ont été et seront ouverts encore sans le moindre profit pour la science, pourquoi aussi un désaccord seulement apparent entre les symptômes et les résultats de l'autopsie : la première des observations que je rapporte offrira un exemple frappant de ce désaccord, et d'autant plus frappant que, probablement sans avoir lu cette observation, Lund (1), et beaucoup d'autres l'ont citée à l'appui de l'opinion de Ch. Bell sur les faisceaux antérieurs et postérieurs de la moelle. Il s'agit d'un homme (obs. de M. Rullier) qui, très peu de jours avant sa mort, marchait et se promenait, quoique, durant la vie, sa moelle fût ramollie et diffluente dans une étendue correspondante à huit ou neuf paires de nerfs : plusieurs cas analogues, peut-être plus extraordinaires encore, sont reatés dans un Mémoire qui contient vingt-cinq observations merveilleuses, d'altérations de la moelle épinière (in Arch. génér. de méd., t. 7, 1825). Alors, on se demande quelle route a suivie le principe du mouvement et du sentiment émané du cerveau, pour arriver, dans ces cas, aux membres inférieurs? Ceux-là se disent, avec M. Magendie: ne seraient-ce

(1) Coup d'œil sur les résultats physiologiques des vivisections faites dans les temps modernes; par P. G. Lund. In Journ. compl. du Dict. des sc. méd. T. XXVI, p. 202.

pas les méninges qui auraient transmis ce principe? Non, diton, d'autre part; si la moelle peut être interrompue, détruite dans une étendue considérable, sans qu'aucune fonction soit manifestement altérée, c'est 1° parce que toutes les parties du système nerveux peuvent exercer leurs fonctions indépendamment les unes des autres, ou bien 2° parce que l'influence se transmet (quand le cordon rachidien vient à manquer en partie) des régions supérieures aux inférieures, par le moyen des anses nerveuses que forment les branches rachidiennes au devant des apophyses transverses, anses ou arcades qui forment une chaine non interrompue de la tête au coccyx; mais, objecterez-vous, ces anses n'existent pas dans la région dorsale : c'est égal, la théorie excusera cette erreur anatomique.

Puis, vient l'histoire d'un enfant à terme, complètement dépourvu d'axe cérébro-spinal, qui vit deux heures et donne des signes de sentiment lors de l'ablution du baptême!... On ne manque pas de se demander si le principe du sentiment et du mouvement existe bien dans cet axe cérébro-spinal? (Fauvel. Acad. des Sc., p. 33, an. 1711.) C'est encore un garçon, venu à terme, qui vit vingt et une heures, éprouve de l'appétit et prend de la nourriture, quoiqu'il n'ait pas la moindre trace de cerveau et de moelle épinière ! (Méry fait preuve d'un laconisme remarquable, en rapportant ce fait phénoménal dans Mém. Acad. des Sciences, p. 51, an. 1712.) Enfin, c'est un monstre qui, sans moelle, ni cerveau, ni nerfs, s'est accru, s'est nourri; on ajoute : il n'est pas prouvé qu'il n'ait pas joui du mouvement volontaire et de la sensibilité... Quel monstre ! (Clarke. Philosoph. Transact., an. 1793.)

Si les nombreuses théories qu'ont soutenues des hommes célèbres, disent encore quelques uns, sont insuffisantes pour rendre compte de tous ces faits, ceux-ci n'en sont pas moins utiles pour traverser la course trop rapide des expérimentateurs, et les contraindre à de nouvelles recherches. Bien simples, parmi ces derniers, seraient ceux qui se sentiraient arrêtés ou stimulés par de pareils faits, qui, quant à nous, ne sau

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