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Hic hædos depone; tamen veniemus in urbem : Aut, si nox pluviam ne colligat antè veremur, Cantantes licet usquè ( minùs via lædet) eamus : Cantantes ut eamus, ego hoc te fasce levabo.

MOERIS.

Desine plura, puer; et quod nunc instat agamus. Carmina tùm meliùs, cùm venerit ipse, canemus.

La ville n'est pas loin; si tu crains quelque orage,
Livre-moi ce fardeau, léger pour mon jeune âge;
Et, plus dispos, Méris, chante au moins en marchant;
Le chemin le plus long s'abrège par le chant.

MÉRIS.

Cesse, dans ma douleur, d'insister davantage;
Hâtons-nous; je me dois aux soins de mon voyage.
Si le sort pour Ménalque ici peut s'adoucir,
Nous pourrons avec lui chanter plus à loisir.

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REMARQUES

SUR L'ÉGLOGUE NEUVIÈME,

VIRGILE, comme on l'a vu dans la Notice historique qui est à la tête de ses œuvres complètes, avait obtenu la restitution du domaine de ses pères. Mais, dans le trouble des guerres civiles, la voix des chefs n'est pas toujours entendue : le centurion Arius s'était établi sous le toit modeste de Tityre, et, malgré la volonté proclamée d'Auguste, il dit à Virgile, qui réclamait l'exécution des ordres bienveillants de l'empereur hæc mea sunt, « ces domaines sont à moi. » Le véritable possesseur fut chassé de sa propre demeure; il fut menacé et poursuivi. Les Muses allaient perdre leur plus cher favori: Virgile échappa cependant à l'avare fureur d'Arius, et le danger qu'il courut fut le sujet de sa neuvième églogue. Cette églogue est beaucoup au-dessous de la première où le poëte remercie Auguste, et l'on peut dire que la frayeur l'inspira moins bien que la reconnaissance.

(1) PAGE 236, VERS 2.

O Lycida, vivi pervenimus, advena nostri
(Quod nunquàm veriti sumus) ut possessor agelli
Diceret : Hæc mea sunt; veteres, migrate, coloni.
Nunc victi, tristes, quoniam fors omnia versat,
Hos illi (quod nec benè vertat!) mittimus hædos.

2

Le désordre qui règne dans la construction de ces vers montre bien le trouble qui devait agiter l'esprit du berger, et qui paraissait régner en même-temps parmi tous les habitants

des campagnes voisines de Crémone et de Mantoue. Le poëte n'emploie que quelques mots pour exprimer l'usurpation d'Arius; mais il emploie plusieurs vers pour rendre la surprise et l'effroi du berger. La vie des bergers est rarement troublée; ils ne peuvent concevoir des événements dont ils n'ont pu prévoir la cause. C'est parmi eux que la propriété com→ mença à être sacrée, et que le dieu Terme obtint ses premiers autels.

Le bruit s'était répandu que Méris était rentré dans le champ de ses aïeux; il devait ce bienfait à l'harmonie de ses vers; mais que peut l'harmonie contre la fureur des guerres civiles? La Muse du poëte est au milieu des barbares vainqueurs comme la colombe de Chaonie parmi les aigles cruels. Cette comparaison est charmante; elle a toute la grâce et l'innocente simplicité des bergeries.

ན་ང་

Lycidas gémit sur les périls du berger Méris; il s'écrie du ton le plus touchant :

Quis caneret nymphas? quis humum florentibus herbis
Spargeret, aut viridi fontes induceret umbrâ?

La gloire des nymphes est intéressée au sort de Ménalque. La terre elle-même manquerait de fleurs et les fontaines d'ombrage, si ce berger avait succombé. Tels sont les malheurs des bergeries; les êtres inanimés les partagent: la nature entière est en deuil; quel lecteur n'en serait point touché ?

Après avoir ainsi exprimé leurs craintes et leur désespoir, il nous semble que les bergers sont trop facilement consolés Ils chantent tour à tour Varus et Galatée. On ne s'étonne pas qu'ils célèbrent les louanges de Varus, car ce général pouvait les protéger auprès d'Auguste; mais la plus belle des nymphes ne pouvait rien faire pour Méris et pour Ménalque. Le berger de Virgile traduit mot pour mot la prière que Théocrite met dans la bouche de Polyphème; les vers latins sont pleins de charme et d'harmonie, mais les sentiments

doux qui y règnent, contrastent trop avec ceux qui devaient remplir l'âme des bergers dépouillés par des mains avides et meurtrières.

Ces remarques critiques ne doivent pas cependant nous empêcher d'admirer le style de Virgile; observons surtout l'harmonie de ce vers: Digna, sed argutos interstrepere anser olores. Un son rauque et sourd s'y fait entendre; on y distingue le cri bruyant de l'oison parmi les chants harmonieux du cygne: dans le morceau de Galatée, on pourrait citer plusieurs vers où l'on reconnaît le molle atque facetum dont parle Horace.

(2) PAGE 242, VERS 1.

<< Daphni, quid antiquos signorum suspicis ortus?

» Ecce Dionai processit Cæsaris astrum;

» Astrum, quo segetes gauderent frugibus, et quo

>> Duceret apricis in collibus uva colorem.

» Insere, Daphni, piros: carpent tua poma nepotes. »

Tandis qu'on célébrait à Rome des jeux funèbres en l'honneur de César, une étoile apparut tout à coup. Le peuple crut voir l'âme de César reçue en triomphe dans le ciel. Le berger Méris fait allusion à cet événement dans les vers que nous venons de citer on chercherait en vain des vers plus pompeux dans l'Énéide; ces images, quoique grandes et sublimes appartiennent à la poésie pastorale. Les esprits les plus éclairés ne sont pas ceux qui se font l'image la plus brillante des objets qui les occupent; si j'étais assis sur le trône du monde, et si la louange avait des attraits pour moi, j'aimerais mieux être loué par des bergers que par des académiciens: les beaux-esprits feront des comparaisons ingénieuses, mais le berger regardera le ciel; il y verra l'astre de César, cet astre qui doit jaunir les moissons dans les champs, et mûrir les raisins sur les coteaux.

Le dernier vers, Insere, Daphni, piros: carpent tua poma nepotes, nous montre déjà les biens de l'avenir liés à ceux du présent, Dans les villes, des colonnes, des temples, des pa

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