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REMARQUES

SUR L'ÉGLOGUE SEPTIÈME.

L'EX

'EXPOSITION de cette églogue peut être regardée comme un modèle dans ce genre. Daphnis y paraît assis sous un chêne; près de lui sont les bergers Corydon et Thyrsis qui ont réuni leurs deux troupeaux en un seul. Tous deux sont à la fleur de l'âge, tous deux sont d'Arcadie; tous deux sont exercés au combat du chant. Tout ce qui peut préparer l'attention du lecteur et éveiller sa curiosité, se trouve dans ce début.

Après l'exposition, vient une espèce de prologue qui est comme la première scène de ce drame pastoral. Ce prologue offre un tableau animé des occupations et des soucis de la vie champêtre. Le bouc de Mélibée s'est égaré, tandis que ce berger s'occupait d'abriter ses jeunes myrtes. Mélibée aperçoit Daphnis qui l'invite à entendre les chants de Corydon et de Thyrsis; il ne peut résister à l'attrait du spectacle qui se prépare; le soin de ses agneaux ne peut le retenir. Cet empressement de Mélibée donne une haute idée du talent des deux chantres rivaux, et fait naître l'envie de les écouter. Virgile ne pouvait d'ailleurs mieux faire sentir le goût des bergers pour le chant : ce goût leur fait tout oublier, et il a fait dire des bergers de Théocrite et de Virgile ce qu'on disait du peuple romain, panem et circenses. Cette passion pour le chant s'allie heureusement avec l'oisiveté des bergeries, et elle caractérise très-bien les moeurs pastorales: elle nous présente les bergers comme un peuple doux et ami des arts; elle suppose des idées d'urbanité, et l'on est souvent tenté de croire, en lisant les chants bucoliques des anciens, que la ci

vilisation s'était perfectionnée dans les bergeries avant de se perfectionner dans les villes.

Le style de Virgile, dans le début de cette églogue, est simple, vif et animé. Ce que son sujet pouvait avoir de trop commun, est racheté par la richesse et l'éclat des images. Le mot vir, appliqué au bouc, est d'une heureuse hardiesse; il est très-difficile à rendre en français. Le traducteur des Églogues, qui est parvenu à vaincre très-heureusement beaucoup de difficultés, avait trouvé une expression équivalente dans ces mots : le sultan du troupeau. Lafontaine n'aurait pas manqué de rendre ainsi le vir gregis dans une imitation; mais dans une traduction littérale, il n'était pas permis de faire un anachronisme, et de supposer à Virgile l'idée des usages modernes.

Le prologue de l'églogue latine est très-remarquable par la vérité des images. Le tableau des occupations des bergers s'y trouve adroitement mêlé à des descriptions riantes de la nature. Tandis que le berger Mélibée est à la recherche de son bélier, on aime à reposer ses regards sur les rives fleuries du. Mincio.

(1) PAGE 190, VERS 12.

Hic viridis tenerâ prætexit arundine ripas

Mincius, èque sacrâ resonant examina quercu.

Par cette description, Virgile a voulu jeter de la variété dans son récit, et deux vers lui suffisent. Gresset n'est pas entré dans l'esprit du poëte latin, lorsqu'il a fait cette paraphrase:

Partagez avec nous, sur ces rives fécondes,

Le plaisir d'un concert et la fraîcheur des ondes.
Ce beau fleuve, en baignant ce bocage secret,
Coule plus lentement et s'éloigne à regret ;
A nos yeux enchantés son cristal représente
D'un ciel brillant et pur la peinture flottante;
Là, le bruit de l'abeille errante sur les fleurs,
Joint aux chants des oiseaux des sons doux et flatteurs.-

Il ne s'agit point ici d'un bocage secret; le bruit de l'abeille n'est point le mot propre. L'idée d'un fleuve qui s'éloigne à regret, ne peut être attribuée à Virgile. On y reconnaît trop la manière d'Ovide. La traduction de Gresset a beaucoup d'autres choses qu'on ne trouve point dans l'original. C'est un tort que d'ôter à Virgile ses beautés; mais un tort non moins grave, c'est de vouloir l'embellir,

(2) PAGE 192, Vers 18.

Sinum lactis et hæc te liba, Priape, quotannis,
Exspectare sat est : custos es pauperis horti.
Nunc te marmoreum pro tempore fecimus, at tu,
Si fetura gregem suppleverit, aureus esto.

Il y a beaucoup de naïveté dans le ton libre et familier que le berger prend avec le dieu Priape. Tels étaient les rapports des hommes et des dieux dans la religion d'Homère et de Virgile.

Les dieux avaient été laboureurs ou bergers;

Ils soignaient les troupeaux, les moissons, les vergers:
L'homme est prompt à chérir l'être qui lui ressemble;
Sur la terre embellie ils habitaient ensemble.

Ces dieux, ainsi que l'homme, avaient connu les maux;
Ils étaient compagnons de plaisirs, de travaux ;,
Et, sans aucun effort, la faiblesse mortelle
S'élevait à des dieux qui descendaient vers elle.

(IMAGINATION.

Priape préside au modeste jardin de Thyrsis; il est son commensal. Le berger ne saurait avoir un profond respect pour un dieu qui a des fonctions si peu importantes, et qui est si près de lui.

J'aime à voir tous les ans le père de famille
Rassemblant son épouse, et son fils et sa fille,
Présenter pour tributs à ces dieux innocents,

Quelques gouttes de lait et quelques grains d'encens;

Heureux d'en obtenir, par un si simple hommage,
L'aisance et le repos, les premiers biens du sage;
Mais malheur à ces dieux, si l'hommage était vain!
Leurs sujets révoltés les punissaient soudain,

Et de leurs vœux frustrés leur infligeaient la peine.
(IMAGINATION.)

Ces beaux vers peuvent servir à caractériser le langage du berger, qui impose des conditions au dieu de son jardin. L'impératif aureus esto, est d'une ingénuité brusque et franche qui fait sourire le lecteur. Cette promesse magnifique et faite avec tant d'assurance, peut faire excuser la familiarité de Thyrsis. Il me semble voir Priape ébloui de la richesse du présent, et aspirer à l'honneur de devenir un dieu d'or. Les dieux étaient estimés selon le métal dont ils étaient formés, et Lucien nous dit que ceux qui étaient d'or et d'argent avaient la prétention d'être placés dans l'Olympe avant ceux qui n'étaient que de pierre. On est bien sûr que Priape fera tout ce qu'il pourra pour exaucer les vœux qu'on lui adresse.

(3) PAGE 194, VERS 2.

Nerine Galatea, thymo mihi dulcior Hyblæ,

Candidior cycnis, hederâ formosior albâ...........,

- Une beauté parmi nous serait peu flattée d'être comparée au lierre blanc, hederá formosior albá. Théocrite s'était servi de cette image dans l'idylle du Cyclope. Ovide, dans la complainte de Polyphème, a pris les comparaisons de Virgile et de Théocrite; et, selon son usage, il a épuisé son sujet, et présenté la même idée sous mille formes. Dans Virgile, Gaatée est plus douce que le thym, plus blanche que cygne, plus belle que le lierre; dans Ovide, le teint de cette nymphe efface la blancheur du troëne; elle est plus brillante qu'une prairie émaillée; sa peau est plus douce que les coquillages que la mer a polis, que le plumage argenté du cygne et que le lait durci. Les fruits plaisent moins qu'elle; sa présence est plus agréable que le soleil en hiver, et l'ombre dans l'été; elle éblouit comme la glace brillante, elle est

plus douce que le raisin mûr, plus sauvage que le taureau, plus dure qu'un chêne, plus trompeuse que l'onde, plus flexible que l'osier, plus fière que le paon, plus vive que le feu, plus légère que le cerf, etc., etc. Ovide ne s'arrête pas là; il entasse beaucoup d'autres comparaisons, et les idées les plus simples et les plus gracieuses deviennent ainsi, sous sa plume, des images bizarres et ridicules : écueil ordinaire des poëtes qui ont plus d'esprit que de goût, et plus d'imagination que de jugement.

(4) PAGE 294, VERS 5.

Imò ego Sardois videar tibi amarior herbis,

Horridior rusco......

Théocrite et Virgile emploient souvent ces sortes d'images qui semblent faire partie de la langue des bergers, et qui ont d'ailleurs l'avantage d'offrir à l'esprit plusieurs objets à la fois.. Ces comparaisons ont cependant un inconvénient, c'est de set présenter toujours de la même manière et avec les mêmes formes tantôt c'est une bergère qui surpasse les autres, autant que le pin s'élève au-dessus de la fougère; tantôt c'est un berger qui recherche l'objet de ses amours, comme la chèvre recherche le cytise fleuri. Ici Corydon consent à paraître, aux yeux de sa bergère, plus hideux que le chardon, et plus vil que l'algue marine. Les poëtes bucoliques ont répété ccs comparaisons jusqu'à satiété, et souvent avec aussi peu de jugement que de retenue. Alors elles dégénèrent en puérilités, comme dans ces vers de Belleau :

J'ai baisé des chevreaux qui ne faisaient que naître,
Le petit veau de lait dont Colin me fit maître,

L'autre jour dans ces prés; mais ce baiser vraiment
Surpasse la douceur de tout ensemblement.

Cette comparaison est tirée de Longus; mais elle n'en vaut pas mieux; il est beaucoup de poëtes qui prennent tout ce qu'ils trouvent dans les Latins et les Grecs: s'il leur tombe en mains une bonne pensée, on voit bien qu'elle ne leur est pas propre; «< ils s'en servent, disait Racan, d'aussi mau

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