Pauperis et tugurî congestum cespite culmen, Post aliquot, mea regna videns, mirabor aristas? Impius hæc tàm culta novalia miles habebit! Barbarus has segetes! En quo discordia cives Perduxit miseros! en queis consevimus agros! Insere nunc, Meliboe, pyros! pone ordine vites! felix quondam pecus, ite, capellæ ! (8) Non ego vos posthàc, viridi projectus in antro, Dumosâ pendere procul de rupe videbo; Ite meæ, Carmina nulla canam : non, me pascente, capellæ, Florentem cytisum et salices carpetis amaras ! TITYRUS.. Hic tamen hanc mecum poteris requiescere noctem Et jam summa procul villarum culmina fumant, Contempler seulement le toit qui m'a vu naître, Mes champs, mon beau verger, mon royaume champêtre? Et la fleur du cytise, et le saule, et ma voix! TITYRE. Mais tu peux, cette nuit, différer ton voyage; Accepte à mes côtés un lit de vert feuillage. Nous aurons des fruits mûrs, nouvellement cueillis ; Ceux de mon châtaignier sous la cendre amollis ; Du lait, qu'un sel piquant durcit dans mes corbeilles, Et le miel onctueux de mes jeunes abeilles. La fumée, en tournant, s'élève des hameaux, Et l'ombre immense au loin descend de nos côteaux. REMARQUES SUR L'ÉGLOGUE PREMIÈRE. ON a donné plusieurs définitions de la poésie pastorale; nous ne les répèterons point ici. Ceux qui ont lu les Eglogues de Virgile, connaissent assez ce genre de poésie; il importe peu à ceux qui ne les ont pas lues, de savoir que la poésie bucolique est l'imitation de la vie champêtre. Le public a daigné accueillir nos remarques sur les derniers livres de l'Enéide; nous tâcherons de rendre ces remarques sur les Eglogues également dignes de son suffrage. Nous leur donnerons même plus d'étendue, afin qu'elles soient plus utiles aux jeunes élèves. La poésie de Virgile, surtout dans les églogues, est comme la nature, dont elle offre partout un tableau si fidèle; elle donne sans cesse de nouveaux plaisirs à ceux qui l'étudient dans ses plus petits détails. Nous éviterons cependant l'écueil dans lequel sont tombés la plupart des commentateurs; nous éviterons les répétitions; nous n'aurons point, surtout, la vaine prétention de tout dire dans un sujet aussi riche; nous n'avons d'autre but que celui de faire aimer Virgile à ceux qui ne le savent pas par cœur ; et ce but ne serait point rempli, si nous avions le malheur d'ennuyer en parlant de lui. C'est la reconnaissance qui inspira au poëte latin la première de ses églogues. Le territoire de Mantoue et celui de Crémone avaient été distribués aux soldats d'Antoine et d'Octave; le père de Virgile possédait une petite terre dans le Mantouan, près d'Andès. Cette terre fut donnée au centurion Arius; mais Virgile, aidé de la faveur de Pollion et de Varus, obtint que le champ de ses aïeux serait rendu à sa famille ; il l'obtint à cause de ses vers; et c'est la première fois, peut-être, que le génie des Muses l'emporta sur le génie de la guerre civile. Virgile célèbre dans cette églogue le bienfait d'Auguste, et jamais la reconnaissance ne parla un langage plus noble, plus touchant et plus flatteur. La scène se passe à l'ombre d'un hêtre; le berger Tityre, nonchalamment assis sous l'ombrage, essaie des airs sur son chalumeau; Mélibée, chassé du domaine de ses pères, s'éloigne tristement: la situation des deux bergers offre un contraste plein d'intérêt. Cette églogue est un petit drame champêtre, et les vers suivants en sont l'exposition. (1) PAGE 62, Vers 1. Tityre, tu patulæ recubans sub tegmine fagi, Nos patriæ fines et dulcia linquimus arva; Nos patriam fugimus; tu, Tityre, lentus in umbrâ, Pour peindre l'heureux repos de Tityre, le poëte prodigue les épithètes; il semble que sa Muse se plaise à ces images. Il est plus laconique lorsqu'il nous montre les regrets d'un berger malheureux : il n'emploie qu'une seule épithète, dulcia, dont le sens retombe dans l'idée principale, et qui contribue encore à faire aimer les champs dont Tityre n'est point exilé. Pour apprécier cette juste observation des convenances, il faut se rappeler que Virgile avait à remercier Auguste de la conservation de ses terres ; si ce prince était bienfaisant envers Tityre, il était sévère, injuste envers Mélibée; Virgile devait lui parler de ses bienfaits, et ne dire de l'infortune des autres bergers que ce qui était nécessaire pour faire ressortir sa propre félicité. Mélibée exprime ses regrets sans amertume; il répète deux fois le mot patria. Il pleure sa patrie, et c'est sur cet objet de toutes ses affections que doivent s'arrêter ses souvenirs. Cette répétition est d'un effet touchant. Le verbe meditaris exprime heureusement le repos et le loisir de Tityre; l'adjectif lentus est adroitement opposé au mot fugimus dans le quatrième vers. Le cinquième est plein de grâce et d'harmonie.: O Meliboe! deus nobis hæc otia fecit. 置 On trouvera sans doute la flatterie un peu forte, mais on n'était pas si sévère à la cour d'Auguste; la république ellemême suivit l'exemple de Tityre; ces romains, chez qui la royauté ne put jamais s'introduire, en prenant Auguste pour maître, ne voulurent jamais en faire un roi, mais ils consentirent à en faire un dieu; le sénat donna le titre de divus à Octave. Il y a quelque chose de simple et de naïf dans cette expression de Tityre; il ne sait comment exprimer sa reconnaissance, et il fait un dieu de son bienfaiteur. Il est d'ailleurs si frappé de la puissance d'Auguste, qu'il ne peut s'expliquer ce qu'il a vu, ce qu'il a éprouvé, que par l'idée d'une di vinité. (2) PAGE 62, VERS 11. Undiquè totis Usquè adeò turbatur agris. En ipse capellas Mélibée passe légèrement sur le trouble horrible qui règne de toutes parts dans les champs. Les idées générales ne conviennent point à la simplicité des bergers; Mélibée revient à lui et à ses chèvres; alors ses images deviennent plus précises, et son tableau est bien plus animé. Il en est des tableaux de la poésie comme de ceux des peintres; les perspectives vagues 1 |