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dans les interefts de la Seine. Difons plus, il n'y a point d'Ombre parmi nous, fi prévenue des principes du Portique, fi endurcie dans l'Ecole de Zenon fi fortifiée contre la joye & contre la douleur, qui n'entende vos louanges avec plaifir, qui ne batte des mains, qui ne crie, miracle! au moment que l'on vous nomme, &qui ne foit prefte de dire avec vostre Malherbe:

(6) A la fin c'eft trop de filence

En fi beau fujet de parler.

Pour moi, MONSEIGNEUR, (7) qui vous conçois encore beaucoup mieux, je vous medite fans ceffe dans mon repos, je m'occupe tout entier de vôtre idée, dans les longues heures de noftre loifir, je crie continuellement, le grand Perfonnage! & fi je fou haite de revivre, c'eft moins pour revoir la lumiere, que pour jouir de la fouveraine félicité de vous entretenir, & de vous dire de bouche, avec combien de refpect je fuis de toute l'étenduë de mon ame,

MONSEIGNEUR,

Voftre tres-humble, & tres-obéïflant ferviteur, BALZAC.

REMARQUES.

(6) A la fin c'eft trop de filence &c.] Commencement d'une Ode adreflée à M. le Duc de Bellegar

de. SCARRON a mis ces deux mê-
mes Vers dans une Ode à Ma
dame d'EGUILLON.

Or çà, tout de bon je commence
Auffi bien c'est trop de filence
En fi beau fujet de parler.
Ces Vers font ici d'importance:
J'ai fort bien fait de les voler. BROSS.

(7) qui vous conçois ] Quelques-uns vouloient que l'Auteur mit, qui vous connois, au lieu de qui vous conçois. Mais il leur fit voir que, dans cet endroit,

ce dernier terme renferme une. idée plus grande, &, pour ainfi dire, plus gigantefque, par conféquent, plus propre de Balzac, BROSS.

Je ne fçai, MONSEIGNEUR, fi ces violentes exagerations vous plairont, & fi vous ne trouverez point que le ftyle de Balzac s'eft un peu corrompu dans l'autre Monde. Quoi qu'il en foit, jamais à mon avis il n'a prodigué fes hyperboles plus à propos. C'est à vous d'en juger. Mais auparavant lifez, je vous prie, la Lettre de Voiture.

MONSEIGNEUR,

Aux champs Elysées, le 2 Juin.

Bien que nous autres Morts ne prenions pas grand intereft aux affaires des Vivans, & ne foyons pas trop portez à rire, je ne fçaurois pourtant m'empêcher de me réjouir des grandes chofes que vous faites au deffus de notre tefte. Serieufement, voftre dernier combat fait un bruit de diable aux Enfers. Il s'eft fait entendre dans un lieu, où l'on n'entend pas Dieu tonner, a fait connoiftre voftre gloire dans un pays, où l'on ne connoift point le Soleil. Il est venu icy un bon nombre d'Espagnols qui y eftoient, & qui nous en ont appris le détail. Je ne fçai pas pourquoy on veut faire paffer les gens de leur nation pour fanfarons. Ce font, je vous affure, de fort bonnes gens; & le Roy, depuis quelque temps, nons les envoye ici fort humbles & fort honneftes. Sans mentir, MONSEIGNEUR, vous avez bien fait des voftres depuis peu. A voir de quel air vous courez la Mer Mediter ranée, il femble qu'elle vous appartienne toute entiere. Il n'y a pas à l'heure qu'il eft dans toute fon étendue, un feul Corfaire en feureté ; & pour peu

que

cela dure, je ne voi pas de quoi vous voulez que Tunis & Alger fubfiftent. Nous avons les Céfars les Pompées, & les Alexandres. Ils trouvent tous que vous avez assez attrapé leur air dans voftre

maniere de combatre. Sur tout, Céfar vous trouve tres-Céfar. Il n'y a pas jufqu'aux Alarics, aux Genferics, aux Theodorics, & à tous ces autres Conquerans en ics, qui ne parlent fort bien de vôtre action: & dans le Tartare même, je ne fçai fi ce lieu vous eft connu; il n'y a point de Diable, MONSEIGNEUR, qui ne confeffe ingenûment, qu'à la tefte d'une Armée vous eftes beaucoup plus Diable que luy. C'est une verité dont vos ennemis tombent accord. Neanmoins, à voir le bien que vous avez fait à Meffine, j'eftime pour moy que vous tenez plus de l'Ange que du Diable; hors que (8) les Anges ont la taille un peu plus legere que vous (9) & n'ont point le bras en écharpe. Raillerie à part, l'Enfer eft extrêmement déchaîné en vostre faveur. On ne trouve qu'une chofe à redire à vostre conduite; c'est le peu de foin que vous prenez quelquefois de votre vie. On vous aime affez (10) en ce pays-cy, pour fouhaiter de ne vous y point voir. Croyez-moy, MONSEIGNEUR, je l'ay déja dit en l'autre Monde, (11) C'est fort peu de chofe qu'un Demidieu quand il eft mort. Il n'eft rien tel que d'eftre vivant. Et pour moi, qui fçais maintenant par experience ce que c'est que de ne plus eftre; je fais icy la meilleure contenance que je puis. Mais,

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a ne vous rien celer, je meurs d'envie de retourner au monde; ne fuft-ce que pour avoir le plaifir de vous y voir. Dans le deffein même que j'ay de faire ce voyage, j'ai déja envoyé plufieurs fois chercher les parties de mon corps, pour les raffembler: mais je n'ai jamais pu ravoir mon cœur, que j'avois laiffé, en partant, (12) à ces fept Maitreffes, que je fervois, comme vous fçavez, fi fidelement toutes fept à la fois. Pour mon efprit, à moins que vous ne l'ayez, on m'a affûré qu'il n'eftoit plus dans le monde. A vous dire le vray, je vous foupçonne un peu d'en avoir au moins l'enjoûment. Car on m'a rapporté icy quatre ou cinq mots de vôtre façon, (13) que je voudrois de tout mon cœur avoir dits, & pour lesquels (14) je donnerois volontiers le panegyrique de Pline, & deux de mes meilleures Lettres. Suppofé donc que vous

REMARQUES.

(12) à ces fept Maîtreffes, &c.] Voiés l'Hiftoire de l'Académie Françoise , par Péliffon, & la Pompe funèbre de Voiture, par Sarrafin. BROSS.

(13) quatre ou cinq mots de vôtre façon, M. de Vivonne êtoit fertile en bons mots. On fe contentera d'en mettre ici un feul exemple. Un jour le Roi railloit M. de Vivonne fur fa groffeur extraordinaire, en présence de M. le Duc d'Aumont qui n'êtoit pas moins gros. Vous groffiffez à vue d'ail, lui dit le Roi; vous ne faites point d'exercice. Ah Sire, c'est une médifance reprit M. DE VIVONNE, il n'y a point de jour que je ne faffe au moins trois fois le tour de mon coufin d'Aumont. Il y a une réponse femblable dans Rabelais, Liv. I. Ch. 21. J'ai rapporté d'autres mots de M. de Vivonne fur le Vers 107. de l'Epitre IV

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(14) je_donnerois_volontiers le Tome III.

panegyrique de Pline,] VOITURE fe declaroit hautement contre ce panegyrique. DESP.

A lire aujourd'hui Voiture on diroit au contraire, qu'un Auteur peu naturel & plein d'affectation a du être de fon goût, BROSs.

Pline n'eft pas auffi peu naturel, auffi plein d'affectation, que bien des gens ont pris plaifir à le dire. C'eft ce qu'il feroit aifé de faire voir. Je ferois prefque tenté de croire que fi Voiture méprifoit fi fort le Panégyrique de Trajan, ce ne pouvoit être que par le défespoir de pouvoir jamais arriver à mettre dans fes Ouvrages autant d'efprit, que Pline en a mis dans celui-là. Les Lettres de Voiture ne contiennent pas, en efprit acquis à grands frais, le quart de ce qui fe trouve, en efprit naturel, dans les Lettres de Pline. L'Epitre à M. le Prince mise à part, je ne

L

l'ayez, je vous prie de me le renvoyer au plûtoft. Car en verité, vous ne fçauriez croire quelle incommodité c'est que de n'avoir pas tout fon efprit; fur tout lorsqu'on écrit à un homme comme vous. C'est ce qui fait que mon ftile aujourd'huy est tout changé. Sans cela, vous me verriez encore rire, comme autrefois, (15) avec mon compere le Brochet, & je ne ferois pas reduit à finir ma Lettre trivialement comme je fais, en vous disant que je fuis,

MONSEIGNEUR,

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Voftre tres-humble, & tres-obeiffant ferviteur, VOITURE.

Voilà les deux Lettres telles que je les ay reçeuës. Je vous les envoye écrites de ma main:parce que vous auriez eu trop de peine à lire les caracteres de l'autre monde, fi je vous les avois envoyées en original. N'allez donc pas vous figurer, MONSEIGNEUR, que ce foit icy un pur jeu d'efprit, & une imitation du ftyle de ces deux Ecrivains. Vous fçavez bien que Balzac & Voiture font deux Hommes inimitables. Quand il feroit vray pourtant, que j'aurois eu recours à cette invention pour vous divertir, aurois-je fi grand tort? Et ne devroit-on pas au contraire m'eftimer, d'avoir trouvé cette adreffe pour vous faire lire des loüanges que vous n'auriez jamais fouffertes autrement? En un mot, pourrois-je mieux faire voir avec quelle fincérité & quel refpect je fuis,

MONSEIGNEUR,

REMARQUES.

vois quafi rien dans les Ouvrages de Voiture, qui réponde à cette grande réputation, dont il jouit encore dans l'efprit de ceux qui ne le lifent point, & qu'il me femble n'avoir due dans fon

Vôtre, &c.

tems qu'à l'oppofition de fon Stile avec le fublime fatiguant de celui de Balzac.

(15) avec mon compere le Brochet,] Voïés la Lettre 143. de Voiture. BROSS.

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