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»Je t'y suivrai!... Que dis-je? à mes pleurs aguerrie, » N'as-tu pas, sans regrets, délaissé ta patrie !

» Pour être loin de moi, (que n'en puis-je douter ! ) Neige, torrents, frimas, rien ne doit t'arrêter !

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Quoi! des Alpes sans moi tu peux gravir les cimes!

» Seule, du Rhin glacé tu franchis les abîmes !

» Ah! cruelle, ah! du moins puissent les durs frimas >> Se fondre et s'amollir sous tes pieds délicats !

J'irai; ma flûte, au loin, me rendra l'interprète » Des vers que, dans Chalcis, fit pour moi son poëte. » C'est un désert, un antre, où je dois habiter, » Aux tyrans des forêts je veux les disputer.

» Je veux, d'un fer aigu, sur les tiges nouvelles >> Graver de mes amours des emblèmes fidèles !

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Chaque jour ils croîtront, ces chiffres amoureux;

» Et vous, ô mes amours! et vous, croissez comme eux ! » Soudain, pour échapper à mes douleurs trompées, » Je suivrai dans les bois les nymphes attroupées; » J'irai sur le Ménale, intrépide chasseur,

» Des sangliers fougueux défier la fureur;

» Mes chiens plus animés franchiront, sur mes traces, »Du froid Parthénius les éternelles glaces;

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Déjà, Parthe nouveau, dans le bruit des forêts,

» D'un carquois de Cydon je crois lancer les traits.

>> Vains secours ! vains travaux ! aveugles que nous sommes ! >> Eh! qu'importe à l'Amour tous les tourments des hommes! Nymphes des bois, sylvains! ni vos chants, ni vos jeux,

» Ni le charme des vers, ne calmeront nies feux! » Oui, sous le Cancer même, aux lieux où sa furie » Dévore des ormeaux et l'écorce et la vie,

Omnia vincit Amor, et nos cedamus Amori.

Hæc sat erit, divæ, vestrum cecinisse poetam, (11) Dùm sedet, et gracili fiscellam texit hibisco,

Pierides; vos hæc facietis maxima Gallo;

Gallo, cujus amor tantùm mihi crescit in horas,
Quantùm vere novo viridis se subjicit alnus.

Surgamus: solet esse gravis cantantibus umbra; Juniperi gravis umbra; nocent et frugibus umbræ. Ite domum saturæ, venit, Hesperus, ite, capellæ.

» Sur l'Hèbre ou chez le Scythe, égaré par l'Amour,
Quand tout cède à ce dieu, cédons à notre tour. »
Mais, en chantant Gallus, ma corbeille s'achève,
C'est assez : vantez-lui ces vers de votre élève,
Muses! qu'un mot de vous leur donne un plus grand prix!
Lui plaire est le seul bien dont mon cœur soit épris.
Répétez à Gallus, répétez-lui sans cesse,

Que pour lui d'heure en heure augmente ma tendresse ;
Et qu'il verra, pour lui, croître mes vœux ardents,
Comme aux rives des eaux croît un saule au printemps.
Levons nous; l'horizon déjà devient plus sombre;
Du genièvre et des nuits la voix redoute l'ombre ;
L'ombre aussi peut vous nuire; allez, jeunes chevreaux,
Vesper, du haut des cieux, vous rappelle aux hameaux.

REMARQUES

SUR L'ÉGLOGUE DIXIÈME.

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GALLUS avait aimé tendrement une comédienne ou courtisane ( ces deux mots sont presque synonymes ). Il la célébra dans ses vers, sous le nom de Lycoris. Il avait composé quatre livres de poésies pour elle; c'est beaucoup, mais on ne peut que les regretter, d'après le jugement d'Ovide, qui nous dit que Gallus avait fait connaître le nom de Lycoris de l'orient à l'occident;

Vesper et Eox novêre Lycorida terræ :

et d'après le témoignage de Properce qui dit à Cynthie : « Ce Gallus, qui lave ses blessures encore récentes dans » l'onde infernale, n'a-t-il pas immortalisé les charmes de » sa Lycoris?

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Et modò formosâ qui multa Lycoride Gallus,

Mortuus infernâ vulnera lavit aquâ.

Cette Lycoris avait été affranchie de Volumnius, et la maîtresse d'Antoine, qui la prit, la quitta, la reprit, et la conduisit avec lui dans son second voyage des Gaules, ой

elle se montrait à ses côtés dans une litière ouverte, et avec une suite plus brillante que celle de la mère du consul. Cicéron fait allusion à cette Lycoris, lorsqu'il dit dans sa seconde Philippique, uxorem mimam Antonii. Antoine se montra un jour avec elle sur un char attelé de lions: luxe dont les temps modernes ne donnent plus l'idée, et qui n'appartenait qu'à la magnificence romaine.

. Un pareil amant, il faut en convenir, devait éclipser un poëte auprès d'une comédienne; Antoine fit oublier Gallus. On sait que le même malheur est arrivé à Racine, qui fut remplacé dans le cœur de la Champmêlé, par M. de Tonnerre; on ne sait si Racine en fut inconsolable, mais le poëte latin eut besoin de l'amitié de Virgile pour être consolé ; pour Lycoris, je ne sais si elle ne dut pas s'estimer trop heureuse d'avoir été infidèle, puisque son infidélité lui valut l'honneur d'être célébrée dans la plus touchante des églogues.

(1) PAGE 250, VERS 2.

Extremum hunc, Arethusa, mihi concede laborem :
Pauca meo Gallo, sed quæ legat ipsa Lycoris,
Carmina sunt dicenda : neget quis carmina Gallo?

Sic tibi, cùm fluctus subterlabêre Sicanos,
Doris amara suam non intermisceat undam!
Incipe: sollicitos Galli dicamus amores,
Dùm tenera attondent simæ virgulta capella.
Non canimus surdis; respondent omnia silvæ.

Avec quel art Virgile sait nous disposer à l'entendre! It implore le secours de la Muse qui avait chanté parmi les bergers de Sicile l'amour infortuné de Daphnis; il l'implore, pour consoler un ami, qui n'est pas moins malheureux que le berger dont Théocrite a déploré le trépas. Il ne veut que peu de vers, mais il faut que Lycoris les lise; ils ont pour but de ramener ou de faire rougir l'infidèle, et c'est par là qu'ils doivent toucher davantage. Une scène sans but intéresse peu les spectateurs. Assuré du secours de sa Muse, le poëte appelle l'attention de ses lecteurs; il ne parle point à des sourds, non canimus surdis, tout le monde connaîtra ses chants, et les forêts elles-mêmes seront attendries.

Cet art, cette magie poétique, qui personnifie les objets inanimés, semble donner plus d'importance au sujet, soit qu'il tienne plus particulièrement au genre bucolique, ou qu'il soit une combinaison du génie; il a été inconnu à presque

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