le flatter jusque dans son attachement pour son médecin fidèle, Antonius Musa, qu'il désigne sous le nom d'lapis, et qu'il nomme le premier parmi les disciples chéris d'Esculape et d'Apollon. Jamque aderat Phœbo antè alios dilectus Iapis. Le rapprochement des vers suivants est également trop direct pour n'être pas senti : Instant Mnestheus acerque Serestus; « Et Séreste et Mnesthée ordonnent les travaux : Il est impossible de ne pas y reconnaître Agrippa et Mécène, revêtus par Auguste d'une telle autorité, lorsqu'il s'éloignait de Rome, qu'ils avaient le droit d'ouvrir les lettres qu'il adressait à des particuliers, comme au sénat, d'y chancher ce qu'ils jugeaient convenable, de publier même des édits, et que, pour leur donner la forme la plus authentique, l'empereur leur avait laissé le cachet si renommé par la figure du sphinx qu'il représentait. Les événements historiques ou fabuleux qui se trouvent liés à l'histoire de Rome, fournissent à Virgile des allusions du plus grand intérêt pour les Romains de son temps. La lance de Romulus, qui prit racine et poussa des bourgeons, lui inspira ces vers sur Polydore. Nam Polydorus ego: hîc confixum ferrea texit Telorum seges, et jaculis increvit acutis. م » La terre me reçut, et, dans mon sein plongée, >> Leur moisson homicide en arbres s'est changée. » (DELILLE.) La métamorphose des vaisseaux en nymphes, rappelle le stratagème des Troyens, qui firent couler à fond leur flotte pour empêcher les peuples du Latium de s'en emparer. Le trait courageux d'Horatius Coclès, qui traversa le Tibre à la nage, quand le pont qu'il défendait fut rompu, est célébré par l'action de Turnus, qui se précipite tout armé dans le même fleuve, et se rend ainsi dans la ville d'Ardée. Sinon, caché dans un marais, et disant aux Troyens dont il prépare la ruine : Limosoque lacu per noctem obscurus in ulvâ Delitui, dùm vela darent. . . .... « Et caché dans les joncs d'un fangeux marécage, (DELILLE.) Sinon ne permet pas d'oublier Marius méditant les massacres de Rome dans les marais de Minturne; et l'on ne peut trouver une image plus analogue à la mort de Pompée, que le tableau touchant qu'offrent ces vers sur la fin cruelle du père d'Hector : Tot quondam populis terrisque superbum <<< Ce potentat jadis si grand, si vénérable, " » N'est plus qu'un tronc sanglant, qu'un débris déplorable, » Dans la foule des morts tristement confondu, » Hélas! et sans honneur sur le sable étendu. » (DELILLE.) Le phénomène des rayons lumineux, que les soldats romains crurent, dans leur enthousiasme, voir briller sur la tête de Lucius Marcius, lorsqu'ils le proclamèrent général après la mort des deux Scipion, se présente à la mémoire en lisant ces vers du huitième livre de l'Enéide, où la même flamme vient, dans l'imagination du poëte, couronner le front d'Auguste avant la bataille d'Actium : Geminas cui tempora flammas Læta vomunt, patriumque aperitur vertice sidus. «Deux faisceaux lumineux, présage de victoire, (DELILLE.) Les événements plus récents que Virgile n'avait pu prévoir, ne sont pas négligés; il s'en empare à mesure que les circonstances les amènent, et les fait entrer avec tant d'art dans les différents chants de son poëme, qu'ils semblent avoir fait partie de son plan dès l'origine. Telles furent les fêtes qu'Auguste institua sous le nom d'Actiaques, et qu'il ordonna de célébrer chaque année à l'époque de la victoire d'Actium. C'est aux mêmes lieux, au même promontoire d'Actium, que Virgile conduit Enée, au cinquième livre de l'Enéide, et qu'il y fait honorer la mémoire d'Anchise par des jeux funéraires, si pareils aux fêtes de son temps, qu'on ne les croirait qu'une imitation de celles que permit aux Troyens la touchante hospitalité d'Aceste. On y revoit les mêmes courses de navires et de jeunes guerriers, les mêmes combats d'adresse et de force, à l'arc et au ceste, les mêmes évolutions de cavalerie, en un mot, le même spectacle que faisait briller à Rome la magnificence d'Auguste. C'est au premier chant de son poëme, que Virgile inséra ces vers mémorables, à l'occasion de la paix universelle qui vint consoler le monde, et qui permit enfin de fermer le temple de Janus : Aspera tùm positis mitescent sæcula bellis. Cana Fides et Vesta, Remo cum fratre Quirinus, Jura dabunt: diræ ferro et compagibus arctis Sæva sedens super arma, et centum vinctus ahenis « Quels beaux jours vont éclore! » Du métal le plus pur ses jours seront filés. » De sa bouche sanglante en vain mordra ses chaînes. » (DELILLE.) Avec quel génie Virgile oppose à cette heureuse peinture de la félicité publique, la sombre image du signal des combats et des cérémonies imposantes qui se pratiquaient alors, en ouvrant ce même temple d'où s'échappaient la guerre et la victoire! C'est dans ce tableau sublime que Virgile, d'un seul coup de pinceau, fait ressortir un des événements les plus glorieux de l'empire, le retour des aigles romaines enlevées aux légions de Crassus dans sa défaite, et renvoyées à Auguste par le roi des Parthes. Les louanges ne manquent pas aux souverains, mais l'encens qu'on leur prodigue est souvent si fade, et la fumée en est si lourde, que l'idole même en est fa→ tiguée. Ils devraient se souvenir qu'Alexandre ne permettait qu'au ciseau de Lysippe de reproduire son image. Auguste n'eut qu'à se défendre de la séduction des hommages de Virgile. Quelle adresse dans la tournure indirecte de ce dernier éloge offert dans un cadre si magnifique! Cùm prima movent in prælia Martem; Centum ærei claudunt vectes, æternaque ferri Ipse vocat pugnas: sequitur tùm cætera pubes, « Lorsqu'en ces murs puissants la guerre est près d'éclore, » Soit qu'on porte l'alarme aux Arabes errants, » Soit que de nos soldats les rapides torrents >> Le consul renouant la robe gabienne, » Des portes qui de Rome annoncent le courroux, » Fait tomber les barreaux et crier les verroux. » Sur leurs vieux gonds rouillés aussitôt elles s'ouvrent, >> Et du temple de Mars les voûtes se découvrent: Si Virgile sut rendre son poëme intéressant par tous les souvenirs qu'il y rappelle, il ne prouva pas moins combien il possédait l'art des convenances, et son silence à l'égard d'une foule de personnages illustres, encore chers peut-être aux Romains, est une preuve de cette connaissance des mé |